A la fois président de la Chambre régionale des comptes de la Réunion et de la Chambre territoriale des comptes de Mayotte, le magistrat Jacques Brana, également conseiller référendaire à la Cour des comptes, a bien voulu nous accorder un entretien exclusif sur l'avis de contrôle budgétaire de la CDM rendu le 30 septembre. Extraits.
Flash Infos : C'est peut-être aussi un problème d'organisation. Votre rapport souligne que le dispositif de délégation de signatures doit aussi être à revoir puisque certains agents peuvent engager des crédits sans en avoir vraiment le droit…
Jacques Brana : Dans une organisation "orthodoxe" et rationalisée, ceux qui ont la capacité d'émettre des bons de commande sont parfaitement identifiés et peu nombreux. Ils doivent déposer leur signature et ont à leur disposition un carnet. Tout le monde n'est pas détenteur de cette signature pour engager la collectivité, comme c'est le cas dans une entreprise privée. Il semblerait qu'à la CDM il y ait pléthore de donneurs d'ordre sans qu'on puisse bien les identifier. Il y a trop de personnes qui ont été autorisées – ou qui se sont autorisées – à émettre des bons de commande parce qu'ils ont pu avoir accès au carnet. Il n'y a pas de contrôle de leur signature ou de leur qualité. Et après, les factures arrivent et il faut bien les payer. On n'a pas pu avoir un dispositif qui permette de savoir qui est autorisé à faire quoi. Je suppose que ce dispositif sera revu par la Collectivité. Il faut un système de délégation de signature très précis pour savoir qui a le droit d'engager la Collectivité. Le plus embêtant, c'est qu'on s'est aperçu à cette occasion qu'il n'y a pas véritablement de comptabilité d'engagement pour les dépenses constatées. Par exemple, il n'y a pas la séquence et le suivi de l'émission des bons de commande. Il y a toujours un retard entre l'émission de la commande et la réception de la facture : il faut donc savoir combien de crédits ont été engagés par autant de bons de commande. La CDM ne serait pas dotée d'un système de comptabilité d'engagement suffisamment fiable qui permette de recenser tous les engagements réels qui ont été effectués parce que quand on ne connaît pas tous les donneurs d'ordre – les signataires – il y a des carnets de bon de commande qui peuvent se promener un peu partout… Je l'ignore, c'est une hypothèse : comme ce n'est pas centralisé, on ne peut pas savoir.
FI : Vous évoquez dans votre rapport le train de vie de la CDM et préconisez sa "réduction drastique". Par quoi cela doit-il passer ?
J.B : On peut faire des économies sur tout, dans tous les secteurs… Il faut peut-être limiter les voitures de fonction, les téléphones portables et les voyages en première classe. C'est déjà exemplaire par rapport à la population et ce sont des dépenses somptuaires par apport à un programme de rigueur. Il faut aussi modifier la politique d'embauche des personnels. Ce sont bien sûr des suggestions. Il faut aller vers une politique de rigueur sur une certaine période qui est incontournable : on ne peut pas penser qu'un déficit comme ça s'épongera tout seul.
Retrouvez l'intégralité de cet entretien dans le Mayotte Hebdo de ce vendredi.
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