28/05/2010 – Politique : Elections régionales de 2011

 

 

{xtypo_dropcap}Q{/xtypo_dropcap}uels sont les fondements, l'idée génératrice de la création de cette fédération des partis progressistes de Mayotte ?

Très simplement sur la base d'un constat. Les difficultés des politiques menées actuellement par la Collectivité départementale sont croissantes. Essentiellement dans le domaine de la gestion financière et budgétaire et dans le management des ressources humaines. Mais le plus choquant pour nous, c'est l'absence de politique qui place l'homme et la population en son cœur. Nous avons complètement oublié que dans un pays, avant le territoire, il y a le peuple. Nous, nous voulons replacer l'homme au centre du contexte social, économique et culturel.

De même, nous déplorons l'absence d'actions d'aménagement du territoire, même s'il faut prendre en compte les effets de la crise économique. Il n'empêche que l'emploi, les opérations d'aménagement, les constructions sont en hibernation.

Sur la base de ce diagnostic, nous avons constaté que l'agent responsable de ces pathologies, c'est ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui. De la réunion de l'ensemble des forces de l'opposition est donc née la Fédération des partis progressistes de Mayotte. Elle regroupe l'ensemble des forces qui ne sont pas représentées dans la majorité actuelle du conseil général.

Soit le Néma de Saïd Omar Oïli, le Modem, PSRM, PSM de Raos, les Verts, le Parti du renouveau de Chihaboudine Ben Youssouf Hila et le MPM. Nous laissons la porte ouverte à l'Alliance de Bacar Ali Boto et au Parti socialiste, mais sont exclus la fédération UMP locale avec son allié le Nouveau Centre.

Pour nous, être progressistes, ça implique de faire en sorte que les Mahorais trouvent tous leur place au sein de ce territoire. Métaphoriquement, c'est de nous assurer que personnes ne reste sur le quai au départ du train. Que chacun trouve sa place dans un des wagons.

 

Votre objectif, ce sont les régionales de 2011. Pensez-vous que les divisions nées de l'éclatement du MPM et celles qui apparaissent au grand jour actuellement à l'UMP vous laissent une carte à jouer ?

Lorsque vous avez à gérer un territoire, il faut d'abord s'entendre au sein de sa propre famille politique. Ces distorsions ont trop coûté à la Collectivité. Ainsi, notre premier objectif c'est d'arriver en rangs unis. D'abord l'ancien MPM, et puis essayer de rallier à notre cause ceux qui sont partis au MDM. Ce n'est pas gagné d'avance, mais nous avons déjà fait un grand pas avec le rattachement du MPM.

Une fois que nous avions rallié les familles, il fallait fédérer les différentes maisons du village, soit tous les partis que je viens de citer. Maintenant, nous allons réfléchir à comment, à partir de cet ensemble de forces progressistes, nous allons travailler pour arriver à un consensus. Notre objectif est d'aboutir à la production d'une plateforme commune que nous mettrons à disposition de la population lors de l'université de la rentrée politique, en septembre.

 

 

"On ne peut pas décemment faire reposer sur les Mahorais tous les devoirs républicains et repousser aux calendes grecques l'application des droits sociaux individuels et collectifs"

 

 

Cette plateforme devra reposer sur les principaux axes de votre programme politique : quels sont-ils ?

Notre programme est essentiellement axé sur deux piliers fondamentaux de la vie de n'importe quelle société : d'abord l'individu, l'homme, la personne humaine, la population, et ensuite la reprise de l'activité économique et son appropriation par les Mahorais eux-mêmes.

Sur le plan social, nous mènerons un combat sans relâche pour supprimer les carences du Pacte pour la départementalisation. La République est une et indivisible, l'on ne peut pas avoir deux types de Français : les mêmes droits sociaux, mais aussi les mêmes devoirs pour les Mahorais.

On ne peut pas décemment faire reposer sur les Mahorais tous les devoirs républicains et repousser aux calendes grecques l'application des droits sociaux individuels et collectifs, alors que le 29 mars dernier, au bout de cinquante ans de combat politique, les Mahorais ont démontré, à contre-courant de l'histoire, que cet amour pour la France ne se démentira jamais. Les Mahorais sont des Français à part entière, tout en possédant une culture différente. A nous de démontrer que l'on peut être égaux tout en étant différents. C'est ce constat qui animera la première logique de notre plateforme.

