{xtypo_dropcap}A{/xtypo_dropcap} la lecture du rapport de présentation du budget 2010, qui sera soumis au vote des élus ce lundi 29 mars en session plénière, difficile de trouver des motifs de réjouissance. Après une année 2009 marquée par les interventions de la Chambre territoriale des comptes et ses recommandations d'austérité budgétaire, il était vain d'en espérer plus. Un budget de crise donc, dont la section investissement poursuivra cinq objectifs : l'intégration des agents, le respect des engagements en matière d'assainissement et de rénovation de l'habitat insalubre, la réalisation des PMI et des SIDS, et la réfection des voiries.
Beaucoup d'équipement à l'échelle communale. Rien d'anormal en période de pré-électorale…
Et pour atteindre un taux de réalisation des opérations d'assainissement et de RHI satisfaisant, il faudrait d'une part que le conseil général rattrape son retard en terme d'engagement de crédit au titre du Contrat de projet 2009, et de l'autre qu'il maintienne un niveau élevé d'environ 75 M€ d'investissement pour atteindre les objectifs de programmation 2010 de ce même Contrat de plan. Une douce utopie.
Car en l'espèce, la section investissement du budget primitif 2010, déjà peu garni (75 M€), affiche d'emblée un déséquilibre de 4 M€. Les dépenses sont en effet estimées à 75 M€, et les recettes à 71 M€. Il en va de même pour la section de fonctionnement, qui affiche un déficit de 36 M€, soit 300 M€ de dépenses programmées pour 263 M€ de recettes prévues. Au final, le budget primitif soutient un déficit global de 40 M€.
A noter également que les principales ressources de la section investissent proviennent de l'emprunt et dettes assimilés (47%), soit un emprunt de 30 M€ auprès de la Banque de la Réunion qui n'a pas encore été finalisé, mais qui figure déjà bien au budget primitif. Les impôts et taxes sont espérés en augmentation (120.000.000€), comme les impôts directs (70.000.000 €). Les charges de personnel et frais se fixent à 108.000.000€, en retrait de 3 M€ par rapport à 2009, et ce malgré les vagues d'intégration des agents prévues de longue date.
Des vagues d'intégration dont devraient bénéficier quelques "prisonniers" des Guantanamos locaux. Ne cherchez pas de point commun avec la base américaine dont le règlement échappe à la législation fédérale, vous n'en trouverez aucun. Les Guantanamos mahorais s'apparentent en réalité plus à des purgatoires administratifs de la Collectivité. Selon les agents qui y sont expédiés, l'on en dénombre trois : un à Kawéni, un autre à Coconi et le denier à Mamoudzou, près des bureaux de la Daf. Certaines sources averties s'autorisent même à y intégrer la Dilce, le "prestigieux" service culturel du conseil général, et ses 80 agents affectés !
Dans tous ces locaux de la CDM, derrière le vernis des titres administratifs pompeux ou sous l'étiquette fourretout de chargé de mission accolée aux portes de bureaux désertés, se dévoilent en réalité des hommes et des femmes abattus, démissionnaires malgré eux. Certains ont trente ans de métier. La plupart sont des cadres, fatigués d'être révoltés. Fonctionnaires, ils continuent de toucher chaque mois leur salaire et c'est pour cela qu'ils ne disent rien… Beaucoup – la majorité – ne se déplace même plus sur son lieu de travail.
"Je viens des fois le matin. Je lis la presse, regarde l'intranet et désespère de trouver des consignes. Au début, j'étais plein de bonne volonté. J'ai continué à préparer des dossiers, sans instructions particulières de mes supérieurs. Et puis au bout de quelque temps, fatalement, on se décourage tous. Nos rapports ne sont jamais étudiés ni même lus. Nos dossiers s'entassent sur les bureaux des chefs de services avant qu'une femme de ménage ou une stagiaire ne les déposent sur une étagère. On sait qu'ils seront oubliés là. C'est frustrant parce qu'on sait qu'ils contiennent, peut-être pas les solutions, mais au moins des pistes pour ouvrir des réflexions", explique Bacar*, en poste depuis près d'un an au Guantanamo de Coconi.
