Organisé par le Système des Nations-Unies (SNU) et par le gouvernement comorien, ce colloque international est une première aux Comores. Dans les rues de Moroni, de gigantesques affiches annoncent fièrement la tenue de ce rendez-vous unique qui rassemble pour la première fois des dizaines de scientifiques et de spécialistes de renommée internationale venus d’Afrique, d’Europe, des Amériques et même d’Asie. Ils ont trois jours pour mettre en place un plan d’action visant à minimiser les risques et valoriser les atouts du Karthala. Ce colloque a pu voir le jour grâce à la coopération internationale, avec le soutien financier du Pnud (Programme des Nations-Unies pour le développement), de la France, de la Suisse, des Etats-Unis et de la Banque mondiale.
En présence du président du l’Union des Comores, des présidents des îles autonomes, de députés, des chefs des missions diplomatiques et de bien d’autres officiels, Opia Mensah Kumah, le représentant résident du Pnud et coordinateur du SNU aux Comores a été le premier à prendre la parole pour rappeler que ce colloque répond à l’engagement pris par le SNU lors de sa réunion annuelle à Galawa en mai 2007. Le représentant des Nations-Unies a conclu son allocution en souhaitant « que des partenariats solides naissent de ce colloque, pour s’ajouter à ceux déjà existants, afin de permettre de faire avancer la recherche sur le Karthala, améliorer la situation sécuritaire et tirer le maximum de profit de la présence du volcan ».
Ahamed Abdallah Sambi, le président de l’Union des Comores, a ensuite officiellement ouvert le colloque en soulignant que le Karthala a été ces dernières années une source d’inquiétude pour la population, avec les éruptions d’avril et novembre 2005 et celle de janvier 2007 qui ont provoqué des pluies de cendres sur toute l’île.
Trois thématiques pour apprivoiser la montagne de feu
« Il est de mon souhait de voir ce colloque contribuer à l’ouverture et au désenclavement des Comores et déboucher sur des réalisations qui iront dans le sens de l’amélioration des condition de vie de tous les Comoriens et plus particulièrement des communautés villageoises vivant sur les flancs du volcan », a notamment déclaré le chef de l’Etat comorien. Enfin, comme à son habitude, le président n’a pu s’empêcher de faire un long aparté politicien. En langue comorienne, il a ironiquement égratigné les responsables politiques mahorais en proposant de venir organiser un colloque similaire à Mayotte.
En milieu de matinée ont débuté les premières interventions des experts et scientifiques, l’occasion de faire le point sur l’état des recherches volcanologiques. Pierre Bachéléry, du laboratoire GéoSciences de l’Université de la Réunion, étudie la Karthala depuis 20 ans. Son travail a permis d’établir une carte détaillée des risques et une topographie des différentes fissures. En 20 ans, la caldeira qui entoure le cratère « Chungu-Chahalé » a complètement changé, passant d’un lac d’eau apparu lors de l’éruption phréatique de 1991 à un lac de lave installé après les deux éruptions de 2005. Les mesures effectuées depuis l’implantation de la première station sismique en 1988 ont permis de comprendre l’histoire, la structure, le fonctionnement, les dynamismes éruptifs et post-éruptifs, d’approcher les systèmes profonds et d’évaluer les risques.
En revanche, il y a toujours une méconnaissance des systèmes de stockage et de transfert du magma car il n’y a pas eu encore assez d’éruptions. Les prévisions ne sont pas encore performantes. L’Observatoire du volcan Karthala (OVK) ne dispose pas d’assez d’équipements et de recul historique, comme l’a déploré plus tard dans la journée Hamidi Soulé, le directeur de l’OVK. « La lacune majeure demeure que l’essentiel du volcan est sous la mer », a souligné Pierre Bachéléry, mais les investigations sous-marines nécessitent d’importants moyens financiers et logistiques. En effet, la montagne de feu mesure en réalité 5.331 mètres, dont 2.367 mètres sont au-dessus du niveau de la mer.
Des nappes phréatiques dépendant de la roche basaltique
Mohamed Maanrouf, hydrogéologue de l’Unicef, est ensuite monté à la tribune pour expliquer que dans les îles volcaniques, issues des « point chauds » théorisés par le chercheur MacDonald, l’approche scientifique est très différente de celle du milieu continental. La porosité de la roche basaltique en Grande Comore explique l’inexistence de cours d’eau et l’apparition de nappes phréatiques sur le littoral et en altitude, dans le cratère du volcan. Le chercheur a notamment prévenu que l’équilibre du « biseau salé » qui sépare eau douce et eau salée le long des côtes ne doit surtout pas être rompu par des forages qui provoqueraient la salinisation de la nappe.
Chris Hartnady, chercheur à l’Université de Cap Town, a fait un long exposé pour expliquer la tectonique des plaques africaines qui provoque des risques sismiques entre les plaques nubiennes et somaliennes. Puis Dieudonné Wafula Mifundu, de l’observatoire de Goma, en République Démocratique du Congo, a fait part de son expérience vis-à-vis des volcans Nyiragongo et Nyamuragira, qui sont parmi les plus actifs et les plus dévastateurs du monde. Julio P. Sabit, de l’Institut de volcanologie et de sismologie des Philippines, a quant à lui énuméré les différents instruments d’observation de 8 volcans tels que le Taal ou le Pinatubo, ainsi que les bulletins d’alerte journaliers émis par son institut.
A la fin de la journée, une table ronde a réuni tous ces experts pour rédiger des recommandations d’actions concrètes. Ce jeudi, le thème de la valorisation du potentiel économique du Khartala a été abordée. La dernière session de ce vendredi sera consacrée à la prévention et à la gestion des risques inhérents aux éruptions volcaniques.
De nos envoyés spéciaux à Moroni, Julien Perrot & François Macone
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