20/02/2009 – Editorial

 

{xtypo_dropcap}I{/xtypo_dropcap}l suffirait que les aides données par millions d'euros à l'agriculture aient servi à la production pour que des serres aient poussé sur l'île, nous arrosant quotidiennement de légumes frais, à bon prix, enrichissant les agriculteurs, les salariés, les revendeurs… Mais il n'y a pas eu de contrôle. Il n'y a pas eu de réflexion sérieuse sur la main d'œuvre agricole, malgré les appels à l'aide, les cris de colère des agriculteurs, les propositions des syndicats agricoles, des divers responsables.

Il n'y a toujours pas de marché pour vendre ces produits, pour rapprocher les clients des producteurs, faciliter la commercialisation. Sinon des femmes abandonnées sur des cartons ou de vieilles palettes sur le bord de routes boueuses ou poussiéreuses, suivant la saison. Sans parler de la verrue qui ser(vai)t de marché, ce bidonville défigurant le front de mer de Mamoudzou. Faisant payer à des vendeurs des "stands" indignes, longtemps sans eau, sans électricité, sans nettoyage. Chacun croupissant dans sa situation, sans que rien ne bouge.

Alors les prix chers, oui ! Nous connaissons. Mais il y a des choses à faire pour lutter contre ça. Il y a des décisions politiques à prendre, des activités économiques à développer, des métiers à valoriser, des conditions de travail à améliorer, des salaires décents à accorder. Et pour chacun, des efforts à faire, peut-être, pour acheter les produits locaux. Car il y a des yaourts produits localement, il y a aussi des glaces, des boissons diverses…

Et si les consommateurs les plébiscitaient, il pourrait y avoir de délicieuses confitures, mais les pots de confiture vides sont taxés à 41% à l'entrée sur le territoire, alors que les confitures importées sont à peine taxées. Il pourrait y avoir des jus de fruits frais, chacun aurait du plaisir à les boire, mais aussi son stock de vitamines, de la force pour mieux travailler…

Il pourrait y avoir des œufs pas chers, des projets ont été lancés, mais beaucoup ont abandonné, l'argent public a été gaspillé. A qui la faute ?! On pourrait manger de la viande locale, mais aussi de la volaille. Il faut pour cela un investissement lourd, plus question de faire du magnégné ou de l'extensif sur un territoire exigu. C'est la quantité qui fera baisser les prix de revient. Il faut surtout des gens pour porter ces projets, mais aussi ensuite pour travailler, tous les jours, et c'est souvent là que le bât blesse. On pourrait aussi avoir du lait, des fruits frais, délicieux, à profusion. On a un climat largement favorable. L'aquaculture pourrait se développer et offrir ses productions dans des poissonneries et plus dans des brouettes.

Et ainsi de suite sur de nombreux produits, sur de nombreux services que nous pourrions trouver ici plutôt que de faire appel à l'extérieur sans arrêt, à prix cher, pour des études, des formations, des plans, des agendas, des réflexions… Mayotte recèle de compétences, de plus en plus. Il faut les valoriser, leur permettre de s'épanouir, se mettre au service d'une administration ou d'une entreprise. Il faut inciter certaines compétences à venir s'installer dans l'île, à revenir après les études. Il faut mobiliser des investisseurs.

Il faut pour tout cela réduire à néant la concurrence déloyale dans de nombreux secteurs de l'économie parallèle, dans le BTP et l'agriculture notamment, afin que les entreprises se développent et puissent ainsi améliorer leur productivité, embaucher, proposer de nouveaux services, de nouvelles compétences. Le développement de l'île permettra dans de nombreux secteurs à la concurrence de s'installer, afin que les prix baissent, que la qualité des produits et des services augmente.

La crise qui secoue l'Outremer a de nombreuses causes, mais au moins sur ce plan du développement économique et social, sur les prix, il ne tient qu'à chacun de nous que la situation évolue positivement. Au lieu d'attendre que la crise nous gagne, que le chômage ronge les jeunes, que des manifestations éclatent, plutôt que de pleurer sur son sort sans rien faire, il faut produire et consommer des produits locaux, chaque fois que possible.

 

Laurent Canavate

Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.

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