{xtypo_dropcap}G{/xtypo_dropcap}râce à cette étude, le conseil général, les mairies et les syndicats intercommunaux ont à leur disposition un outil très utile pour le redéploiement des effectifs et les recrutements futurs liés à la départementalisation. Mais avec le personnel actuel, il y a un très important effort de formation que doit effectuer le CNFPT, quand on sait que par exemple 59% des agents communaux de catégorie C ont seulement un niveau d'école primaire (voir dossier MH n°428).

Pour la première fois, une étude du CNFPT permet ainsi de savoir précisément le nombre et la nature des emplois de la FPT mahoraise. Elle devrait être un outil très utile pour gérer les ressources humaines des collectivités territoriales dans l'avenir. "Ces résultats viennent nous interpeler sur les choses que nous ne savions pas et nous confirme la gravité de la situation pour celles que nous savions", a déclaré Ahamed Attoumani Douchina, le président du conseil général, venu au début de la présentation.

"Au STM par exemple, on a dépassé de manière extraordinaire le nombre de personne que l'on devait avoir : c'est plus que l'armée mexicaine ! Dans d'autres services, c'est l'inverse. Il faut réfléchir à un redéploiement et remercier certaines personnes", a-t-il d'emblée et courageusement annoncé.

Et il n'y a pas qu'au STM que les effectifs sont pléthoriques : le nombre de femmes de ménages (plus d'un emploi sur 5), de gardiens (9%) et de chauffeurs (3%) est par exemple bien plus important qu'ailleurs. Dans le domaine des interventions techniques, on retrouve 27% des agents, contre 22% en moyenne dans les Dom, et la catégorie "Ateliers et matériels" représente 7,8% des agents, surtout en contrats aidés, contre 2,5% en moyenne nationale.

A l'inverse, il n'y a que 12% des agents, contre 23% dans les Dom, qui interviennent dans le domaine des prestations sociales et culturelles et 22%, contre 26% dans les Dom, qui se consacrent à l'éducation, l'enfance et la jeunesse (voir encadré).

 

Le secteur public est le premier employeur de l'île

 

Présentée par Mohamed Amine, directeur de l'Observatoire de la FPT et par Philippe Mouton, directeur national de la Prospective, qui ont été "surpris de la spécificité de la situation, avec la coexistence de plusieurs sources de droit, local et commun" sur le statut des fonctionnaires mahorais, cette étude a permis de définir des tendances pour mieux accompagner les 25 collectivités de Mayotte dans leurs futurs recrutements et anticiper leurs besoins en formations, avec le transfert de compétences et les nouvelles contraintes légales inhérents au processus de départementalisation.

"L'enjeu du département, c'est la gestion du transfert des compétences obligatoires au conseil général, comme l'aide sociale à l'enfance, au handicap, à la vieillesse. Le budget de la protection maternelle et infantile va exploser", a prophétisé Marc Baïetto, premier vice-président du CNFPT, qui venait pour la première fois à Mayotte.

Au 31 décembre 2007, 6.519 agents sont rémunérés par les collectivités territoriales de Mayotte, dont 1.186 sont mis à la disposition des services de l'Etat. Le secteur public est le premier employeur de l'île, si on ajoute à la FPT les 10.718 salariés de la fonction publique d'Etat et hospitalière. "Dans les Dom, la part de l'emploi public est encore plus importante", tempère toutefois Mohamed Amine, avec les crises sociales et la dépendance à la Métropole que cela entraîne évidemment. "Le nombre d'agents communaux par habitant est inférieur à la moyenne nationale car il n'y a pas d'actions sociales, de restauration collective ou de crèches".

 

Le conseil général représente 41,6% des effectifs, contre 19,2% dans un Dom

 

La commune de Mamoudzou et le conseil général concentrent à eux seuls 53% des effectifs. Le CG représente 41,6% des effectifs, contre 19,2% dans un Dom, si on agrège les personnels de la région, du département et du service départemental d'incendie. "Le conseil général de Mayotte fait beaucoup plus d'actions que dans un département-région, car il fédère toutes les actions des collectivités territoriales au niveau de ses services", souligne Marc Baïetto.

Une autre spécificité de Mayotte est l'existence d'un statut de droit local pour les agents, avec des cadres d'emplois spécifiques qui offrent peu de possibilités d'avancement. Les agents recrutés avant 2003 doivent légalement être tous intégrés dans la fonction publique de droit commun avant le 31 décembre 2010. Aujourd'hui, seuls 10% des agents sont des titulaires de la FPT de droit commun, mais l'intégration devrait être accélérée avec l'application de l'accord syndical du 8 avril 2009.