Placardisés. C'est le mot. Leur tort ? Avoir dévoilé leur opinion politique en public, pris part au combat syndical, osé exprimer leurs désaccords ou exposer des observations contradictoires à leurs élus. Certain sont suspectés de "proximité" avec les équipes de la présidence sortante, ou avec sa politique. D'autres ont été victimes de délation, de méthode de harcèlement, de déstabilisation, d'acharnement, de menaces de mort parfois, provenant de rivaux ambitieux.
Quelques un sont là aussi pour ne pas (plus) avoir voulu (pu) fermer les yeux sur des "petits arrangements". "Tant que vous dites oui, tout se passe bien. Mais les choses vous dépassent vite. Et vous savez que vous allez devoir bientôt faire des choix. Votre intégrité ou votre poste… La neutralité, ca n'existe pas. Tout est politisé. Soit vous êtes contre les idées de vos élus, soit vous êtres pour. Et si vous être contre, vous avez de grandes chances de finir ici", déplore Ali*, énième soldat de l'armée des chargés de missions du Guantanamo de Mamoudzou.
Ainsi, la compétence n'est plus un critère de sélection au conseil général. Seule l'appartenance politique, réelle ou supposée, oriente la destinée et les perspectives de carrière des fonctionnaires de la CDM. Si c'est véritablement cette vision manichéenne et pour trop simpliste qui dicte les choix et les politiques de management de nos édiles, comment s'étonner alors de l'excroissance de la masse salariale de la Collectivité ? Car à tous ces placardisés l'on a bien sûr trouvé des successeurs…
"A nos anciens postes clefs se voient propulser des freluquets niveau bac. Chefs de service, directeurs parfois. Fils, cousins, nièces, amis de la famille des membres du conseil général. C'est clair que ce n'est que du népotisme. Déjà c'était dur, mais depuis peu on s'aperçoit qu'ils vont couper la priorité à des cadres qui ont 30 ans de métier dans les listings pour l'intégration, pour laisser la place à tous ces nouveaux. Et ça c'est insupportable", résume tristement Mohamed*. "C'est un climat pourri. Tout le monde est au courant, personne ne l'ouvre. Big brother nous regarde", ironise même l'un des placardisés.
Sans directives de travail, ni consignes, difficile d'affirmer qu'ils sont productifs. Pourtant, la plupart n'est pas à blâmer. "Ce ne sont pas des fainéants. Ils proposent encore des fois, mais le cœur n'y est plus. Je souhaite juste qu'un jour on nous rende notre dignité dans le travail, et que ceux qui ont gardé leur intégrité seront réhabilités, "administrativement parlant"", conclut un de nos interlocuteur.
Autre signe de l'affaiblissement de la gouvernance de l'assemblée exécutive, les dissensions de plus en plus prononcées entre les membres de la majorité, et pas seulement à cause de considérations dogmatiques, comme en témoigne cette affaire pour le moins surprenante. Vendredi dernier, le tribunal administratif de Mamoudzou a prononcé la mise en délibéré du recours déposé par Mirhane Ousséni (Nouveau centre), conseiller général de Bouéni et vice-président du conseil général, membre de la majorité, visant à casser la délibération prise par l'assemblée départementale le 3 décembre dernier et disposant du mode d'attribution du marché public du transport scolaire en un lot unique.
Une nouvelle qui sonne comme une déclaration de guerre entre l'UMP de Douchina et ses alliés précaires de l'ex-MDM, aujourd'hui Nouveau centre. Selon plusieurs sources, la décision de M. Ousséni est la conséquence d'une trahison fomentée par la majorité actuelle du CG, qui devait voter le 3 décembre dernier une concession de marché public en allotissements. Le consensus avait été long et douloureux à obtenir, tant les acteurs du secteur et la classe politique étaient divisés. Le jour du vote, M. Douchina a proposé un amendement qui a fondamentalement changé l'esprit du texte, et les élus ont finalement adopté une délibération organisant le marché du transport scolaire autour d'une délégation de service public, confiée à un prestataire unique.
Pour M. Ousséni, ce mode de marché serait trop couteux (entre 15 et 20 M€) dans un contexte de restriction budgétaire et ne profiterait pas aux petits et moyens transporteurs locaux : "les différentes missions d'observations menées par le conseil général au sujet du transport scolaire ont prouvé que des collectivités d'Outremer payent ce service moins cher pour plus d'élèves transportés et moins de kilomètres parcourus. De plus, personne n'a prouvé que l'allotissement – qui reste la norme, serait plus lourd financièrement pour la Collectivité qu'une délégation de service public".
