{xtypo_dropcap}L{/xtypo_dropcap}a cérémonie a lieu trois fois par an à la case Rocher. Devant une assemblée de 111 naturalisés, le préfet prononce le discours usuel de bienvenue, avant de rappeler les règles fondamentales de la vie au sein de la République française : s’intégrer et respecter les lois. Face à lui, hommes, femmes et enfants écoutent religieusement.

"C’est avec fierté que la France vous accueille", des mots d’usage mille fois répétés, mais en face ils ne résonnent pas de la même manière. Pour ces familles, comme pour les 835 personnes naturalisées à Mayotte depuis 2005, c’est la fin du chemin de croix.

Ornella, 37 ans et de ses deux fils Allan et Dylan font partie du contingent de cette année. Après deux années passées à jongler avec la paperasserie elle peut enfin souffler. "Les démarches à faire son très compliquées, encore plus quand on vient de Madagascar. J’ai même dû ramener l’extrait de naissance qui est fait en malgache pour le faire traduire ici. Avant il y avait une personne dans l’administration qui était chargée de le faire, mais elle est décédée. Du coup ils l’ont fait avec moi."

Née sur la Grande île, Ornella a deux fils dans des situations différentes. Son premier enfant Allan est né à Mamoudzou en 1994. Lui a pu automatiquement bénéficier du droit du sol. Mais par crainte, elle préfère avoir le second à Madagascacar. "Lors de mon accouchement à Mayotte, il y a eu des complications, on a dû me faire une césarienne. J’ai alors décidé d’aller accoucher chez moi, entouré de ma famille." À l’époque les mères peuvent encore inscrire leurs enfants sur le passeport ce qui facilitera son retour. Cet exemple illustre la nature des dossiers qui arrivent chaque jour à la préfecture.

 

Elle quitte Tana à 19 ans

 

C’est à l’âge de 19 ans que la jeune femme quitte sa ville natale, Tananarive. La capitale malgache est alors en plein dans les grèves politiques de l’année 1991. Après quinze années au pouvoir, le chef de l’Etat, Didier Ratsiraka fait face à une vive opposition. Des manifestations populaires sont réprimées par l'armée, faisant de nombreuses victimes.

"Je suis partie dans l’espoir de continuer mes études", se souvient Ornella. Elle débarque quelques jours plus tard à Mayotte où elle sera hébergée par sa sœur. Mais sans les papiers nécessaires, il lui est impossible de s’inscrire dans un établissement scolaire. Elle se présente alors dans un centre de formation pour jeunes : l’Aprosasoma, où elle travaille encore aujourd’hui. Ce métier lui facilite les démarches pour la carte de séjour qu’elle obtiendra trois ans après son arrivée. La même année, elle retourne à Tananarive pour se marier. Son compagnon, Malgache lui aussi, travaille comme comptable à Mayotte.

Depuis sa demande de naturalisation, chaque vacance est un marathon. "Il fallait en profiter pour récupérer les extraits de naissance des uns et des autres, livrets de famille, actes de mariage…" Une mission impossible en particulier lors des périodes de trouble. "Les dernières manifestations ont vraiment compliqué la tâche. Il fallait impérativement que je récupère rapidement l’acte de mariage de mes parents. Mais il n’y avait ni vol en partance de la capitale, ni transport par courrier. J’ai appelé ma famille et ils ont dû se débrouiller pour envoyer les papiers en utilisant la déserte Tananarive-Majunga par taxi-brousse. C’est seulement là-bas qu’il y avait un vol en direction de Mayotte."

Désormais, Ornella n’a plus à se soucier des démarches longues et coûteuses, et quand on lui demande ce qui va changer dans sa vie elle répond. "Je vais pouvoir voyager. Jusqu’ici il fallait un certificat d'hébergement pour aller sur un autre territoire français comme la Réunion, même pour les escales vers l’ile Maurice." Maintenant qu’elle est enfin libre d’aller où elle veut, son univers s’est élargi vers l’Europe, où elle compte se rendre dès qu’elle pourra.

 

HT