{xtypo_dropcap}R{/xtypo_dropcap}ecouvrant les 2/3 de notre planète, les océans produisent la moitié de l’oxygène que nous respirons et sont le deuxième poumon de la Terre après les forêts. Ils abritent en effet d’immenses prairies de plancton et d’autres micro-organismes qui constituent, par leur activité photosynthétique, une immense pompe à oxygène. Le corail et le plancton calcifiant sont aussi un important puits à gaz carbonique qui absorbent plus de la moitié du CO2 rejeté dans l’atmosphère par les activités humaines. Le déclin actuel de leur population est donc une importante source d’inquiétude. Le futur de l’humanité dépend ainsi largement de la sauvegarde des océans. On estime pourtant que 98% de la biodiversité marine nous est aujourd’hui inconnue.
« Il y a entre 10 et 100 milliards de micro-organismes dans un litre d’eau de mer. On a largement sous-estimé la complexité de ce monde », nous explique Colomban de Vergas, chercheur au CNRS et coordinateur scientifique de Tara Oceans depuis son embarquement à Maurice, lors de la visite organisée jeudi matin sur le bateau avec des techniciens de la Daf. Tara Oceans est une expédition exceptionnelle qui parcourt pendant 3 ans les mers du globe, des atolls coralliens tropicaux à l’Antarctique, des isthmes moyen-orientaux au passage du nord-ouest, sous la direction d’Eric Karsenti, directeur d’unité à l’EMBL (Laboratoire européen de biologie moléculaire) d’Heidelberg.
Une telle étude globale de l’environnement marin, avec les technologies d’aujourd’hui, n’a jamais été réalisée. Le programme rassemble une équipe scientifique internationale et multidisciplinaire inédite. Plus de 12 domaines de recherche associent océanographes, biologistes, généticiens et physiciens de prestigieux laboratoires. Le personnel scientifique à bord tourne toutes les 3 semaines et l’équipage tous les 3 mois.
Une vue globale de tout l’écosystème du plancton
Grâce à une pompe péristaltique qui permet de prélever du plancton jusqu’à 150 mètres de profondeur et un système de filtration pour séparer les différents micro-organismes en fonction de leur taille, les scientifiques utilisent un séquenceur génétique dernier cri qui permet de séquencer l’ADN et l’ARN des animaux, des bactéries et des virus présents dans les échantillons.
Ils mesurent également les nitrates, les silicates et les phosphates grâce à une rosette qui permet d’effectuer différents prélèvements jusqu’à 1.500 mètres de profondeur. Dans le laboratoire embarqué, les scientifiques utilisent une flowcam, qui permet de faire des photographies du plancton jusqu’à 200 microns et un FRRF (Fast repetition rate of fluorescence) qui permet de mesurer en continu la fluorescence des algues pour avoir une indication de l’état de santé du phytoplancton.
On trouve environ un milliard de marqueurs ADN sur chaque station (étape du navire) et il y en a 400 prévues à travers la planète pour l’ensemble de la mission : le comptage des séquences permet de compter les micro-organismes. « Ca permet de tout embrasser d’un coup, comme si on arrivait dans une forêt et qu’on pouvait savoir où sont tous les arbres », explique Colomban de Vergas. « On peut dénombrer tous les micro-organismes jusqu’à saturation : c’est le début de l’écologie microbienne, qui nous permet d’avoir une vue globale de tout l’écosystème. »
Des milliers de nouvelles espèces vont ainsi être découvertes, grâce aux prélèvements envoyés au Génoscope d’Evry. « Il est très rare de pouvoir voir un écosystème dans son ensemble : celui du plancton est le plus simple car il y a peu de spéciation. Ce monde est pourtant déjà très vaste, avec des milliers d’espèces d’animaux, des dizaines de milliers d’espèces de protistes (cellules avec un noyau), des millions d’espèces de bactéries et un nombre encore plus grand de virus qui n’a pas encore été défini ».
Mercredi, le lagon de Mayotte a été la 44ème station de prélèvement, sur les 400 sites prévus à travers les océans du globe.
