26/06/2009 – Danse contemporaine : Ballet de Mayotte

 

{xtypo_dropcap}L{/xtypo_dropcap}e spectacle a commencé avec Shaaba, un duo qui débute dans une ambiance marine, deux hommes sont dos à dos, sur fond de bruits de vagues. Comme décor, des branches prises dans un filet tendu, un coran sur un marifa à l’autre bout de la scène. On comprend vite que l’auteur met en scène une périlleuse traversée, entre deux îles qu’il n’est pas besoin de nommer.

"J’ai voulu mettre en situation la traversée", déclare Jeff Ridjali, "sans préciser dans quelle sens elle se fait". Pour expliquer l’importance du coran, un danseur raconte, "c’est un moment d’angoisse et de panique, alors on prie" et le chorégraphe ajoute "c’est une pièce très angoissante". Il insiste également sur la poésie du chant soufi, "avec la danse, ce sont deux poésies qui se rencontrent (…), c’est un hommage aux gens perdus dans la traversée".

Cette première pièce montre bien les singularités du chorégraphe, que l’on pourrait aussi qualifier de metteur en scène. D’abord le recours à des accessoires utilisés comme symboles, que l’on retrouve aussi dans les œuvres du Tchadien Yaya Sarria et de la Malgache Julie Larisoa, et qui appartiennent d’habitude au monde du théâtre.

Cette mise en scène libre permet aux auteurs de créer une danse engagée et véhiculant des messages forts : la dénonciation du drame de l’immigration clandestine dans Shaaba, et l’enfermement de la femme dans la société traditionnelle malgache dans l’œuvre de Julie Larisoa. D’ailleurs le créateur du Ballet de Mayotte avoue : "j’ai voulu sculpter l’espace, comme au théâtre".

On remarque également l’attachement du chorégraphe aux symboles des traditions africaines. Il apparaît sur scène torse nu, vêtu d’un pantalon avec une corde en guise de ceinture, et va chercher les thèmes de ses spectacles dans les cultures comoriennes et africaines.

On comprend aussi ce qui réunit les trois chorégraphes: une conception libre, engagée et très personnelle de leur art, et la conviction que la danse a un rôle à jouer dans la société, au delà de la création artistique.

Interviewé à la fin du spectacle, Jeff Ridjali s’est déclaré satisfait de la performance des danseurs, mais déplore les conditions dans lesquelles le spectacle s’est tenu : "il y a une absence de techniciens (…) et ce n’est pas la première fois".

En pleine grève des agents du conseil général, les danseurs se sont produits sans décor, et avec un éclairage plus que minimaliste assuré par les artistes eux-mêmes. "Jusqu’à présent je n’ai jamais pu faire un spectacle avec les agents nécessaires", déplore le chorégraphe mahorais. De façon plus générale, il regrette le manque de professionnalisme dans l’accompagnement des artistes : "à Mayotte, on mélange ce qui est professionnel et amateur", "le public est présent, mais il n’y a pas de propositions, on n’a pas d’encouragements".

Le chorégraphe tempère néanmoins sa critique avec une note d’enthousiasme : "on a montré qu’on est capable, avec deux spots, de monter un spectacle de qualité".

 

Tom Gaugenot

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