Plus que le rythme du confinement, le Petit-Terrien vit selon celui de la terre. Car les cultures, elles, continuent de pousser et nombreuses sont, chaque semaine, les livraisons qu’il doit assurer auprès de la grande distribution ou des restaurateurs. Pour Saïd Vitta, pas le choix : pour maintenir ses revenus, il faut maintenir sa production.
Il vit au rythme de la terre. De ses terres. Depuis désormais 43 jours, Saïd Vitta ne connaît ni télétravail ni chômage partiel. Confinement ou pas, les journées de l’agriculteur de Labattoir restent bien rodées, et surtout, bien remplies. « C’est un métier où on ne peut pas prendre congé », souffle le Mahorais sans employé. Il est trois heures du matin lorsque son réveil sonne. À peine le pied posé au sol, l’homme de 67 ans rejoint ses parcelles de cultures en tous genres. Il ne les quittera qu’à la nuit tombée, après plus de 16 heures de travail. Mais pour l’heure, le jour n’est pas encore levé.
À raison de 10 000 mètres carrés cultivés, le labeur qui l’attend est d’ampleur. Dans la malavoune de la Petite-Terre, Saïd Vitta fait pousser à l’année une douzaine d’espèces : noix de coco, citron, chou chinois, basilic, papaye, mangue… Il n’a pas une minute à perdre s’il veut assurer ses livraisons bihebdomadaires auprès des restaurateurs restés ouverts ou de l’enseigne Score, à quelques kilomètres de là. « Je ne sors plus que pour ça », promet le maraîcher. Pour ça, oui, mais aussi pour confier les produits fraîchement récoltés aux mamas ou aux cocos des environs, qui, dans la plus grande discrétion, se chargeront de nettoyer les concombres parfois recouverts de pollen, et de constituer les petites bottes d’aromates avant leur mise en rayon.
Alors que la saison des pluies touche à sa fin, les premières heures du jour sont consacrées à l’arrosage des parcelles. Si l’artisan est récemment passé à l’irrigation automatisée, les canalisations et les pompes installées là doivent toutefois être fréquemment entretenues, et les puits nettoyés. Des tâches que le maraîcher assure seul. Comme toutes celles qui suivront dans la journée. Puis, il empoigne son motoculteur pour labourer le sol pendant plusieurs heures. Une fois la terre tournée, il dégage ses « planches », autrement dit, les lignes de terre cultivées, intercalées de petits chemins qu’il faudra régulièrement désherber. Déjà depuis longtemps, le soleil a quitté son zénith.
« Il faut vivre avec la terre », résume l’agriculteur. « On doit être opérationnel toutes les heures, tous les jours, tous les mois. » Et surtout, il faut multiplier les savoir-faire, puisqu’entre deux labours, l’homme rafistole ses petites serres artisanales, qui lui permettent notamment de produire 150 bottes de salades par semaine, ensuite vendues sur les étaux de la grande distribution. « En ce moment, il y a moins de choix dans les rayons, alors Score me demande parfois de livrer un peu plus », commente Saïd Vitta pendant que sonne son téléphone pour une énième commande de mafana. Ces temps-ci, « On m’appelle cinq, six ou même sept fois par jour pour le mafana ! » Une manne financière importante, puisque les récoltes, elles, ne connaissent pas de chômage partiel. « Le confinement ? Pour moi, ça ne change pas grand-chose », résume le Petit-Terrien, qui cite toutefois l’arrêt de ses livraisons sur l’île principale.
Et le confinement n’empêche pas non plus le musada, ou l’entraide. Chaque week-end, son neveu et d’autres proches bravent les restrictions de déplacement pour venir lui prêter main-forte en échange d’un peu de manioc et des rares invendus qui lui restent parfois. Une solidarité qui, bien qu’interdite en ces temps de crise sanitaire, lui permet de maintenir son activité.
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