Déconfinement : Qu’est-ce qui change (vraiment) à partir de ce mardi à Mayotte ?

20 jours après l’annonce de la première phase de déconfinement, Édouard Philippe a dévoilé jeudi soir de nouvelles mesures d’assouplissement, qui, cette fois, concernent Mayotte. Si la situation sanitaire et hospitalière y demeure au-dessus des seuils de vigilance, le 101ème département, qui se prépare à faire face au pic épidémique, est enfin passé au orange, après plus de deux mois dans le rouge. Autrement dit, certaines interdictions vont pouvoir être levées dès aujourd’hui. Mais comme en Île-de-France et en Guyane, il convient encore d’observer une certaine vigilance, du fait de la circulation active du virus. Un nouveau point d’étape est prévu le 22 juin, lors de l’annonce du troisième acte du plan de déconfinement. D’ici là, les préfets de chaque territoire sont susceptibles d’adapter localement les mesures annoncées.

Bars, cafés et restaurants

Si dans les zones vertes, tous les cafés et restaurants peuvent désormais rouvrir, seules les terrasses sont concernées dans les trois territoires classés orange. Il y sera par ailleurs interdit d’être à plus de dix personnes par table, et au moins un mètre devra être observé entre les tables de chaque groupe. Le port du masque sera obligatoire pour tous les personnels, ainsi que pour les clients lorsqu’ils se déplacent. Des conditions particulières qui ne marquent pas la fin de la crise économique pour ces entreprises, dont certaines étaient totalement fermées depuis plusieurs mois.

Parmi elles, le Camion Rouge, installé sur la jetée de Mamoudzou, avait, dès la mi-mars, suspendu la vente, faute, à ce moment-là, de pouvoir équiper ses salariés en conséquence. Mais désormais, l’enseigne est pourvue de masques, gants et gel hydroalcoolique, et l’organisation des effectifs a été revue pour que deux équipes puissent s’alterner afin de limiter les risques éventuels de contamination. « On ne va pas pouvoir reprendre en régime normal les premiers temps, et je m’attends d’abord à une faible fréquentation », déplore Patrice Roux, le patron des lieux dont la terrasse ne pourra désormais accueillir plus d’une vingtaine de personnes. « Il nous faudra au moins un mois avant de se remettre sur pied et on a déjà du retard dans les salaires. » En conséquence, le Camion Rouge ouvrira, au moins la première semaine, de 7h à 15h uniquement, de quoi pouvoir prendre le pouls.

Du côté de Chez Cousin, situé en face du centre-commercial Baobab, les inquiétudes semblent moins lourdes, les lieux permettant d’espacer les tables sans que cela n’impacte véritablement le taux de remplissage de la terrasse. Petite nouveauté, un camion-bar sera installé sur le parking attenant, et les pizzas devraient être remises à la carte pour le service du midi. Mais Chamsiddine Cham, mieux connu sous le surnom de Cousin, préfère rester prudent. « On ne va pas remettre tous les salariés dès le début, avant je préfère voir comme ça se passe », prévient le patron. « Je pense que les gens seront là, mais on ne peut pas savoir comment ça va se passer. » Alors, l’enseigne s’adapte elle aussi pour marquer une courte pause l’après-midi, entre 15h et 17h, heure où la fréquentation devrait être plus faible. Si la visibilité est moindre pour les prochaines semaines, elle l’est d’autant plus pour les établissements sans extérieur, condamnés à demeurer fermés ou à ne s’en tenir qu’à la vente à emporter à minima jusqu’au 22 juin, date du déploiement de la troisième phase de déconfinement annoncée par le Premier ministre.

Hôtels

La question des hôtels n’a en revanche pas été abordée par Édouard Philippe, pour la simple et bonne raison que ceux-ci n’ont jamais eu l’obligation légale de fermer, contrairement à ce qu’avait expliqué Emmanuel Macron à la mi-avril. Mais à Mayotte où la plupart de ces établissements accueillent des personnes en voyage d’affaires ou des touristes affinitaires, tous les clients avaient précipitamment écourté leur séjour afin de pouvoir embarquer sur l’un des derniers vols commerciaux avant la fermeture de l’aéroport, courant mars. Depuis, à défaut de dégager des recettes suffisantes, les professionnels du milieu ont préféré fermer, essuyant de nombreuses annulations de réservation. L’hôtel Caribou par exemple, l’un des plus fréquentés de l’île, voit encore des clients décommander leur séjour, parfois jusqu’au mois de novembre. L’activité du secteur est donc suspendue jusqu’à la reprise du trafic aérien. Mais elle sera par ailleurs touchée par l’obligation de quatorzaine à l’arrivée des voyageurs dans tous les Outre-mer. De quoi encourager encore un peu plus le report des séjours, et plus particulièrement ceux de courte durée.

