{xtypo_dropcap}A{/xtypo_dropcap}près le Livre vert de juin 2008, la Commission européenne a adopté le 6 novembre 2009 une communication précisant sa vision du nouveau partenariat entre l’Union européenne et les PTOM, dans la perspective du remplacement de l’actuelle décision qui prend fin le 31 décembre 2013.
De ce fait, Mayotte, qui entre pleinement dans un premier temps, dès 2011, dans le régime national de droit commun conformément à l’évolution de son statut interne dans la France, souhaite poursuivre, en second lieu et dans la continuité, son ancrage dans l’espace européen en devenant une Région ultrapériphérique, elle qui est aujourd’hui inscrite dans la catégorie des PTOM. Cette évolution est rendue possible par le Traité de Lisbonne.
Ainsi, l’enjeu est plus que symbolique, car après la départementalisation, le statut de Rup viendra s’adapter aux nouvelles conditions politiques, aux réalités économiques actuelles ainsi qu’aux enjeux sociaux et environnementaux futurs auxquels Mayotte doit faire face, et ce, en étant inscrite dans la prochaine programmation des fonds structurels (2014-2020).
Ces fonds permettront à Mayotte de soigner ses nombreux handicaps, notamment en matière structurelle, de mieux être nourrie pour faire face aux droits sociaux, de permettre une meilleure mobilité des jeunes dans le domaine de la formation et de l’emploi, de donner aux collectivités territoriales les crédits nécessaires à leur fonctionnement ainsi qu’à leurs investissements, etc. Mais devenir Rup sous-entend aussi et surtout le respect de certains principes communautaires.
Le statut de Rup et l’article 73 de la Constitution française, régissant les départements d’Outremer et dans lequel est inscrite Mayotte, seront ainsi deux garanties de taille afin d’éviter un bouleversement brutal et profond de la société mahoraise, puisque ces deux cadres juridiques reconnaissent la spécificité des départements et des Rup, de ce fait la nécessité d’adaptation des politiques nationales et communautaires aux réalités propres de chaque territoire.
I) Bilan de l’action européenne à Mayotte (1975-2013)
En tant que PTOM, Mayotte bénéficie des aides européennes depuis le 4e Fed (Convention de Lomé I : 1975-1980) et successivement, avec une enveloppe qui a triplé en 20 ans, l’investissement européen à Mayotte a permis de financer plusieurs opérations de base telles que l’adduction d’eau, l’électrification rurale, le reboisement, la construction de la station d’épuration des eaux usées, la construction d’Aquamay (Coopérative d’aquaculture de Mayotte), le développement de la filière aquacole, l’aménagement et le développement durable, la protection du lagon, etc. Depuis 2004, avec le transfert des compétences et des ressources, le Fed est géré par la Direction des affaires européennes du conseil général de Mayotte.
Le nouveau statut de Rup offrirait à Mayotte les outils nécessaires à son rattrapage et à son développement économiques, en complément de l’engagement national, avec des instruments financiers tels que les Feder (Fonds européens de développement régional), les FSE (Fonds structurels européens) ou encore des programmes d’aides complémentaires spécifiques à l’éloignement et à l’insularité comme le Poseidom, programme destiné aux départements français d’Outremer.
Cela permettra aussi de rattraper les retards qu’accuse l’île en matière d’infrastructures et d’équipements collectifs, le respect des droits sociaux, plus de soutien aux collectivités territoriales avec les crédits de l’octroi de mer ou son équivalent après la réforme, l’assurance de voir sauver les langues maternelles locales avec l’application de la Charte européenne des langues et des cultures régionales, etc.
L’accession de Mayotte à ce statut sous-entend le respect de plusieurs conditions préalables notamment la bonne gestion des crédits du Fed et le respect des bases, normes et valeurs européennes.
II) Les conditions préalables à l’accession de Mayotte au statut de Rup
1) La bonne gestion du Fed
L’une des conditions majeures et non négligeables de cette évolution statutaire demeure la consommation et la bonne gestion des crédits du Fed alloués à Mayotte, puisque le 9e Fed (2000-2007) s’est vu octroyer une enveloppe de 15,2M€ auxquels ont été ajoutés près de 9,5M€ représentant des crédits non consommés issus des précédents Fed, mais au final, seul un peu plus d'1M€ a été consommé. Des études démontrent les raisons de cette consommation "partielle" des crédits, qui concernent en particulier les 8e et 9e Fed dont les reliquats ont été portés sur le 10e Fed.