"On leurre les Mahorais en leur faisant croire qu'ils n'ont pas les compétences ni les moyens pour organiser directement et efficacement un système de transport territorial. Je n'accepterai pas qu'on laisse comme seul espoir à ces chefs d'entreprises d'être uniquement des sous-traitants de grandes compagnies. Ce sont autant de faits qui ont motivé ma décision de porter l'affaire devant le tribunal administratif", a déclaré le conseiller général de Bouéni.
D'autres sources avancent que la décision de M. Ousséni serait motivée par la peur de voir des intérêts privés et électoralistes– directs et indirects – s'envoler dans le cadre d'un marché unique. En clair, l'homme fort de Bouéni, en s'associant avec des proches, aurait acheté une flottille de minibus en prévision de l'ouverture du marché des transports. Des accusations que dément formellement l'intéressé : "je n'ai aucun lien avec ce secteur économique. Ceux qui répandent de telles rumeurs donnent dans la calomnie et le mensonge. C'est de la politique de caniveau ! Je ne fais ici que ce qui me semble juste pour contribuer à la bonne gestion des deniers publics du conseil général", s'est-t-il défendu.
Le jugement devrait être rendu dans les semaines qui viennent. En attendant, on n'ose imaginer le climat de sérénité et de confiance qui doit régner lors des réunions de majorité…
Enfin, fâcheuse manie que d'annuler et de relancer des consultations dès lors que leur résultat n’a pas permis d’attribuer le marché à l’entreprise souhaitée. Ce fut le cas du marché relatif à l’aménagement et la commercialisation des sites inscrits au Plan d’aménagement et de développement durable de Mayotte. Alors que l’appel d’offres avait débouché sur des candidatures solides – dont celles de prestigieux cabinets de consulting internationaux associés à des prestataires locaux – l’appel d’offres a été déclaré infructueux puis relancé sur la base d’un nouveau cahier des charges qui n’était plus du tout conforme aux objectifs du marché et tels qu’ils avaient été votés par le conseil général lui-même, et donc frappé d’illégalité !
A la trappe le traitement des questions foncières, à la trappe aussi l’ensemble des contraintes qui devaient s’imposer aux investisseurs afin qu’ils réalisent des infrastructures conformes aux exigences du Padd, c’est-à-dire d’une part respectueuses de l’environnement et des paysages et d’autre part créatrices d’emplois et d’importantes retombées économiques. A la trappe enfin, le lancement d’un appel à candidatures international qui aurait garanti la sélection d’opérateurs disposant de la surface financière et de l’expérience requises…
Le cas récent de l’attribution des terrains de la zone d’activités de Longoni Vallée III est révélateur de l’amateurisme et de l’opacité totale dans lesquels la Collectivité mène son action. La zone d’activité s’étend sur une superficie de 150.000 m2, sur laquelle sont déjà implantées plusieurs entreprises. Sur les 27 parcelles aménagées, une vingtaine est déjà occupée. L’appel à projets lancé il y a quelques semaines concerne les sept dernières parcelles disponibles, représentant une surface totale de près de 20.000 m2. Ces terrains vont de 1.676 à 4.967 m2 et sont proposés à la location ou à la vente. "Nous avons reçu une dizaine de dossiers et d’autres entreprises vont envoyer leurs candidatures sous peu", annonçait dernièrement le directeur adjoint du développement économique et touristique du conseil général.
Les objectifs de cet appel à projets, tels qu’ils ressortent du dossier à remplir par les candidats sont prometteurs (voir encadré). La Collectivité se préoccupe enfin – en apparence tout du moins – de privilégier des projets susceptibles de "contribuer à l’émergence et au développement d’activités porteuses, sur lesquelles pourraient s’appuyer à l’avenir le développement économique du territoire et en particulier relevant de domaines d’activité jugés stratégiques".
Et lorsque l’on découvre les domaines d’activité jugés "stratégiques", on se laisserait même submergé par l’enthousiasme, convaincu un instant que le conseil général est subitement devenu conscient de ses responsabilités et des véritables opportunités de développement économiques.
