22/02/2008 – Enseignement supérieur – L’université de Mayotte en 2010 ?

Conscient des difficultés rencontrées par nos étudiants en Métropole et du taux de réussite dix fois supérieur enregistré par l'IFM, le conseil général a choisi de faire de ce Puma une priorité et commandé un rapport sur sa création à François Marzat, ancien directeur du Greta. Son constat est simple : Mayotte possède tous les ingrédients nécessaires à la création d'une université. Il nous compare à la Guyane, proche de nous par sa population et qui affiche le même effectif que nous en collèges et lycées : elle a sa propre université depuis longtemps, de même que la Nouvelle Calédonie et la Polynésie qui ont ouvert des facs avec 1.500 étudiants au départ. La croissance démographique de Mayotte étant plus forte, on peut envisager un effectif de 3 à 4.000 étudiants d'ici 15 ans, la plus grosse université de l'Outremer serait alors celle de Mayotte.
 

Sciences du langage, Islam et biodiversité

Pour M. Marzat, la future université ne doit surtout pas se cantonner aux formations de base (licence), mais développer également des formations longues pour attirer les chercheurs, essentiels à la vie d'un pôle universitaire. Lettres, sciences humaines, mathématiques, sciences de la vie… une bonne partie des formations de licences sont déjà présentes via l'IFM ou le Cefsm, à l'exception des filières langues, type LEA, à rajouter. Il faut bien sûr réfléchir aussi en terme de débouchés sur l'île et envisager la création d'un IUT en continuité des sections STI, sciences et techniques de l'ingénieur. Pour des filières plus spécifiques, l'auteur du rapport préconise la création d'un vaste centre de recherches sur l'Islam. La spécificité de Mayotte, à 98% musulmane, qui fonctionne en partie sur le droit cadial, doit être exploitée en excluant bien entendu le côté théologique. Ce centre pourrait trouver des partenaires comme l'Institut du monde arabe à Paris.

Autres filières essentielles, celle des sciences du langage, déjà en partie existante au Cefsm de la licence au master, avec continuité à l'université de Rouen. Elle abrite un programme de recherche intitulé "Plurilinguisme et aménagement linguistique à Mayotte" qui réfléchit sur la place des langues, sur le rapport à l'écrit dans le contexte de l'échec scolaire. Le professeur Fouad Laroussi était dans l'île la semaine dernière. Ce centre de recherches a donné lieu à la soutenance d'une thèse en 2007, deux autres très prometteuses sont en préparation.
Enfin, les filières biodiversité et énergies renouvelables sont porteuses de développement et d'emplois pour l'avenir. Elles existent dans toutes les universités d'Outremer. La DEDD emploie d'ailleurs un thésard sur les énergies renouvelables, Ibrahim Bahedja, de même qu'un docteur et un doctorant en biologie marine, Mme Dhahabia Chanfi et Jérémy Kiszka.

 

La CDM, premier soutien des chercheurs

"L'écueil à éviter est la création d'une sous-université", avertit le rapport qui donne justement des pistes pour éviter ce danger. Le Puma doit profiter de l'expérience des autres universités d'Outremer, faire appel à la Réunion, qui dispose d'un responsable des constructions universitaires et diversifier ses financements. Quoi qu'il en soit, l'animal est attendu. Aujourd'hui plus de 50% des étudiants préféreraient suivre leurs études chez eux, mais le Cefsm s'est vu contraint d'en refuser 200 cette année, faute de place.
Autre doctorant employé par le conseil général, à la DSDS cette fois, Maoulana Andjilani propose lui des pistes à mettre en place dès maintenant pour l'amélioration des conditions de recherches à Mayotte. Il revient sur l'importance de mettre en valeur les deux atouts spécifiques de l'île : sa biodiversité exceptionnelle et ses spécificités culturelles-linguistiques-historiques.
"Le soutien financier de la CDM est exceptionnel par rapport aux autre régions", précise le jeune docteur en ingénierie médicale. Depuis 2003 elle finance 10 thèses de doctorat par an en moyenne, 15 en 2007. Le conseil général a également octroyé 51 bourses de master de recherche. "L'augmentation du nombre de chercheurs doit avoir des retombées sur le développement économique et social de Mayotte". Un avis partagé par le président du conseil général, très attentif lors de cette présentation de rapports.
Pour une meilleure structuration de la recherche, le rapport de Maoulana Andjilani propose aussi la mise en place d'un comité de pilotage pluridisciplinaire qui permettra de travailler en réseau et de coordonner les chercheurs. Gros manque pour les thésards : la documentation, c'est pourquoi il propose la création d'une maison de la recherche, qui regrouperait tous les travaux effectués sur Mayotte, donnant ainsi une base aux nouveaux chercheurs.

 

Effet d'annonce ou réel projet ?

Le comité de pilotage, associé aux élus, aurait à définir les thématiques de recherches prioritaires pour l'île et à valoriser le travail à l'extérieur, l'intégrer aux groupes de recherches régionaux. Jusqu'il y a peu, les pays voisins ne soupçonnaient pas l'existence de chercheurs à Mayotte. Notre image est en train de changer et nous collaborons maintenant aux colloques régionaux sur des sujets divers.
Effet d'annonce de campagne électorale ou réelle volonté politique ? Le pôle universitaire semble pour l'instant passionner nos élus, le président en tête, qui annonce avoir transmis ce rapport à la ministre de l'Enseignement supérieur, seule capable de décider de sa création. Il rappelle qu'université signifierait création de l'académie de Mayotte, donc d'un rectorat et d'un IUFM intégré… La CDM dépense chaque année 10 millions d'euros dans l'enseignement supérieur, si l'Etat lui emboitait le pas, le Puma sortirait de terre… d'ici deux ans ?

Hélène Ferkatadji

Sur la photo
Les docteurs et doctorants de Mayotte employés par le conseil général commencent à être nombreux. Parmi eux on trouve Dhahabia Chanfi, docteur en biologie marine qui travaille au service patrimoine naturel de la DEDD; Saïd Hachim, doctorant sur les risques naturels; Jérémy Kiszka, doctorant en biologie marine sur les grands prédateurs marins, chargé de mission à la DEDD; Ibrahim Bahedja, doctorant en géographie, qui fait une thèse sur les énergies renouvelables et travaille à la DEDD; Houlam Haladi, directeur du Cefsm et chercheur en sciences du langage.

 

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