En tout, 149 métiers ont été repérés à Mayotte, dont certains sont spécifiques : les 17 cadis, les 17 maîtres coraniques, les 19 interprètes et les 117 agents du STM (42 matelots, 28 contrôleurs, 24 commandants et 23 graisseurs). "Chaque employeur doit trouver la correspondance des métiers spécifiques avec le répertoire des métiers du CNFPT", préconise Mohamed Amine, prenant l'exemple de la Guyane où les 200 emplois de piroguiers du conseil général sont classés dans la catégorie "adjoints techniques".

 

"La part des emplois aidés est toujours importante quand le chômage est important"

 

On observe également une grande précarité dans la FPT de Mayotte, avec 55% d'agents non titulaires et de contrats aidés, contre 28% au niveau national. Dans les 34,6% d'agents non titulaires, 91% sont affectés à des emplois permanents, alors qu'au niveau national ils ne sont que 50%. Parmi eux, 38% sont des contractuels, 37% des agents temporaires, 17,4% des agents horaire et 5,1% en vacance temporaire d'emploi.

A titre de comparaison, à la Réunion la moitié des agents sont des contractuels, contrairement à la Guadeloupe où ils sont très peu nombreux. C'est surtout dans le domaine de l'enfance et de la jeunesse que la précarité est la plus importante (45% d'emplois aidés contre 20,4% tous domaines confondus), avec 92% d'agents de catégorie C (contre 79% en moyenne) et 83% de femmes (contre 49% en moyenne).

En tout, les 1.090 CES sont à 86% des femmes. "Les collectivités permettent de donner de l'emploi à ceux qui en sont le plus éloignés. Quelque soit le territoire, les élus sont à la fois gestionnaires de leurs ressources humaines et comptable de la situation de l'emploi sur leur territoire, en jouant le rôle d'amortisseurs sociaux. La part des emplois aidés est toujours importante quand le chômage est important", tient à préciser Mohamed Amine pour expliquer la part des emplois aidés à Mayotte, qui est similaire à celle des Dom (21% en moyenne), mais bien supérieure à la moyenne nationale de 4%.

 

Toujours un fort déficit de l'encadrement en termes d'effectifs et de compétences managériales

 

La précarité touche davantage les femmes, mais également les plus jeunes : alors que 32% des non titulaires ont moins de 30 ans, 96% des titulaires ont plus de 30 ans. Parmi les principaux métiers, ceux où la part des plus de 55 ans est largement supérieure à la moyenne régionale sont les agents de gardiennage (10% contre 4% en moyenne), les agents d'exploitation de la voie publique (9%) et les gardes-champêtres (8%).

Les agents de catégorie B sont relativement jeunes, avec 20% de moins de 30 ans, contre 13% en catégorie C. Comme l'avait souligné la dernière enquête du CNFPT, il y a néanmoins toujours un fort déficit de l'encadrement en termes d'effectifs et de compétences managériales.

Parmi les tendances mises en lumière par l'enquête apparaît également un fort besoin d'expertise en finances et comptabilité, ressources humaines, commande publique, contrôle de gestion, maîtrise d'ouvrage et conduite de projets.

"Il faut définir de quelles compétences la Collectivité a besoin pour les recrutements à venir et maîtriser les métiers de conception et de contrôle pour gérer la commande publique, en mettant en place une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences", recommande Marc Baïetto. La professionnalisation des services demeure la première priorité, avec une mise à niveau pour la maîtrise de la langue française, l'intériorisation des missions de services publics et la sécurisation des actes des collectivités. Des plans de formation du CNFPT pour chaque commune sont actuellement en cours d'élaboration avec les services des ressources humaines.

 

Le recrutement social ou affinitaire ne doit plus avoir cours pour que la départementalisation réussisse

 

"Cette étude permettra une réorganisation des services et un renforcement des services sociaux, de la jeunesse et de l'assainissement", analyse Jérémy Blazquez, directeur régional du CNFPT de Mayotte, qui ajoute que sa délégation régionale effectue un réel effort de formation du personnel depuis sa création en 2005, avec 4.000 agents (sur 6.000 environ, hors CES) venus au moins une fois pour une journée de formation, et une moyenne de 2,5 jours de formation par agent et par an contre un jour au niveau national.

