{xtypo_dropcap}"{/xtypo_dropcap}Le projet est là, il n'y a plus que quelques détails à régler avec les partenaires pour le financement, c'est pourquoi l'essentiel des informations ne seront pas dévoilées", a déclaré laconiquementDjanfar Saïd Mohamed, DGA chargé de l'aménagement et des déplacements à la mairie de Mamoudzou, avant d'annoncer que la conférence de presse était annulée. Dans le communiqué envoyé à la presse, on peut lire qu'il devait être question "de maîtriser l'étalement urbain, créer une ligne express de transports en commun performante, capable de constituer une alternative à l'automobile et favoriser la multimodalité".

Ce projet a été évalué à 5M€, 25% à la charge de l'Etat et 75% à celle de la CDM. La mairie de Mamoudzou l'a conçu en deux phases : elle a d'abord lancé un appel d'offres pour une étude d'optimisation de la circulation sur l'axe RN1-RN2, pour mener des actions "flash" fin 2010-début 2011, afin de décongestionner le trafic le plus rapidement possible. La mairie est actuellement en train de sélectionner un bureau d'études pour réaliser cette première phase.

Pour la deuxième phase, la mairie est en train de finaliser le cahier des charges pour l'assistance à maîtrise d'ouvrage pour la réalisation de la ligne de bus proprement dite, qui doit s'étaler de Tsoundzou II à Majicavo. L'étude permettra de savoir le nombre d'arrêts nécessaires, les intervalles entre les bus, s'il leur faudra une voie de circulation propre, etc. Mais tout le projet est bloqué à cause du désengagement financier du conseil général…

 

Une politique des transports sans aucune cohérence

 

"Nous aurons un blocage total de la circulation dans Mamoudzou dès la rentrée prochaine. C'est une bombe à retardement. Nos élus sont-ils réellement conscients des enjeux des déplacements urbains pour le développement économique de l'île ?", s'interroge une source proche du dossier, qui constate que la mairie n'a aucune garantie que le conseil général va délibérer pour débloquer les crédits nécessaires. "C'est la population qui va pâtir du comportement des élus, car ne pas pouvoir circuler, c'est tuer les activités et les services !"

Le conseil général vient pourtant de lancer le Schéma régional des infrastructures des transports (SRIT), ainsi que l'assistance à maîtrise d'ouvrage pour la création d'une ligne interurbaine de transport collectif. "C'est un paradoxe et un danger, car on s'était mis d'accord sur un mode intermodal pour ceux qui laisseraient leur véhicule dans des parkings à l'entrée de Mamoudzou : cet effort ne servira pas à grand-chose sans transport en commun dans le Grand Mamoudzou", constate notre source. "Si vous partez de Sada et que vous vous arrêtez à Tsoundzou, à quoi ça sert de prendre un bus si le trafic est congestionné ? C'est une politique sans aucune cohérence."

 

"C'est tout le développement économique de Mayotte qui est compromis dès la rentrée prochaine"

 

La mairie de Mamoudzou aspire à devenir une Autorité organisatrice de transport urbain (AOTU), c'est pourquoi ni le conseil général ni l'Etat ne peuvent planifier cette compétence communale. Sans la ville de Mamoudzou pour y participer, la politique de transport interurbain du conseil général n'aura aucune portée et le Schéma de déplacement deviendra inopérant.

Les motifs seraient politiques, à la veille des élections de 2011… "Sans la participation financière du conseil général, la population doit savoir qu'elle va être punie durablement", souligne notre source. "Cet enjeu dépasse la politique, ce n'est pas seulement les habitants de Mamoudzou qui vont en pâtir, mais c'est tout le développement économique de Mayotte qui est compromis dès la rentrée prochaine, quand on sait que chaque jour 5 nouveaux véhicules sont mis en circulation."

Les véhicules représentent 54% des gaz à effet de serre produits à Mayotte. Alors que partout ailleurs sur le territoire national, l'Etat encourage à utiliser le moins possible la voiture pour se déplacer, à Mayotte il semble que la politique du conseil général incite à faire le contraire. "On veut devenir un département, mais on ne tient pas compte de la loi sur l'air ou du Grenelle de l'environnement… C'est en contradiction avec ce que veulent les gens ! Mais ce sont des choses qu'on n'ose pas dire ouvertement ici", déplore notre source.

"Chaque jour compte et cela risque de coûter cher, alors que les infrastructures routières continuent de se dégrader et que les trottoirs n'existent pas". Le projet prévoit en effet également des "liaisons douces" pour les déplacements à pied, en vélo, voire en roller…

"Comme pour la "piscine de Kawéni", il faut savoir enterrer la hache de guerre, arrêter de se renvoyer la balle et prendre ses responsabilités", avant que des citoyens ou des chefs d'entreprises indignés bloquent la zone industrielle, peut-être la seule solution pour réparer très rapidement cette route qui appartient au conseil général, comme le plan du cadastre le confirme.

Malheureusement, il semblerait que ce projet structurant de gestion raisonnée des déplacements ne fasse pas partie des priorités du conseil général, qui n'a prévu cette année d'investir que 30 M€, alors que son engagement financier devrait normalement s'élever à 75 M€, si l'on s'en réfère aux engagements initiaux du Contrat de projet.

 

Julien Perrot