{xtypo_dropcap}"Q{/xtypo_dropcap}ue fait la justice quand un enfant est en danger ?", "que fait la justice face à la délinquance des jeunes ?" Autant de questions posées par les élèves de troisième du collège de M'gombani au président du tribunal pour enfants, Michel Sastre. Pour chaque question, le magistrat explique rapidement les procédures, les organismes, les recours, les pouvoirs et les devoirs du juge pour enfants.
Dans ce quartier où 90% des enfants sont en situation défavorisée, M. Sastre entend donner une autre image du juge que celle de la répression. "En 2008 j'ai suivi 800 mineurs, 250 seulement ont été jugés au pénal", précise le magistrat dont la tâche est essentiellement le suivi et l'accompagnement des mineurs, qu'ils soient victimes ou coupables.
Au fil des questions il explique son rôle et sa mission : l'intervention d'un juge pour le placement d'un mineur n'est pas obligatoire, il n'entre en jeu que si toutes les parties – parents, éducateurs,… – ne sont pas d'accord. Concernant la délinquance juvénile, Michel Sastre estime qu'à Mayotte "il y a une grande tolérance pour les petits actes de délinquance. On ne porte pas plainte pour les petits vols, on règle ça en famille, mais un jour les victimes finissent pas être lassées et on arrive à la plainte. La sanction peut aller de l'avertissement à la prison ferme."
Devant les élèves très attentifs, le juge expose les différents degrés de sanction dont il dispose. Premier degré, une audience entre le juge, le mineur, ses parents, la victime et s'il y a lieu les avocats, pour un avertissement. "80% des mineurs ne passent qu'une seule fois devant je juge pour enfant", précise-t-il. Deuxième degré, la liberté surveillée, le jeune est suivi par un éducateur et s'engage à trouver une formation ou un emploi, à s'insérer dans la société et se conduire correctement.
"Il est très délicat d'envoyer des enfants en prison"
Troisième degré, une mesure de réparation si le mineur a commis des dégradations. Cela peut être une simple lettre d'excuse à la victime. "Bien souvent les victimes ne veulent qu'une chose : que le coupable reconnaisse son acte et s'en excuse, elles ne demandent même pas d'argent." Si le coupable a plus de 16 ans, il peut être condamné à des travaux d'intérêts généraux s'il est d'accord ou à une peine de prison assortie du sursis mise à l'épreuve, avec une obligation de suivre une formation, ou de se soigner si l'alcool entre en jeu.
Enfin, quatrième et dernier degré : la prison ferme. M. Sastre rappelle qu'en 2008, 40 mineurs y ont été envoyés, pour des peines allant d'un mois à 5 ans. Un élève lui demande s'il a déjà dû traiter des délits graves, la réponse est malheureusement positive. Il existe un tribunal criminel pour enfants, qui traite le plus souvent ici des affaires de viol, 2 ou 3 par an d'après le magistrat. Les peines dans ce cas sont très lourdes, elles peuvent aller jusqu'à 20 ans d'emprisonnement. "Il est très délicat d'envoyer des enfants en prison", prévient M. Sastre. "Il faut comprendre sa situation, sa famille, les sévices qu'il a pu subir,… Dans la justice pour enfant, la personnalité est très importante, mais il faut aussi satisfaire la victime."
L'occasion d'aborder un thème qui lui est cher : "votre corps vous appartient, personne n'a le droit de le toucher sans votre accord". Au milieu des ricanements des garçons et des silences gênés des filles, le magistrat rappelle que la loi du silence ne doit plus régner à Mayotte. Il faut faire justice, empêcher le violeur de recommencer impunément, même s'il est de la famille de la victime.
S'occuper des enfants et des adolescents
Dernière question des élèves avant de laisser la place aux parents : y a-t-il un lien entre échec scolaire et délinquance ? La réponse est prévisible, "les délinquants sont souvent déscolarisés ou en échec scolaire. Ils ont en général une image négative d'eux-mêmes, éprouve une frustration et se regroupent en bandes." Le magistrat estime que dans le cas d'un délinquant scolarisé, il s'agit d'un dérapage, le passage devant le juge suffit souvent à le recadrer.
Dans les semaines à venir, le président et le procureur du tribunal des enfants, Thomas Michaud, se sont partagés une dizaine d'interventions dans les établissements scolaires. "Il y a un travail quotidien entre le collège, la police et M. Sastre", explique le principal du collège de M'gombani. "Un travail d'encadrement, de prévention et d'accompagnement des victimes." "L'établissement apporte des informations complémentaires sur le mineur", renchérit le magistrat, "il aide à la décision."
Après deux heures de discussion avec les élèves, le magistrat doit maintenant intervenir devant les adultes de l'école des parents, des femmes pour l'immense majorité. "Je leur parle du devoir de s'occuper au quotidien de leur enfant, le délaissement est sanctionné pénalement. J'insiste sur l'importance du suivi de l'adolescent, il n'y a pas que des jeunes enfants dont il faut s'occuper, le devoir de parent se poursuit jusqu'à la majorité et au-delà. J'insiste également sur l'importance du papa. Dans les cas des mineurs qui se retrouvent au tribunal, on constate une absence masculine dramatique. Les adolescents en souffrent, les besoins d'un enfant sont universels, il leur faut un référent masculin." Le principal confirme, lui non plus ne voit jamais les pères de ses élèves.
Hélène Ferkatadji
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