Aéroport

Sans surprise, la reprise des vols commerciaux n’a pas été annoncée. « Une réouverture plus large des vols est prévue pour les vacances d’été », a précisé Édouard Philippe, sans ne citer aucune date. Le Premier ministre a toutefois expliqué que le rétablissement de la continuité territoriale dans les outre-mer était une priorité. Si la quatorzaine reste encore de mise pour les voyageurs, celle-ci pourrait être amenée à évoluer pour être, dans les territoires ultramarins, réduite à une période de sept jours, à l’issue de laquelle les voyageurs à l’arrivée devront être dépistée. En cas de résultat négatif, l’isolement pourra être interrompu.

Plages, plans d’eau, criques et îlots

« Les plages sont rouvertes sur l’ensemble du territoire national », a annoncé jeudi soir Édouard Philippe, alors qu’aucun maire mahorais n’avait encore adressé à la préfecture de demande de réouverture des sites de baignade dans sa commune. L’application locale de cette mesure, bien qu’explicite, a donc dans un premier temps posé question, avant que le préfet ne confirme, ce lundi soir, que toutes les plages, plans d’eau, criques et îlots de Mayotte étaient, dorénavant, à nouveau accessibles, et ce malgré les réticences de certains maires. Toutefois, les rassemblements sont toujours limités à dix personnes. Autrement dit, les voulé et bivouacs doivent impérativement s’organiser en petit comité, à l’instar des sorties en mer avec les opérateurs nautiques, qui ont pu reprendre le travail ce week-end.

Pour mémoire, Jean-François Colombet avait annoncé, il y a une semaine, que les plages pourraient rouvrir à condition que les maires prennent les mesures nécessaires au respect des gestes barrières. Ce week-end, Saïd Omar Oili, maire de Dzaoudzi-Labattoir, était encore le seul à avoir autorisé l’accès aux plages, criques et îlots de sa commune. Quelques jours plus tôt, l’élu avait pourtant expliqué à nos confrères de Mayotte La 1ère préférer attendre que le pic épidémique soit passé pour rouvrir ces espaces au public, avant de faire machine arrière.

Écoles

Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale était lui aussi au rendez-vous jeudi pour détailler la reprise de l’école, et l’annulation de l’épreuve orale du bac de français dans tout le pays. Dans le premier degré, seule une quinzaine d’établissements ont pu rouvrir à Mayotte la semaine dernière. Désormais, toutes ont l’obligation d’accueillir les élèves, au moins quelques jours par semaine, dès mardi, sous réserve, évidemment, que les préconisations sanitaires puissent y être observées. Alors que la fréquentation des écoles avait été très faible la semaine dernière, le rectorat espère voir une cinquantaine d’établissements rouvrir d’ici la semaine prochaine, parmi lesquels ceux de Mamoudzou, Kougnou, Bandraboua ou Pamandzi. « Si une école n’est pas prête, nous repousserons son ouverture », rassure Gilles Halbout. D’autant plus que « certains maires sont encore récalcitrants », pendant que d’autres ont profité de cette période – électorale, rappelons-le –

pour entamer des travaux dans quelques établissements. « Certains ne s’attendaient pas à devoir rouvrir dès mardi, il va falloir tout remettre en ordre. La semaine qui vient est cruciale », commente encore le recteur. Parmi les bons élèves, la maire de Chirongui a annoncé ce week-end que toutes les écoles de la commune pourraient rouvrir dès le 2 juin pour les classes de grande section, de CP, de CE1 et de CM2, grâce notamment à l’installation de points d’eau dans les établissements et aux réagencements des salles de classe. Près d’une centaine d’agents seront également aux côtés des élèves pour rappeler les gestes barrières et veiller à leur respect. Ils seront également chargés de désinfecter les locaux après les cours.

Concernant le second degré cette fois, la reprise des cours sera plus progressive. Sept collèges rouvriront mardi, uniquement pour les classes de 6ème et de 5ème. Côté lycée, la priorité est donnée aux formations professionnelles, où « il y a plus de décrochage », selon le ministre de l’Éducation nationale. Ainsi, le lycée de Sada pourra de nouveau accueillir ses élèves de terminale en filière professionnelle, aux horaires habituels, dès cette semaine. Ils sont par ailleurs autorisés à emprunter les transports scolaires. Gilles Halbout mise sur une ouverture de l’ensemble des autres lycées à compter du lundi 8 juin. De quoi permettre aux élèves d’assurer des entretiens pédagogiques individuels notamment.

Culture, loisirs et sports

Enfin, en zone orange, l’ouverture des piscines, gymnases, salles de sport, parcs de loisirs, salles de spectacles et théâtre a été fixée, au plus tôt, pour le 22 juin. Limitation des rassemblements à dix personnes oblige, la pratique de sports collectifs, ainsi que des sports de contact, demeure encore interdite et les discothèques et cinémas ont ordre de rester fermées jusqu’à cette date.

Les parcs et jardins ainsi que les musées et monument peuvent, eux, déjà recommencer à accueillir du public dans le respect des gestes barrières. Aussi, en début de semaine dernière, le préfet de Mayotte annonçait la réouverture progressive des lieux de culte, dans des conditions adaptées.

 

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