Mercredi, plusieurs membres du collectif des citoyens de Mayotte 2018 se sont réunis à la MJC de M’Gombani pour annoncer une marche ce samedi entre Doujani et Mamoudzou. Remontés face à la recrudescence de la délinquance de ces derniers mois, ils exigent la venue du ministre de la Justice pour réaliser un diagnostic local. En cas de non-réponse satisfaisante, cette manifestation pourrait bien entraîner une nouvelle paralysie de l’île.

Entre les agressions répétées et l’immobilisme du système judiciaire, le collectif des citoyens de Mayotte 2018 s’époumone tant bien que mal à tirer la sonnette d’alarme. En vain selon lui… Pour de nouveau crier à l’injustice, ses membres annoncent une marche « en mémoire de ceux qui ont perdu la vie ces derniers mois » ce samedi à 8h depuis le rond-point de Doujani jusqu’à la place de la République de Mamoudzou. Face au téléphone en direct, le cousin du défunt de M’Tsapéré, Ahmed Thany, harangue les auditeurs et les invite à rejoindre massivement la manifestation pour dire « stop ». « Nous sommes fatigués d’être les victimes », plaide celui qui a depuis cet événement tragique créé le collectif Bassi Ivo dans son quartier.

Voilà pour l’appel solennel. Le discours, lui, ne bouge pas d’un iota, bien au contraire. Dans le viseur des investigateurs du fameux blocage de sept semaines en 2018 ? « L’immigration en tout genre », pointe du doigt Said Mouhoudhoiri, le porte-parole du célèbre collectif susnommé. Une arrivée massive ayant pour conséquence « une guerre communautaire entre les Mahorais et les Comoriens », selon Safina Soula Abdallah, la présidente. « Mayotte est devenue une passoire. Et quand nous disons la vérité, nous nous faisons traiter de xénophobes et de racistes. » Et c’est là que le bât blesse à leurs yeux : deux populations se distinguent sur ce territoire « de terreur ». Celle dite « intouchable, car non identifiable, qui entraîne une transviolence venue d’ailleurs », comme l’explique Sylviane Aboudou. Et celle « qui vit en toute légalité et qui est jugée ». À l’instar, de l’homme placé en détention provisoire fin juillet dans l’affaire du rapt de Petite-Terre.

« Nous sommes orphelins, nous n’avons pas de parents »

Au son de leurs voix respectives se dégage une lueur de désespoir, ou plutôt d’incompréhension, à l’égard de la justice. « Le tribunal refuse la vérité et s’amuse avec les Mahorais. […] J’accuse cette justice à deux vitesses ! », renchérit Said Mouhoudhoiri. La solution miracle pour inverser la tendance ? Que Éric Dupont-Moretti, fraîchement intronisé Garde des Sceaux lors du remaniement ministériel, vienne « faire un constat sur place et rencontrer les familles endeuillées », plaide Foumo Silahi, président de Civirevos, l’association citoyens vigilants et révoltés de Mayotte. « Le fonctionnement des autorités de l’État est préjudiciable pour les Mahorais. Il faut un diagnostic local ! »

Si le collectif des citoyens de Mayotte 2018, par le biais de sa présidente, dit ne pas vouloir « divorcer avec la justice », la confiance s’effrite. Au point de se sentir tout simplement discriminé. « Dans un autre département, un membre du gouvernement aurait été dépêché. Nous, nous sommes orphelins, nous n’avons pas de parents », détaille Safina Soula Abdallah, qui dénonce la colère grandissante de la population. Mais pour d’autres membres, comme Abdallah Ali Baco, la venue d’un ministre se résume à de la poudre de perlimpinpin. « Il ne faut pas se leurrer ». Prenant ainsi exemple sur nos voisins de l’océan Indien pour justifier son argument. « Quand les Réunionnais revendiquent, ils obtiennent gain de cause ». Une succession d’interventions qui se résume à un sentiment d’abandon.

Cette marche, soutenue par le collectif MEM France à Marseille, semble donc être le dernier espoir pour une possible réconciliation. « L’État doit comprendre que cette action sera intelligemment menée. Nous avons retenu les leçons de 2018, nous ne sommes pas sauvages. Nous savons que Mayotte a besoin de son économie, d’autant plus que le tourisme et le transport sont déjà menacés. Les chefs d’entreprises sont prévenus. Nous voulons simplement alerter », s’égosille Sylviane Aboudou. Avant un éventuel embrasement ? Le haussement de sourcils en guise de réponse en dit long…