Affrontements Majicavo-Kawéni : libres en attendant le procès

Cela devait être une comparution immédiate, mais l’immédiateté n’est pas ce qui caractérise l’audience d’hier après-midi sur les affrontements entre Majicavo et Kawéni du 20 septembre dernier.

Pour rappeler les faits, le samedi 20 septembre lors d’un match de football opposant le FC Koropa, qui jouait à domicile et l’ASC Kawéni, le sifflement d’un carton jaune contre Koropa qui menait 3-0 à 20 minutes du coup de sifflet final a provoqué une réaction d’indignation de certains supporters qui ont envahi le terrain, ce qui a donné lieu à une bagarre générale. Des bagarres qui ont par la suite provoqué des affrontements et des émeutes. Une vingtaine de maisons ont été brûlées. Le tribunal a enregistré cinquante-et- une victimes de ces affrontements.

Un des interpellés est mineur et n’a donc pas comparu hier après-midi. Pour les quatre autres, leurs amis et familles étaient présents au tribunal, de même qu’un dissuasif dispositif de sécurité composé de gendarmes et de policiers.
Si depuis 14h, journalistes, avocats et membres des familles sont en attente de l’audience, c’est au final à 17h que la cour siégera.
Viviane Peyrot, la présidente du tribunal, et ses assesseurs fatigués d’avoir travaillé depuis 8h du matin et ayant assisté pendant 7h à la cour correctionnelle, demande le renvoi de l’audience à une date ultérieure. Cependant les prévenus veulent être jugés “tout de suite” tout comme leurs avocats à l’exception de maitre Idriss. Les avocats de la défense maitre Andjilani, maitre Simon et maitre Hassane n’approuvent pas la proposition de Viviane Peyrot.
C’est ainsi que des prises de bec ont rythmé l’audience entre les avocats de la défense et la présidente de l’audience. “Tout le monde est au courant depuis avant-hier. On avait le temps de plaider ce dossier. Après 48h de garde à vue, puis une comparution immédiate, on veut renvoyer. Je m’oppose, car mon client risque d’aller à Majicavo par mesure de détention provisoire” plaide ardemment maitre Andjilani.

Malgré tout, le renvoi de l’affaire est acté pour le 3 novembre à 14h.
Toutefois, il faut statuer pour savoir si les prévenus sont relâchés jusqu’à cette prochaine date ou alors faut-il les maintenir en détention provisoire à Majicavo alors qu’ils sortent déjà de 48h de garde à vue ? “On n’est pas sûrs de les revoir à la barre”, entend-on dans la salle.

C’est dans cette éventuelle optique, avec une salle d’audience remplie que les quatre mis en cause ont été présentés. Ils sont jeunes, tous âgés de 21 à 23 ans. Seul un d’entre eux est français, il s’agit du plus chétif d’entre, que nous allons dénommer Abdou. Il est aussi le seul à avoir un casier judiciaire et à ne pas pouvoir s’exprimer en français. Il faut dire qu’il a quitté l’école depuis 2007 et vit sans emploi chez sa mère. En 2013, il a été condamné pour deux faits de violence avec arme. Il lui est reproché cette fois-ci d’avoir commis le délit d’attroupement avec arme.

Juste à ses côtés, debout devant les magistrats, se tient celui que l’on va appeler Chakir. Défendu par maitre Simon, les scellés présents dans la salle d’audience ont été trouvés chez lui. Ainsi, il y est exposé un bout de bois taillé comme une batte de base-ball, un bout de bois avec des clous et un pilon en fer. Chakir est accusé d’avoir participé lors de ces évènements à un attroupement et d’avoir volé un scooter.
Il lui est reproché l’extorsion de la somme de 60 euros au propriétaire de l’engin, d’autant que tout ça aurait été commis en réunion avec la menace d’une arme. Pour maitre Simon, visiblement excédé par le renvoi de l’affaire, qui n’est pas de leur fait, mais plutôt du tribunal, comme il le rappelle.
Pour lui, son client n’aurait pas été là s’il avait été un vieux psy, fumant une pipe. “On l’aurait qualifié de collectionneur d’objets ethniques”, dit-il. Et que si le pilon était une arme “ça ferait de toutes les bouénis de redoutables délinquantes”. Un plaidoyer qui n’a pas manqué de faire sourire.
Il veut donc qu’il soit relâché jusqu’à l’audience du 3 novembre.

Le troisième accusé est défendu par maitre Andjilani. Il aurait juste poussé quelqu’un selon son avocat. Sauf que cette personne était arbitre lors de ce fameux match. Âgé de 23 ans, il est né à Anjouan. Bien que vivant à Mayotte depuis longtemps et marié civilement, il n’a pas encore ses papiers français. Diplômé en tant qu’éducateur spécialisé. Il entraîne bénévolement de jeunes basketteurs à Kawéni et dit ne pas boire ni fumer.
Son avocat refuse là aussi qu’il aille à Majicavo en attendant l’audience.

Le quatrième est lui aussi Comorien, détenteur d’un CAP de carreleur obtenu à Dzoumogné.
Devant le procureur, dit regretter ce qu’il a fait même s’il avait déclaré dans le procès-verbal être allé à Majicavo pour tabasser des gens.

Deux des prévenus sont donc de Kawéni et deux autres de Majicavo. Les avocats ont réussi, du moins pour cette fois à éviter la case Majicavo à leur client. Alors que le procureur avait requis pour trois d’entre eux, la détention provisoire.
Seul, le client de maitre Andjilani devait sous le voeu du procureur Alik être placé sous contrôle judiciaire.

Au final, ils repartent tous libres et devront répondre présents le 3 novembre au tribunal sous peine de faire l’objet d’un mandat d’amener.
Trois sont placés sous contrôle judiciaire, doivent donc se présenter deux fois par semaine à la gendarmerie de Mamoudzou. Ils n’ont pas le droit d’entrer en contact avec les victimes ni leurs proches. Il leur est également interdit de se rendre à des manifestations sportives, quelles qu’elles soient, tout comme ils n’ont pas le droit de porter des armes, “même pas un petit chombo ou une machette”, insiste Viviane Peyrot. Le client de maitre Andjilani repart libre, sans contrôle judiciaire.

Kalathoumi Abdil-Hadi

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