{xtypo_dropcap}T{/xtypo_dropcap}ounda Mag : Le style chansons dubby-punk, c’est quoi ?

Le Bacar : C’est un mélange de chanson française, plus précisément de chansons à textes avec du gros son et de l’effet. L’idée principale est la création d’ambiance sur une base de son rock. C‘est un concept développé en collaboration avec Yann Costa [musicien du groupe Zong, ingénieur du son et talentueux électron libre de la scène musicale réunionnaise] depuis plusieurs années.

TM : Comment s’est passé votre prise en charge par l’organisation ?

Le Bacar : Super [prononcé à l’unisson !]… très professionnel, très chaleureux. Nous avons été encadrés et dirigés dès notre arrivée. Les gens font preuve de beaucoup de disponibilité, c’est une chance pour nous. Cela nous change de quelques contextes rencontrés à Mayotte.

TM : Ce n’est pas votre premier spectacle en dehors de Mayotte, quel est a été votre parcours pour arriver à cette programmation officiel sur le festival Sakifo ?

Le Bacar : Effectivement, ce n’est pas notre première sortie de Mayotte sur une programmation officielle. En mai 2008, nous avons été invités au Tempo Festival à Saint Leu. Ce concert reste d’ailleurs notre plus grosse expérience. En outre, depuis plusieurs années nous jouons régulièrement deux à trois fois à la Réunion. Ce qui a réellement déclenché notre planification pour le Sakifo est un concert que nous avons donné en mai 2009 au 211 [bar de Saint-Leu]. Suite à ce concert, nous avons rencontré Jérôme Galabert, organisateur du festival. Il a assisté à notre représentation avec, semble-t-il, beaucoup d’intérêt. De là, tout a été relativement très vite, nous nous sommes revus à l’occasion du FIM à Mayotte deux mois plus tard, et Mr Galabert nous confirmait notre programmation pour l’édition 2010 du Sakifo.

TM : Après Lathéral (M’godro / Mayotte) qui était invité à la Fiesta de l’Océan Indien en 2009, c’est donc la première fois qu’un groupe de Mayotte est en programmation officiel sur le plus gros festival de musique de l’Océan Indien. Comment vivez-vous cela ?

Le Bacar : C’est un énorme cadeau pour nous. Et nous ne sommes pas peu fiers de cela. En arrivant de Mayotte, avec un style bien typé [leur style chanson dubby-punk] et donc n’évoluant pas dans le milieu de la world musique, c’est une véritable chance pour nous d’avoir été retenus pour participer à un tel événement. Cette programmation nous conforte également sur notre direction artistique. Notre projet a commencé il y a huit ans à Mayotte. Après avoir évolué en formation « cirquesque » [près de 10 musiciens avec section cuivre et percussions] en proposant une musique festive et dansante, nous avons depuis trois ans pris le partie de jouer une musique basée sur nos influences personnelles tout en évoquant des textes qui illustrent notre cadre de vie [Madagascar, les Comores, Mayotte]. Ce virage artistique a vraiment été initié par notre travail avec Yann Costa. Celui-ci a poussé chacun à aller dans son propre style pour cultiver nos différences. Il a su habilement mélanger le tout et nous orienter vers un ensemble artistique cohérent.

TM : A ce propos, comment c’est passé votre rencontre avec Yann Costa ?

Le Bacar : Tout à commencer il y dix ans. Jean-Marc [bassiste] jouait alors avec Les verres vides. A l’occasion de l’enregistrement de l’album « C’est la nôtre », Dennis Chattot [ancien directeur du Centre mahorais d’animation culturelle (CMAC), devenu service culturelle de Mayotte puis Dilce, et créateur du label Ngomadis] nous met en relation. Yann pensait débarquer de la Réunion pour enregistrer du m’godro ! De là est né une réelle amitié qui suit l’histoire du Bacar depuis ce jour. Tout d’abord en 2005, c’est Yann qui est aux manettes quand nous enregistrons notre premier album « Funambules » sous le label Ngomadis. Ensuite d’année en année nous avons multiplié les collaborations, notamment avec les groupe Zon & Zong de la Réunion dont Yann fait partie. Nous avons également beaucoup rencontré de personnes du milieu musical de l’île Bourbon comme Samy Waro et plein d’autres. Aujourd’hui, Yann fait partie intégrante de notre formation.