Deuxième point : s'attacher sérieusement à faire remonter tous les indicateurs du bilan économique mahorais, qui est aujourd'hui catastrophique. A Mayotte, le PIB par habitant s'élève péniblement à 4.000€ par an. A la Réunion 16.000 €; en Europe : 32.000€. Pourquoi cette différence énorme alors que les Mahorais sont des Français et aujourd'hui des Européens? On va nous dire qu'il ne faut pas avancer trop vite. Nous répondrons qu'il ne faut plus laisser Mayotte à la traine.

Le taux de chômage. Les chiffres officiels annoncent 30%, mais nous savons tous que la réalité est bien plus énorme encore. 21% de la population est en-dessous du seuil de pauvreté avec moins de 1.000 euros par an. Si nous prenons le seuil de pauvreté de la nation, la proportion s'élève à 89%. 40% vivent dans des habitations précaires et insalubres. Ce n'est pas normal ! Ce sont toutes ces carences qui perdurent anormalement au sein d'un département français que nous voulons corriger.

Autre thème de campagne : l'éducation. Combien de temps l'Etat considéra-t-il encore que ce n'est pas un chantier prioritaire. Nos enfants sont des citoyens de la République, ils ont droit aux mêmes chances et à la même qualité d'enseignement que leur camarades de la nation.

 

Quelles sont vos propositions concrètes en matière de politique économique et budgétaire locale pour justement améliorer la santé de tous ces indicateurs ?

On ne peut pas aujourd'hui nous dire que nous ne pouvons pas avoir les mêmes prestations que les autres citoyens de la nation pour la seule raison qu'il y a des difficultés liées à l'immigration clandestine. L'argument qui consiste à dire qu'il faut contenir le développement économique de peur que celui-ci nourrisse l'appel d'air à l'immigration est entièrement fallacieux. Je prendrais l'exemple ultramarin français de la Guyane, et les exemples européens de la Grèce et de l'Espagne qui attirent respectivement des flux migratoires importants respectivement de la Turquie et du Maroc.

Pour lancer notre croissance économique, c'est une première contradiction qu'il convient de lever. Puis, pour le pérenniser, il faut absolument que le développement économique se fasse avec les Mahorais. Aujourd'hui, a qui appartient l'économie mahoraise ? Lorsque j'observe les industries, les semi industries, le grand commerce, la distribution… je me demande quelle est la place des Mahorais ?

S'il l'on veut que cela change, concrètement, il faut porter nos efforts sur l'accompagnement des Mahorais dans leur inscription au tissu économique réel, par une politique synergique et concertée de l'éducation, de la formation, d'aide à la création et au développement, mais aussi de sollicitation des banques et des aides nationales et européennes. Tout cela doit être animé par une volonté et un dynamisme politique implacable, pour que demain plus personne ne puisse nous opposer notre retard en matière de développement comme un obstacle à l'accession à l'égalité sociale et au statut de région ultra périphérique européenne.

Cela passe aussi par un renouvellement de notre relation avec l'Etat. Il faut stopper au plus vite cette dialectique de culpabilisation envers les Mahorais. Par exemple, en 2000, lorsque la Collectivité départementale a été créée, l'un des éléments soulevé à l'époque pour ne pas lancer le processus de départementalisation était que les Mahorais étaient analphabètes. La France est arrivée à Mayotte en 1841. Elle a eu 150 ans pour éduquer les Mahorais. Elle ne l'a pas fait et n'a jamais montré une réelle volonté de le faire. Il faudra changer cela, car il y a des choses qui ne peuvent se faire ici que si la France le souhaite.

 

Cette sollicitation importante de l'Etat providence que vous évoquez nécessitera un intense travail de lobbying de la part des élus, à Paris et sûrement aussi à Bruxelles. Disposez-vous d'hommes et de femmes politiques suffisamment expérimentés et armés pour relever ces défis ?

En 2011, nous placerons les hommes qu'il faut ! Aujourd'hui, la Collectivité est gérée par des hommes qui ne sont absolument pas concernés – et encore moins personnellement – par tous les problèmes que j'évoque. Nous investirons des hommes volontaires, qui aiment ce qu'ils sont en train de faire et qui s'investissent dans leurs missions au service de la population.

 

 

"Les voyages : on n'a pas besoin d'être 40 pour négocier un dossier à Paris. La masse salariale : trop de postes inutiles ou doublés, qu'il faudra petit à petit diminuer"

 

 

Votre fédération a su s'entourer de leaders ou de figures politiques qui ne sont pas âgés certes, mais qui ont déjà une expérience certaine du terrain et de l'exercice du pouvoir. N'est-ce pas un handicap au moment où la jeunesse mahoraise appelle de ses veux une "régénération" de la classe politique ?