2) Le respect des bases, normes et valeurs européennes
L’accession de Mayotte au statut de Rup nécessite des préalables qui portent essentiellement sur le respect de l’ensemble des acquis communautaires représentant près de 14.500 actes normatifs. Voici une liste non exhaustive de ce que pourrait exiger l’UE :
– La première des conditions est celle fixée par le Traité de Lisbonne dans les "Déclarations relatives à des dispositions des Traités" : la France devra notifier au Conseil européen et à la Commission européenne si "l’évolution en cours du statut interne de l’île le permet", en clair la départementalisation est un préalable ;
– Tirer les leçons de la mauvaise gestion des 7e et 8e Fed en consommant les crédits et surtout en respectant les procédures et les délais. Le 10e Fed en cours pourrait être la base de cette nouvelle approche dans la gestion européenne des crédits, ce qui nécessite que l’on garantisse les moyens nécessaires à la maîtrise des procédures du code de marché national et européen ;
– Le respect de la Convention européenne des Droits de l’Homme et notamment l’égalité entre l’homme et la femme, le droit d’asile, le droit d’entrée et de séjour des étrangers. Même si pour le moment, la loi DSIOM classe cette matière comme réservée à la spécialité législative et même si l’article 73 de la Constitution de 1958 et le régime juridique des Rup permettent une adaptation des mesures nationales et communautaires selon la situation de chaque territoire, il n’en demeure pas moins que l’Europe imposera un minimum de règles dans ce domaine, reste à définir lesquelles ;
– L’application du principe de la libre circulation des idées, des hommes et des marchandises, et la libre concurrence, etc.
III) Un cadre politique propice à cette évolution statutaire
1) Les différents engagements politiques depuis 2000
Si la position des représentants politiques sur la "rupéisation" de Mayotte a évolué et s’est confirmée au fil du temps, c’est parce qu’elle a été nourrie, maintenue et même promise par les gouvernements successifs et par des engagements politiques de poids :
– Déjà dans l’Accord du 27 janvier 2000, dit Accord Oudinot, en vue de la transformation du statut de Collectivité territoriale de Mayotte en Collectivité départementale, cette idée de Mayotte-Rup a été évoquée, même si aucun cadre juridique n’en portait la garantie ;
– Suite à cet accord, la loi du 11 juillet 2001, instituant la Collectivité départementale de Mayotte, a repris ce projet tout en l’inscrivant dans la continuité de la départementalisation ;
– Un engagement confirmé par la Ministre de l’Outremer elle-même, Brigitte Girardin qui, en septembre 2002 soutenait : "Il faut permettre à Mayotte de changer de statut vis-à-vis de l’Europe et de quitter la catégorie des PTOM, éligible aux Fonds européens de développement pour intégrer celle des Rup et avoir ainsi accès à de nombreux programmes européens tels Interreg ou le Feder";
– En 2007, avant de quitter l’Elysée, l’ancien Président de la République, Jacques Chirac voyait dans son "ambition pour l’Outremer", la transformation de Mayotte en Dom mais également en Rup ;
– Le Pacte pour la départementalisation proposé par le Président de la République, Nicolas Sarkozy, le 16 décembre 2008 reprend l’idée, en mentionnant même, et pour la première fois, une date : "L'Etat engagera très rapidement une démarche auprès des institutions communautaires pour que la transformation de Mayotte en région ultrapériphérique intervienne dans des délais compatibles avec l’accès aux financements européens disponibles à partir de 2014", d’où la nécessité de veiller à ce que Mayotte soit dans le train de la prochaine période de programmation des Fonds structurels (2014-2020) et non pas inscrite dans la nouvelle législation devant encadrer les relations futures entre l’Europe et les PTOM.