En effet, les projets recherchés doivent permettre l’exploitation du "patrimoine végétal de Mayotte (recherche et valorisation par des applications en parfumerie, cosmétique, agroalimentaire, agrochimie, domaine vétérinaire…); des ressources du lagon (recherche et prestations d’ingénierie et études liées au lagon, sa faune et sa flore); du potentiel que recèle l’aquaculture, la coralliculture (recherche et solutions pour le développement et la commercialisation de nouvelles espèces et nouvelles activités.); des débouchés qu’ouvriront demain l’arrivée de l’accès internet haut débit dans le domaine des industries de la connaissance et des technologies de l’information (recherche appliquée et fourniture de solutions dans le domaine de la formation, de l’assistance, du travail collectif… à distance) ou encore les transports "propres" (recherche appliquée et fourniture de solutions dans le domaine des transports terrestres et maritimes propres)". Mais le rêve est de courte durée.
Pour une raison non motivée, l’appel à projets concerné a été relancé. Et les entreprises qui se sont portées candidates à l’acquisition de terrains dans le cadre du premier appel à projets n’en n’ont pas été informées… Certaines, venues chercher des explications auprès de la direction du développement économique, se sont vues répondre que les délais étaient maintenant dépassés pour poser une candidature dans le cadre du second appel à projets. On aurait voulu faire barrage à leur candidature que l’on ne s’y serait pas pris autrement.
Entre temps, quelqu’un à découvert que certains des terrains proposés dans le cadre du premier appel n’étaient plus disponibles car ils avaient déjà été "attribués". C’est dire le niveau de connaissance que le conseil général possède de son patrimoine foncier. On a peine à y croire.
Dans ces conditions, peut-on raisonnablement penser que ce sont les entreprises nourrissant les projets les plus porteurs qui se verront attribuer les terrains si précieux pour le devenir de notre territoire ? Où verra-t-on à nouveau les petits arrangements entre amis s’imposer face à l’intérêt général ?
* prénoms d'emprunt
Compte administratif 2009 du CG
Le résultat consolidé du budget 2009 (intégrant le résultat du STM) affiche -21,6 M€. Le bilan fait état d'une forte dégradation de l'épargne et d'une baisse du niveau d'investissement par rapport à 2008 (74 M€ contre 109 M€ en 2008). Le budget a cependant mieux été exécuté, 86% contre 82% en 2008, soit au total 381 M€ consommés.
Le détail révèle un taux d'exécution de 95% de la section fonctionnement contre 85% en 2008 (295 M€ sur 311 M€ disponibles) et un recul du taux d'exécution des investissements à 64%, contre 70% en 2008, soit 86 M€ consommés sur 134 M€ disponibles, ce qui représente 48 M€ d'investissements non réalisés.
Les dépenses de fonctionnement explosent : 289 M€ en 2009 contre 256 M€ en 2008 et 194 M€ en 2006 : +95 M€ en 3 ans ! Selon le rapport des services de la Collectivité, cette hausse est principalement imputable aux subventions d'investissement versées aux communes, qui representent18% du budget de fonctionnement de la Collectivité, soit 48 M€ (Fip : 38 M€ et 11 M€ régularisation).
La masse salariale n'a augmenté que de 2% passant de 109 M€ à 111 M€. "Les mesures prises afin de contenir ce poste de dépense sont à encourager", précise le rapport. Toutefois, les charges de personnel représentent 39% du budget de fonctionnement. Les charges de fonctionnement courant ont baissé de 9% par rapport à 2008.
Les objectifs initiaux de l’appel à projets Longoni Vallée III
– Soutenir la création d’emplois, contribuer à l’émergence et au développement d’activités porteuses, sur lesquelles pourraient s’appuyer à l’avenir le développement économique du territoire et en particulier relevant de domaines d’activité jugés stratégiques,
– Soutenir l’apparition de solutions et savoir-faire permettant de contribuer à un développement durable, et contribuer à l’émergence et au développement d’activités apportant une réponse à une demande collective non satisfaite (notamment équipement et services contribuant à l’intérêt général).
– Renforcer les performances des entreprises en favorisant l’intégration de compétences et solutions permettant de générer une croissance de la valeur ajoutée, de la productivité du travail ou de la compétitivité : programme de R&D, études préalables à la création d’un nouveau produit, intégration d’une nouvelle technologie…
– Contribuer à l’ouverture internationale de Mayotte et améliorer le taux de couverture des importations : soutenir les projets susceptibles de développer les échanges commerciaux avec l’étranger (en particulier avec les territoires de l’océan Indien), appuyer les projets des entreprises cherchant à conquérir des marchés à l’étranger.
Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.