TM : Comment avez-vous préparé votre concert de ce soir ?

Le Bacar : Nous travaillons sur ce spectacle depuis près de six mois. Les trois derniers mois étaient consacrés essentiellement à l’enchaînement des morceaux et aux ajustements du jeu de scène. C’est la première fois que nous préparons un spectacle depuis si longtemps et cela nous a permis de régler les moindres détails de notre set. En outre, ce travail est un préalable à notre projet d’album que nous souhaitons proche de notre univers scénique. Depuis notre arrivée dimanche dernier, nous avons pu mettre en place une résidence de deux jours en partenariat avec le bar L’îlot à Saint-Louis, qui a aussi servi de QG [quartier général] pour d’autres formations programmées au Sakifo. Cette résidence s’est faite en collaboration avec Yann Costa pour le son et Drean, chanteuse du groupe Zong pour le jeu de scène. C’était une chance énorme de pouvoir faire ce travail avant le concert officiel et tout le matériel était disponible sur place. Nous souhaitons d’ailleurs tirer un grand coup de chapeau aux responsables de L’ilôt, Loïc et Stéphane qui sont aussi musiciens dans la formation réunionnaise Le pain de fous, qui nous accueille depuis plusieurs années avec une gentillesse et une disponibilité hors du commun. En outre, nous avons initié un partenariat avec le site internet Akout.com qui est spécialisé sur la musique réunionnaise. Leur équipe va assurer une captation vidéo du concert et une diffusion sur leur site.

« L’idée principale et de sortir du circuit de l’autoproduction auto-distribution, mais sans bousculer les étapes. Nous recherchons avant tout les meilleures conditions pour faire vivre notre musique. Quoi qu’il en soit, nous voulons aller plus loin… »

TM : Quels sont vos projets après ce festival ?

Le Bacar : En 2009, nous avons travaillé en studio pendant une dizaine de jours afin de préparer la maquette du projet « Tout va bien » que nous présentons aujourd’hui sur scène. Grâce à cette expérience au Sakifo, nous souhaitons nous développer et trouver des partenaires pour professionnaliser notre projet. Nous désirons pouvoir rencontrer les bonnes personnes qui nous permettraient d’enregistrer un album, d’en assurer la promotion, la distribution et qui pourrait nous faire bénéficier d’une structure solide pour organiser une tournée. L’idée principale et de sortir du circuit de l’autoproduction auto-distribution, mais sans bousculer les étapes. Nous recherchons avant tout les meilleures conditions pour faire vivre notre musique. Quoi qu’il en soit, nous voulons aller plus loin…

TM : Avez-vous bénéficié d’un soutien depuis Mayotte pour cet événement?

Le Bacar : Depuis le début de la formation du groupe en 2004, nous avons souvent été soutenus ou suivis par les diverses instances culturelles de Mayotte comme le service culturel de la collectivité [Dilce] ou la direction des Affaires culturelles de la Préfecture. Ceci nous a beaucoup aidés au début car à Mayotte nous sommes relativement démunis en matière de matériel et de moyens logistiques pour la diffusion musicale. Malheureusement, force est de constater que depuis deux ans, nous ne bénéficions plus d’aucune aide. Sous couvert d’une situation de restriction budgétaire, les subventions votées ne sont pas attribuées et les contrats signés avec la Dilce ne sont pas honorés. Aujourd’hui, ils doivent encore nous régler des prestations réalisées il y a plus d’un an. Au-delà de ce problème, alors que pour la première fois un groupe de Mayotte est programmé sur le plus gros festival de l’océan indien, c’est silence radio du côté des organismes concernés. Aucune communication n’a eu lieu autour de notre programmation. Nous sommes déçus de cette attitude car notre projet est né à Mayotte, nous vivons tous à Mayotte et sommes des acteurs du paysage culturel et musicale de l’île. C’est un peu l’image de l’île que nous représentons à l’occasion de ce festival et c’est très dommage de ne pas avoir été soutenus un minimum.

Propos recueillis par Thomas Bégrand