La fédération regroupe en son sein un alliage intéressant des générations. Effectivement, des cadres sont là, mais nous bénéficions de la fraicheur des idées de la jeunesse, prédominante dans la société mahoraise contemporaine avec 56% de la population, grâce à des partis comme le PCR et le PSM qui brassent beaucoup de jeunes. Le Modem contribue lui à mon sens à la continuité de ce que nos anciens ont bâti et apporté. Il nous appartient de construire un consensus entre les différentes classes d'âges.

Pour nous, la plus grande difficulté, ce sera de sortir le débat politique qui a était gelé durant des années autour de la question de l'évolution statutaire. Le combat pour le département s'est inscrit dans un débat tellement manichéen que nous retrouvons cette séquelle dans tout les dialogues politiques d'aujourd'hui.

Pour faire une analogie qui illustre cette aberration, je dis souvent que le département, c'est comme la Résistance en Métropole durant la Seconde guerre : ceux qui n'étaient pas résistants étaient collaborateurs. Pour le département, c'était la même chose : soit vous étiez pour, soit vous étiez taxé de serre-la-main ou d'indépendantiste.

Maintenant que nous avons dépassé ce mythe, il faut construire. Et les forces progressistes sont dans une optique de construction réelle.

 

Si demain votre fédération est amenée à prendre des responsabilités au sein de l'hémicycle, vous n'ignorez pas que vos choix politiques seront conditionnés par le plan de redressement. Comment allez-vous vous positionner par rapport à cela ?

Nous prendrons immédiatement les décisions qui s'imposent, et qui malgré leur simplicité n'ont jamais été prises. On ne peut dire que l'on est un département de plein exercice tant que l'on gardera des spécificités qui sont présentées comme des mesures de transition.

Je prends un exemple : l'Institut de formation des maitres (IFM). Dans quel autre département trouve-t-on un tel institut au statut provisoire ? Partout ailleurs, on trouve des Institut universitaire de formations des maitres (IUFM) qui forment des professeurs des écoles !

Ce changement ne demande pas de moyens, mais ne viendra que d'une seule volonté politique pour que l'Etat accepte de décréter clairement que l'IFM devient un IUFM et d'honorer sa compétence.

De manière générale, la Collectivité ne doit plus supporter la charge des domaines qui relèvent de la compétence de l'Etat. Et pour aller plus loin, l'Etat doit également exercer pleinement et entièrement sa compétence dans ses domaines réservés, et s'affranchir d'une gestion provisoire: nous ne voulons plus de lycées "boites d'allumettes" !

D'autant que demain, il viendra nous dire que ces établissements ne sont pas aux normes, avant de lancer un ultimatum à la région en disant : "c'est votre compétence, trouvez les moyens". Nous, nous monterons aux créneaux pour demander à l'Etat de mettre aux normes ces établissements avant d'en accepter la gestion.

Deuxième schéma opérationnel : Tout faire pour ne pas laisser trainer pendant 25 ans la mise en place des prestations sociales à l'identique de la Métropole, sans quoi nous allons vider Mayotte de sa population. Déjà, 20.000 de nos semblables vivent à la Réunion. Il faut pousser l'Etat, en avançant des arguments – qui ne manquent pas – et des dossiers, pour qu'il fasse avancer plus vite la question de l'application effective des minimas sociaux.

Il faudra ensuite bousculer les dossiers lourds comme la piste longue. Nous n'attendrons pas cinquante ans cette fois-ci, alors que tout le monde connaît l'importance pour le développement d'une économie insulaire de pouvoir jouir d'un tel outil de désenclavement.

Enfin, dans une des collectivités les plus jeunes de France, comment ne pas mettre en place la restauration scolaire ? Ce sera également un chantier prioritaire pour notre fédération, comme la création d'un centre universitaire émancipé de la tutelle de la Réunion. Cette émancipation devra ensuite gagner d'autres institutions, comme la Caf ou le Pôle emploi.

Et pour assainir les finances de la Collectivité, bien sûr, arrêter enfin le gâchis ! Les voyages : on n'a pas besoin d'être 40 pour négocier un dossier à Paris. La masse salariale : trop de postes inutiles ou doublés, qu'il faudra petit à petit diminuer. Ce sont des engagements d'amélioration de la gouvernance forts de notre fédération.

 

Très clairement, quels sont vos objectifs électoraux ?

Une dernière série de réunions fixera d'ici septembre une stratégie politique consensuelle ou les postes clefs seront répartis. Ce document plateforme fera office de fil conducteur. Mais dans tous les cas, la fédération investira un seul candidat par canton. Selon nos estimations, nous pensons pouvoir enlever une quinzaine de sièges à l'assemblée.

 

Propos recueillis par François Macone

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