{xtypo_dropcap}D{/xtypo_dropcap}es centaines de voitures en file indienne, des heures et des heures d'attente pour pouvoir enfin accéder à la pompe à essence. Voici le spectacle que l'on a pu voir toute la matinée du lundi aux environs des stations essences de l'île. Au bout de patience, certains usagers se sont retrouvés à cours de carburant ; allongeant encore plus le temps d'attente. " J'ai attendu pendant trois heures et au moment de passer il n'y avait plus d'essence. J'ai été obligé d'attendre encore le temps que les citernes viennent réapprovisionner la station" nous raconte cet usager. Après plusieurs heures de négociation, grévistes, délégués du personnel ainsi que la direction du groupe Total Mayotte ont finalement trouvé un consensus sur les points chauds de la négociation : une hausse des salaires de 90 euros. Concernant le 13ème mois, la prime va croître d'un tiers jusqu'en 2011 pour arriver à un demi 13ème mois d'ici trois ans. Enfin, dès le mois prochain, les salariés bénéficieront d'une avance de 40 euros sur la revalorisation du SMIG, prévu pour le mois de juillet.

A la direction, on estime avoir géré au mieux l'avant et l'après crise. "Avant la grève, nous avons fait en sorte de prévenir une grande partie de nos clients et d'approvisionner nos stations, raconte Philipe Goron, directeur du groupe Total Mayotte. Dès le lundi nous avons tout mis en œuvre pour que tout rentre rapidement dans l'ordre. Par exemple sur la station de Passamainty, nous avons livré trois fois plus de gasoil qu'un lundi normal. La seule rupture qu'on nous a signalée était à Chirongui, où nous avons été à court de gasoil, mais le camion était déjà en route. Mardi soir, il n'y avait plus de queue dans les stations service."

En effet, aidé par le jeudi de l'ascension, qui s'est transformé en week-end prolongé, beaucoup ont pu profiter de la situation pour rester chez eux. Mais chez certains usagers, ceux qui ont été contraint d'aller travailler, on a entendu un autre son de cloche.

 

Une longue semaine de galère pour les professionnels

 

Dès le 18 mai, le dépôt d'hydrocarbure des badamiers et toutes les stations sont progressivement fermés, les grévistes ayant interdit l'accès aux usagers. S'en suit une semaine entière de grève qui asphyxie progressivement une partie de l'économie de l'île, beaucoup de salariés étant dans l'incapacité de se déplacer. Mercredi, plus de carburant pour tous ceux qui n'ont pas prévu le coup. Les plus débrouillards doivent faire appel au système D. " J'habite à Bandrélé et je travaille à kaweni. Depuis mercredi, je dors chez des amis. Ca m'évite de perdre du temps tous les jours pour trouver un taxi." Raconte Amir. Pour ceux qui essayent de circuler en taxi, il faut s'armer de patience. " Il fallait attendre longtemps avant de trouver un taxi libre qui accepte d'aller loin de Mamoudzou. Du coup j'ai essayé de faire de l'autostop mais les automobilistes ne voulaient plus prendre les gens sur les bords des routes, regrette Imane, ils craignaient de devoir faire des détours et gaspiller leurs réserves de carburant".

Véhicules des services d'incendie et de secours, véhicules des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, véhicules frigorifiques assurant le transport de denrées périssables… seulement dix huit corps professionnels désignés par la préfecture comme faisant partie des services prioritaire ont accès aux pompes à essence. Certains essayent de tirer profit de la situation tandis que d'autres qui ont le droit d'accès sont refoulés. C'est le cas pour la Laiterie de Mayotte."Dès le premier jour on nous a refoulé aux pompes à essences. Explique Stéphane Jarach, du service commercial de la LDM, "on a été contraint d'arrêter de travailler dès jeudi, parce qu'on ne pouvait plus continuer la production alors qu'on était dans l'incapacité de livrer nos client. C'était impossible de tout stocker dans nos chambres froides."

Même au CHM, des dispositions spéciales ont été mises en place pour permettre aux agents de venir travailler. C'est ce qu'explique ce responsable. "Dès jeudi, on a mis en place un service de bus pour ramasser nos agents et les ramener chez eux. Cela a duré jusqu'à lundi soir."

 

Ca ne fait que commencer

 

Cette grève a permis de prendre conscience de la vulnérabilité de l'île face à des mouvements sociaux qui vont probablement s'accentuer dans les mois à venir. Le CHM, la CREC, Jumbo Score, la liste des grèves à venir s'allonge au fil des jours. Sans parler de celles qui sont en cours. D'une entreprise à l'autre, ont retrouve les mêmes revendications ; 13e mois, rémunération des heures supplémentaires, augmentation de salaires…. Tous visent désormais la convention collective. Une situation qui semble être la suite logique de l'élan provoqué par le vote du 29 mars. "Les attentes sont désormais plus fortes" explique Djanffar Kamaloudine, adjoint au secrétaire général de la CGTMA, "cela s'explique en partie par la situation de crise actuelle, la hausse des prix mais aussi par le vote pour la départementalisation. Maintenant on est prêt à lutter jusqu'à la fin de l'année. Le temps de faire passer toutes les entreprises." Le patronat a intérêt à bien se tenir, la saison des grèves est loin d'être terminée.

 

Halda Toihiridini