24 heures avec… Un pilote mahorais (presque) cloué au sol

Fernand Keisler, jeune pilote mahorais de la compagnie Ewa Air, profite du confinement pour réviser en vue de ses épreuves de routine. Quand il ne reprend pas les manettes pour des rapatriements, des évacuations sanitaires ou quelques vols d’entretien. 

Y a-t-il un pilote dans l’avion ? À Mayotte, tous les vols commerciaux ont été annulés depuis le début du confinement, et c’est à se demander ce que peuvent bien devenir nos pilotes de ligne. Mais dans le 101e département, des avions continuent de sillonner régulièrement le ciel. Réapprovisionnement par fret aérien, rapatriements, ou évacuations sanitaires, les deux compagnies de l’île, Air Austral et Ewa Air, ont toujours du pain sur la planche. “On le sait, Mayotte est complètement dépendante des airs, que ce soit pour le transport de personnes, comme de marchandises ou de matériel”, souligne Fernand Keisler. “Au moment où je vous parle, on vient justement de m’avertir que je devais effectuer une évacuation sanitaire demain à destination de La Réunion.” Heureusement, le jeune commandant d’Ewa Air n’a pas eu le temps de se rouiller, grâce à ces vols réguliers qu’il continue d’effectuer pour l’ARS, le CHM ou la préfecture. 

Mais malgré ces quelques virées dans les airs, le pilote confiné commence, lui aussi, à trouver le temps long. Déjà parce qu’il a quand même dû réduire son activité, au moins de moitié, depuis le 17 mars. “D’habitude, je suis engagé douze jours par mois, là je suis engagé une fois tous les sept jours, plus quelques vols non programmés comme les evasan, qui s’ajoutent à mon planning”, détaille-t-il. Ensuite, parce qu’il a déjà été mis en quatorzaine à deux reprises, après des vols de rapatriement de Madagascar, et des Comores. Enfin, parce que les activités sur le sol ferme sont devenues limitées, au grand dam de cet amoureux du lagon. “Normalement, j’aurais profité de ces moments avec ma famille pour emmener le petit à la plage, se mettre du sable plein les orteils, et nager dans le lagon”, soupire le père de famille, réduit à quelques parties de UNO ou d’Anti-Monopoly. Continuité pédagogique oblige, Fernand Keisler en profite aussi pour donner des cours de maths ou de physique à sa belle-sœur de treize ans. 

Vols de routine et révisions 

Le reste de son temps, il l’occupe à ses propres révisions, en vue d’une épreuve de simulateur. Dans dix jours, le pilote de ligne s’envolera pour Paris Charles de Gaulle, où il passera le contrôle de routine qu’il doit effectuer tous les six mois. “La moitié de mon travail se passe désormais à la maison, au niveau intellectuel. Je dois réviser les règles de transport, les procédures d’urgence”, décrit Fernand Keisler. “Quand je serai dans le simulateur, je serai confronté à des situations graves, comme la perte d’un moteur au décollage, un décrochage, une dépressurisation, un feu… On teste notre capacité à réagir.” Grâce à une documentation réactualisée tous les mois ou toutes les deux semaines sur un iPad fourni par sa compagnie, l’as des manettes peut donc continuer à se préparer pour ses ECP, ses entraînements en contrôle périodique, malgré le confinement. Et contrairement à d’autres pilotes cloués au sol, lui a la chance de ne pas perdre en compétences techniques grâce aux vols qu’il continue d’effectuer. “Sinon, si on ne pilote pas pendant 90 jours, il faut refaire une formation, soit avec un instructeur, soit par simulateur”, explique-t-il. 

De son côté, en plus de ses vols effectués pour les besoins de l’île, Fernand Keisler est aussi amené à reprendre l’uniforme pour les vols d’entretien d’Ewa Air. La compagnie a fait le choix de ne pas mettre ses aéronefs en arrêt complet. “Les avions ne peuvent pas rester trop longtemps au sol sans voler, sinon cela prend plus de temps après pour les faire redécoller”, développe-t-il. Résultat, les deux ATR (avions de transport régional) de la compagnie mahoraise s’envolent encore au moins une 

fois tous les 20 jours, pour des vols d’une trentaine de minutes. “La semaine dernière, j’ai ainsi pu survoler le lagon, on est allé jusqu’à l’îlot de sable blanc, puis demi-tour, juste un petit vol de 35 minutes”, déroule le pilote, déjà nostalgique. Comme tout le monde, Fernand Keisler attend avec impatience le jour du déconfinement. Plus que prêt pour le décollage.

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