2) L’action de Marie-Luce Penchard sur ce dossier
En conséquence, cette nouvelle ambition du gouvernement de faire de Mayotte une Rup est portée par la Ministre chargée de l’Outremer, Marie-Luce Penchard. De ce fait :
– Les 14 et 15 octobre 2009, à l’occasion de la Conférence des Présidents de Rup qui s’est tenue aux Canaries, la Ministre a évoqué, entre autres, le dossier de Mayotte. A l’issue de la conférence, les Ministres et Présidents de Rup ont pris l’engagement de présenter à la Présidence espagnole de l’UE, avant le 5 mai 2010, un "mémorandum conjoint" présentant une "feuille de route commune" de ce que devront être les futures relations entre l’Europe et les Rup. Un espoir pour Mayotte qui souhaite voir inscrite son ambition européenne parmi les priorités de l’Europe ;
– Quelques jours plus tard, le 19 octobre, la Ministre a défendu le dossier de Mayotte à Bruxelles et a de ce fait "présenté à M. Karel de Gucht les conditions du passage de Mayotte au statut de Rup et lui a rappelé que le commissaire en charge des régions avait d'ores et déjà désigné un service "référent" pour faciliter la procédure";
– Interrogée par votre sénateur, qui fixe le renforcement du statut européen de Mayotte comme une des priorités de la période d’après-départementalisation qui s’ouvre, à l’occasion de la discussion du Projet de loi de finances pour 2010 au Sénat le 26 novembre 2009, la Ministre a confirmé que le dossier de Mayotte sera déposé à Bruxelles dès 2011 ;
– Enfin, lors du premier Conseil interministériel de l’Outremer à l’Elysée le 7 novembre 2009, le Président de la République a annoncé la création d’un "Pôle Outremer" au sein de la représentation permanente de la France à Bruxelles, lequel pôle a été mis en place en décembre 2009. Parmi les priorités de ce nouveau bureau figure, entre autres, le projet de transformation en Rup.
"Le statut de Rup de l’UE consolidera à jamais la position des Mahorais"
En tant que PTOM, Mayotte bénéficie depuis 1976 de l’action cruciale de l’Europe au service de son développement mais elle souhaite aller plus loin avec l’Europe. La priorité était d’abord de voir le statut de l’île évoluer au sein de la France, gage de sécurité et de développement. Mais au-delà du rattrapage économique, Mayotte veut viser l’excellence : être présente de manière déterminante et responsable dans l’Océan indien, mener des actions de coopération et de développement avec ses voisins, offrir une mobilité à sa jeunesse, être présente dans le monde dans un contexte de globalisation, relever les défis du XXIe siècle passant par l’éradication de la pauvreté, la maîtrise des outils de développement pour un monde plus juste, solidaire et durable etc. Toute cette ambition suppose deux bases essentielles : être ancrée profondément dans la République, ce qui est le cas depuis le 29 mars 2009, mais surtout être une priorité pour l’Europe en devenant Rup.
Car en devenant Rup, les avantages pour Mayotte seront, sans commune mesure, nombreux et déterminants. Mais Mayotte, tout comme l’ensemble de l’Outremer français, est aussi une chance pour l’Europe : elle représente une zone économique exclusive très importante, dispose de ressources halieutiques non encore exploitées, est dotée d’un parc naturel marin propice à la préservation des espèces rares et aux études de pointe en matière environnementale, compte comme un point d’ancrage essentiel dans la route maritime du Canal de Mozambique, pouvant devenir un appui stratégique non négligeable avec l’autre Rup de l’Océan indien, la Réunion, dans une zone comprise entre l’Afrique de l’Est et Madagascar, une zone à forte navigation maritime vers le Golfe et l’Asie du Sud, etc.
Mais l’Europe, c’est plus qu’une chance pour Mayotte. C’est vital. Le statut de Dom-Rom garantit notre ancrage dans la République. Le statut de Rup de l’UE consolidera à jamais la position des Mahorais et écartera définitivement toute crainte liée aux revendications territoriales d’un pays étranger et sera une force pour endiguer devant la communauté internationale les condamnations injustes et injustifiées liées à la présence légitime de la France à Mayotte.
Récapitulatif des Fed à Mayotte (1975-2013)
Période |
Montant |
Programmes principaux |
4e Fed (1975-1980) |
ND |
– Adduction d’eau |
5e Fed (1980-1985) |
ND |
– Adduction d’eau |
6e Fed (1985-1990) |
4,75M€ |
– Electrification rurale – Renforcement de la centrale électrique |
7e Fed (1990-1995) |
6,7M€ |
– Adduction d’eau |
8e Fed (1995-2000) |
10M€ |
– Assainissement des eaux usées – Traitement des déchets |
9e Fed (2000-2007) |
15,2M€ 24,15M€ (Avec le transfert des Fed précédents) |
– Gestion des eaux pluviales – Reboisement – Financement du Centre de traitement des déchets -Financement de l’Unité technique de gestion |
10e Fed (2008-2013) |
22,092M€ (Allocation territoriale) |
– Volet territorial : transport, environnement, tourisme -Volet régional : études et recherche sur la biodiversité |
Source : Direction des affaires européennes – Conseil général de Mayotte
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