Assistants familiaux à Mayotte : « S’il faut que l’on rende leurs enfants, on leur rendra leurs enfants ! »

Les assistants familiaux de Mayotte, plus communément connus sous le nom de familles d’accueil, se sont déplacés au conseil départemental, ce mardi 11 août, déterminés à entamer un bras de fer avec leur administration. Ils pointent du doigt, entre autres, la récente décision du Département de réduire considérablement la prime d’entretien des enfants à leur charge.

Elles étaient une bonne centaine à camper dans la cour du conseil départemental, déterminées à faire entendre leur voix. Les assistantes familiales, par le biais de la CGT, ont déposé un préavis de grève il y a une semaine. L’origine du conflit avec le Département ne se résume pas en un seul point, sinon en 35. Trois revendications sont cependant cruciales et détermineront le déroulement du mouvement. Les assistants familiaux veulent en premier lieu être considérés comme des agents départementaux à part entière. « Ils n’ont jamais été considérés comme tel alors qu’ils ont un contrat avec le Département comme tous les autres agents. Tous les agents départementaux sont gérés par les ressources humaines du Département, sauf les assistants familiaux », explique Haoussi Boinahédja, délégué syndical à la CGT Mayotte. La question de leur rémunération pose également problème. Selon une délibération datant de 2014, les salaires des assistants familiaux devaient évoluer pour atteindre celui du droit commun en 2018. En d’autres termes, ils devaient recevoir le SMIC mais le texte ne précise pas s’il s’agit de celui de Mayotte ou de l’hexagone, et la notion de droit commun pose problème. « Il y a une divergence d’interprétation car le Département s’aligne sur le SMIC de Mayotte alors que si on se réfère au droit commun, il doit s’aligner sur le SMIC de la métropole pour être au même niveau que les assistants familiaux de tout le territoire », indique Haoussi Boinahédja. Mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase est la récente décision de la collectivité de réduire à plus de la moitié l’indemnité d’entretien des enfants placés. Le 27 juillet, un courrier est adressé aux assistants familiaux leur indiquant de se rendre au conseil départemental, mais le jour de la convocation c’est la douche froide. On leur annonce que le président, Soibahadine Ibrahim Ramadani, a déjà réduit l’indemnité qui sert à entretenir les enfants qui vivent dans leurs foyers et cela prendrait effet dès le prochain versement. Le représentant syndical de la CGT dénonce une décision arbitraire qui n’est pas conforme au droit. « Les textes disent qu’il y a un minium garanti qui est de 3,65 euros par heure au niveau national. Seulement, chaque secteur est libre de le faire évoluer et quand la délibération de 2014 a été prise, le conseil départemental a lui-même fixé ce minimum à 7,66 euros. Aujourd’hui, ils disent qu’ils se sont trompés et qu’ils doivent ramener le minimum garanti à la valeur nationale. Or, la délibération de 2014 est une décision créatrice de droits, ils ne peuvent pas revenir comme ça sur leur décision. »

Des conditions de travail non prises en compte

Les conditions de travail des assistants familiaux ne sont pas non plus au beau fixe. À Mayotte, selon la CGT, plus de 90% des enfants placés sont en situation irrégulière et ne sont donc pas immatriculés à la sécurité sociale. Cette situation pose problème lorsqu’ils tombent malade. « Partout en France, les enfants placés bénéficient de la CMU (couverture maladie universelle), sauf chez nous parce qu’elle n’existe pas. Ce sont les familles d’accueil qui doivent payer pour leurs soins et elles ne sont pas remboursées. Le conseil départemental veut que l’on ferme les yeux mais c’est fini, on a trop fermé les yeux », déclare Haoussi Boinahédja. Les femmes présentes au conseil départemental ce jour-là dénoncent également un manque de considération de la réalité par leur hiérarchie. Le coût de la vie étant particulièrement élevé à Mayotte, elles disent dépenser plus que leurs collègues des autres territoires. « Ils voient juste l’argent qu’ils versent mais ne voient pas toutes nos dépenses », s’indigne une dame devant toute l’assemblée. Les assistants familiaux sont déterminés à ne rien laisser passer, ils sont même prêts à renoncer à leur activité si les discussions avec le Département ne sont pas concluantes. « Nous les mettons en garde, s’il faut que l’on rende leurs enfants, on leur rendra leurs enfants ! On refuse qu’on nous prenne pour des esclaves », menace Haoussi Boinahédja.

Une rencontre avec le département mitigée

Les représentants syndicaux des assistants familiaux ont été reçus par Issa Issa Abdou, 4ème vice-président du conseil départemental, en charge des affaires sociales, mais la réunion a été décevante pour les assistants familiaux. « Nous ne sommes pas du tout satisfaits. Ils nous ont dit qu’ils vont rétablir l’indemnité d’entretien des enfants placés, jusqu’à la fin de l’année mais pour nous, il est hors de question qu’ils reviennent sur cette décision », avertit le délégué syndical de la CGT. Issa Issa Abdou, tient de son côté un tout autre discours. « Ils ont tort de dire qu’ils ne sont pas satisfaits parce que nous avons répondu à un point essentiel. Nous allons rétablir l’indemnité d’entretien et nous nous sommes mis d’accord pour coécrire une nouvelle délibération afin de trouver les bons termes. Elle annulera donc celle de 2014. » Concernant les modalités de calculs des salaires des assistants familiaux, aucune issue n’a été trouvée. « Nous nous donnons le temps de la réflexion pour étudier les textes, car nous n’avons pas la même interprétation », selon le 4ème vice-président du Département. Même si les discussions ont avancé, elles ne sont pas finies et le mouvement se poursuit. Les assistants familiaux continueront à camper dans la cour du conseil départemental. Tous menacent d’emmener les enfants placés chez eux et de les laisser sur place. De son côté, la collectivité précise qu’il reste très ouvert et souhaite trouver des solutions rapidement. «On se bat pour qu’ils aient leurs droits, ni plus ni moins, parce qu’on a besoin d’eux, ils sont importants pour nous », conclut Issa Issa Abdou.

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