L’objectif me semblerait, pour les candidats, d’être élu, afin de faire partie de la future majorité. Ils pourraient alors ainsi mettre en œuvre leurs ambitions, leurs espoirs, leurs orientations qu’ils auraient présenté durant la campagne. C’est pour cela que les partis politiques ont été créés. Se rassembler pour être plus forts et être capables de constituer une majorité.
Les partis, avec leurs différences, leurs sensibilités, permettent aux candidats de se reconnaître dans les uns ou les autres et de s’y retrouver. Ils y apportent aussi leurs idées, débattent, puis se mettent d’accord sur les grandes lignes, les grands principes, qu’ils adoptent pour eux. Ils vont ensuite diffuser la bonne parole dans leurs quartiers et villages et essayer de faire rêver leurs électeurs potentiels.
C’est ce rêve commun, partagé par certains, qui peut rassembler suffisamment de suffrages et être porté au pouvoir pour se mettre en application. Les partis assurent là un socle de valeurs partagées par leurs militants, et garantissent une inscription dans la durée, à travers différentes élections. Les citoyens faisant aussi leurs « armes » progressivement, se frottant aux responsabilités politiques, à la gestion de la chose publique, grimpant éventuellement, pour les plus ambitieux, jusqu’aux plus hautes responsabilités.
Les rêves, les ambitions, les orientations portés par les partis évolueraient certes avec le temps, mais constitueraient des repères et des socles de valeurs. Aux citoyens d’adhérer, ou non. Les candidats solliciteraient alors le parti le plus proche de leurs valeurs et défendraient ensuite ses idées.
Les candidats auraient tout intérêt à se rapprocher du parti dont ils se sentent le plus proche, pour espérer faire partie d’une majorité. Ils apporteraient leur force, leur motivation à ce parti pour diffuser ses idées et mobiliser des troupes, d’autant qu’eux seraient convaincus par ces valeurs… et respecteraient les consignes données.
Mais des discussions de ces derniers jours, j’ai le vague sentiment que les partis sont bien négligés. Si l’investiture est obtenue tant mieux, sinon ce sera une candidature dissidente… Les candidats veulent se servir d’un parti, et pas le contraire. Et surtout, beaucoup pensent à leur élection, personnelle, mais pas aux projets à mettre en œuvre, avec quelle majorité. Ils verront après, négocieront des postes, des billets d’avion, des soutiens de circonstances. Faute d’élections à la proportionnelle, il risque encore d’y avoir des majorités instables, à la merci du chantage de l’un, des ennuis judiciaires d’un autre, des envies de voyages d’un dernier. Voilà ce que je retiens de quelques discussions.
J’espère me tromper, mais j’ai l’impression que les partis sont bien mal en point. Les grands hommes ne tiennent plus les baraques et des rapaces se servent sur la bête. De jeunes loups ont voulu prendre le pouvoir, pour « manger » à leur tour, mais sans légitimité suffisante, sans imposer de discipline ou la respecter, sans parler de projets, d’ambitions pour le territoire, sans rassurer sur leur engagement pour la défense de l’intérêt général. Sans faire rêver la population à l’après-départementalisation. Les partis, pour être forts, nécessitent du temps, de l’énergie. Ils doivent assurer des formations, avant et après les élections, dans plein de domaines, apporter de la matière aux candidats pour orienter leurs discours, leurs futures actions. Ils doivent disposer de relais localement et au plan national, pour avoir plus de forces et permettre d’avancer concrètement.
Mais les grands projets ne sont même plus évoqués, même plus défendus, les grands combats mobilisateurs sont oubliés. Les mamans ne sont plus que rarement rassemblées pour un mbiwi géant ou un maoulida shengué.
Le MPM a sombré le jour où Younoussa Bamana a perdu les sénatoriales. Le MDM n’a plus de capitaine à bord et les caciques sont très fatigués ou morts. Le Parti socialiste a été trusté par une ou deux personnes qui essayent d’exclure tous les autres. L’UMP, le plus organisé, compte des dissidents à tous les étages. Le Modem ou l’UDI ont surtout été activés par des candidats qui n’avaient pas trouvé de sièges d’élus disponibles par le biais d’autres partis et voulaient être « présidents » de « leur » formation. Il reste alors des unions sans lendemain, des rassemblements qui ne dépassent pas les limites du village, de la tambouille électorale sans grandeur, pas à la hauteur des enjeux.
Les partis, qui devraient être les socles, les lieux de réflexion, de préparation de l’avenir, ne sont plus que des caisses enregistreuses pour les candidats, à l’approche des élections.
Et la formation sur les fonds européens, comme le projet de réflexion Mayotte 2025 ne rassemblent que très peu de monde. Ni les partis, ni les futurs candidats ne semblent penser ou préparer demain… C’est inquiétant à l’approche de nouvelles élections.
Peut-être leurs programmes sont-ils déjà prêts. Peut-être les découvrirons-nous bientôt, lorsque la frénésie électorale aura gagné tout ce monde. Peut-être une fois élus, certains percevront l’ampleur de la tâche, le poids des responsabilités et les assumeront parfaitement, courageusement, travaillant en étroite osmose avec le pouvoir économique, avec l’Etat, l’Europe, au profit de Mayotte… Peut-être…
Laurent Canavate
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