"Les collectivités mahoraises sont nées en 1977, alors que la scolarisation n'était pas obligatoire et qu'il n'y avait pas de structures de formation professionnelle. L'effort de la direction nationale doit donc être soutenu, compte tenu de ce retard historique", a rappelé Boinaïdi Dahalani, représentant de l'UTFO au CRO (Conseil régional d'orientation).

"Le Pacte pour la départementalisation nous dit déjà quels services développer selon quelle échéance. Il y a des carences à Mayotte en matière sociale pour les crèches ou les personnes âgées par exemple", a déclaré Christophe Peyrel, le secrétaire général de la préfecture.

Pour que la départementalisation réussisse, les élus devront prendre conscience que le "recrutement social" ou affinitaire, qui favorise une famille ou un clan, ne doit plus avoir cours, les agents devant être recrutés en fonction de leurs compétences et non de leur entregent. Jérémy Blazquez annonce que cette étude devrait être réactualisée au 31 décembre 2010.

 

Julien Perrot


Comparaison de la répartition des agents territoriaux mahorais avec la moyenne nationale

 

  • Direction et gestion des ressources : (13% à Mayotte contre 14% au niveau national)

Equipe de direction : 2,8% contre 2,4%

Affaires juridiques et administratives : 5% contre 5,3%

Gestion financières et comptabilité : 2% contre 2,3%

Personnel et ressources humaines : 2% contre 1,9%

Système d'information et informatique : 0,9% contre 0,9%

Communication : 0,1% des emplois, contre 0,8%

 

  • Politiques publiques d'aménagement et de développement (11% contre 5%)

Politique de la ville : 0,2% contre 0,4%

Urbanisme et aménagement : 0,8% contre 1,1%

Transports et déplacements : 3,8% contre 0,6%

Environnement : 3,6% contre 1,1%

Action économique et développement local : 2,7% contre 0,7%

Formation professionnelle : 0,1% contre 0,4%

Emploi et insertion professionnelle : 0,1% contre 0,2%

Europe et international : 0% contre 0,1%

 

  • Interventions techniques (27% contre 28%)

Bâtiment et patrimoine bâti : 9,2% contre 8,9%

Voierie, infrastructures et réseaux divers : 4,6% contre 6,3%

Eau et assainissement : 0,5% contre 1,4%

Propreté, collecte et gestion des déchets : 3% contre 4%

Espaces verts et paysages : 1,8% contre 4,5%

Ateliers et matériels : 7,8% contre 2,5%

 

  • Prestations sociales et culturelles (12% contre 25%)

Action culturelle et spectacles : 2,1% contre 1,5%

Bibliothèques et centres documentaires : 1,3% contre 1,9%

Etablissements patrimoniaux : 0,4% contre 0,9%

Enseignements artistiques : 0% contre 2%

Social : 4,3% contre 8,1%

Restauration collective : 0% contre 0,3%

Santé : 2,9% contre 1,7%

Laboratoire : 0,3% contre 0,3%

Sport : 0,1% contre 3,1%

 

  • Enfance et jeunesse (22% contre 22%)

Petite enfance : 0,5% contre 7,2%

Affaires scolaires et périscolaires : 20,6% contre 10,8%

Jeunesse et animation : 0,9% contre 3,8%

 

  • Missions régaliennes (9% contre 6%)

Population et citoyenneté : 3% contre 1,3%

Funéraire : 0% contre 0,3%

Police et sécurité : 4% contre 2%

Pompiers et secours : 2% contre 2,3%

 


 

 

Les Mahoraises dans l'emploi public

Au 31 décembre 2007, le taux de féminisation dans la fonction publique territoriale est de 50% à Mayotte, contre 58% pour l'ensemble des Dom et 62% pour la France entière. Selon les statistiques de l'Insee, en 2003 les femmes détenaient seulement un tiers des emplois à Mayotte, soit 9.149 postes. Le taux de féminisation est plus important dans le secteur public : 42% contre 25% dans le privé. Du fait de l'émancipation des femmes, ce taux est en constante évolution depuis 2001, de l'ordre de 1 à 2 points par an.

7 postes sur 10 o par des femmes appartiennent au secteur public. Dans la fonction publique territoriale, les métiers dont les taux de féminisation sont les plus importants sont les agents d'accompagnement de l'enfance (98%), les agents d'entretien polyvalent (89%), les agents de gestion administrative (79%). En revanche, elles sont moins nombreuses pour les emplois de jardinier des espaces horticoles et naturels (40%), d'agent d'exploitation de la voie publique (9%) et d'agent de gardiennage et de surveillance (2%).