Renforcer les connaissances scientifiques et la conscience environnementale
Déjà connus par ses précédentes expéditions et propriétaires, le Dr Jean-Louis Etienne et Sir Peter Blake, les voyages de Tara sont aujourd’hui dédiés à la recherche scientifique relative à l’impact du réchauffement climatique. La goélette d’expédition a été acquise en 2003 par Etienne Bourgeois, directeur général de la société Agnès B. Lors de sa dernière expédition sur l’océan Arctique en 2006-2008, la goélette a dérivé sur la banquise pendant 507 jours. Les résultats scientifiques de Tara Arctic sur l’impact du réchauffement climatique sur la banquise arctique ont été présentés lors de la Conférence de Copenhague en 2009.
Grâce à l’association de la taxonomie classique et des nouveaux systèmes d’imagerie cellulaire 3D, de classement des cellules et de génomique, une banque d’archives unique sera générée. La Bio-bank sera gérée par des instituts internationaux renommés et intégrera les connaissances existantes à celles de l’expédition. Une telle source d’information permettra à l’ensemble de la communauté scientifique internationale d’enrichir substantivement son approche des modèles océaniques, comme l’évolution de la vie sur Terre. Elle constituera un point de référence et une source d’études pour des générations de chercheurs.
Tara Expéditions veut proposer aux scientifiques une plateforme exceptionnelle d’observation et d’expérimentation en explorant des régions difficiles, inaccessibles et en affrontant des conditions extrêmes, mais aussi renforcer, à travers ces aventures, la conscience environnementale et les connaissances scientifiques du public et notamment des enfants.
De la même manière que pour ses précédentes expéditions, Tara Oceans porte un important programme de sensibilisation et d’éducation. Une conférence était organisée jeudi après-midi dans l’hémicycle, en partenariat avec la Daf, le parc naturel marin et le conseil général, pour communiquer au public ce travail nécessaire aux générations futures pour protéger notre planète.
Julien Perrot
Plus d’infos sur www.taraexpeditions.org
L’expédition en chiffres
150.000 km à parcourir en 3 ans
60 escales dans 50 pays
Plus de 100 scientifiques directement impliqués
50 laboratoires et instituts mobilisés dans 15 pays
20 types d’expérimentations et d’analyses réalisées par jour
14 personnes à bord réunissant marins, scientifiques et journalistes
Plus de 50 partenaires, mécènes et fournisseurs
80.000 exemplaires en français et anglais du journal Tara Océans, édition semestrielle
45.000 exemplaires en français et anglais du journal Tara Junior
1.000 enfants inscrits au Club Tara Junior dans le monde.
Les caractéristiques de Tara
Chantier : SFCN à Villeneuve la Garenne
Architectes : Bouvet et Petit
Pavillon : Français (Registre international français)
Longueur : 36 mètres
Largeur: 10 mètres
Tirant d’eau : 1,50 mètre – 3,50 mètres
Poids : 120 tonnes
Matériau de la coque : Aluminium
Mâts : 2 de 27 mètres
Voilure : 400 mètres carré
Propulsion : 2 x 350 chevaux
Energie : 2 x 22 kW et 1 x 40 kW (Norme « Environmental Protection Agency »)
Dessalinisateur : 300 litres/heure
Réservoir de fuel : 40.000 litres
Réservoir d’eau : 6.000 litres
Réservoir d’eaux usées : 7.000 litres
Couchage : 14
Autonomie : 5.000 milles
Système énergie éolien de 3 kW
Moyens de communication : Eutelsat, Fleet Broad Band, Radio HF, Standard C
Météo : Station Bathos II Météo France, thermosalinomètre
Océanographie : Treuil océanographique de 3.000 m
Science : Cabine dédiée microscopie et informatique, laboratoire humide
Matériel : Compresseur de plongée et matériel pour 4 personnes, 2 semi-rigides de 30 et 40 CV
Chauffage : Chauffage central, isolation de 150 mm en polyuréthane
Traitement des ordures : 1 broyeur et 1 compacteur de déchets
Port de rattachement : Lorient
Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.