Beaucoup de Mahorais se sont réveillés lundi matin les pieds dans l’eau, les uns se sont retrouvés bloqués dans des embouteillages, sur des routes coupées par des glissements de terrain, et d’autres ont dû trouver refuge chez des voisins au sec. Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur Mayotte ont été exceptionnelles par leur intensité : elles ont causé d’innombrables inondations et glissements de terrain un peu partout sur l’île, mais aucune victime n’est à déplorer.
Deux jours après cet épisode orageux, une centaine d’agents de la DE était toujours à pied d’œuvre pour déblayer les voies de circulation, obstruées par des glissements de terrains, des coulées de boue et des arbres en travers de la route. « Cette montée des eaux est exceptionnelle », souligne Didier Jan, responsable des infrastructures à la DE, « il est tombé en un jour autant qu’en un mois de pluies de décembre ».
Météo France a enregistré des cumuls records de précipitations : »Ce cumul est le plus élevé depuis 1949, c’est-à-dire depuis les premiers relevés effectués à la création de la station de Pamandzi », a constaté Noël Carton, délégué de Météo France à Mayotte. « La dépression ne faisait que 1009 hectopascals, il n’y avait pas vent mais des masses convectives, très actives dans la nuit de dimanche à lundi, se sont développées juste au-dessus de Mayotte. Si elles s’étaient formées à 50 km des côtes, on aurait presque rien eu. Les convections sont comme des bulles qui explosent par endroit. Elles se sont évacuées vers l’Ouest, mais il y a toujours une instabilité météorologique dans la région ».
Aéroport fermé et barges suspendues
Au SIDPC (Service interministériel de défense et de protection civile), un service de la préfecture qui met en relation tous les services de l’Etat, comme la Daf, la DE, la Dass, les militaires, la gendarmerie et la police, une mini-cellule de crise s’est tenue pour lancer une alerte dès samedi soir. « Dans la nuit de lundi à mardi, un pré-dispositif d’hébergement dans les écoles a été mis en place avec les maires pour parer à toute éventualité », explique Emmanuel Bafour, le chef du SIDPC. Finalement, l’alerte a été levée mardi en fin d’après-midi.
Les transports aériens et maritimes ont également été touchés : la barge a arrêté ses rotations pendant une heure lundi matin et l’aéroport est resté fermé toute la journée. Tous les vols ont été annulés et des avions supplémentaires ont été affrétés le lendemain et le surlendemain pour un retour rapide à la normale. La Dass a envoyé un communiqué pour rappeler que l’eau du robinet doit être bouillie pendant au moins 48 heures après de fortes pluies car l’alimentation en eau est perturbée et expose la population à.des risques sanitaires tels que gastro-entérites, typhoïde ou hépatite A.
En 48 heures, les sapeurs-pompiers ont reçu plus de 300 appels pour effectuer des évacuations et mettre en sécurité les populations les plus fragiles. Ils sont également intervenus aux urgences du CHM pour pomper l’eau qui s’y était engouffrée et qui menaçait d’arriver au niveau des transformateurs électriques. « On devait déménager vers les nouvelles urgences, mais les entreprises n’ont pas pu venir. Il y a eu un peu d’eau, ce qui nous a obligé à reporter le déménagement et nous installer jeudi au lieu de mercredi », indique Véronique Mousillat, directrice par intérim du CHM. Les pompiers ont également aidé la DE à déblayer la chaussée en évacuant la boue grâce à leurs lances à incendie.
Des tonnes de boues et de déchets dans le lagon
Les dégâts les plus importants se sont situés sur la RN2 à Ironi-Bé, dans le virage de la Guinguette, où un gros glissement de terrain sur 100 mètres de long a empêché la circulation vers le Sud jusqu’en milieu d’après-midi. Le pont dans le virage d’Hajangua a également été très gravement touché : la montée des eaux a provoqué le déplacement d’un mur extérieur de 5 mètres de haut qui a chuté de 2 mètres et s’est déplacé de 10 mètres vers l’aval, emportant avec lui le radier. Le pont est toujours praticable mais la DE doit encore effectuer des réparations d’urgence : « Nous sommes en train d’étudier la technique à employer car il y a un risque d’affouillement de l’ouvrage, qui peut s’effondrer à cause d’un trou en-dessous », explique M. Jan.
Le Nord a également beaucoup souffert, entre Majicavo et Longoni, où 20 agents de la DE ont passé plusieurs jours à déblayer branches, pierres et boue. En Petite Terre, les agents de la DE ont travaillé jusqu’à 20h lundi soir pour rétablir les voies de circulation. Mercredi, la route menant vers la plage de Moya était la seule à être encore coupée.
Ces fortes pluies se sont abattues dans un contexte où des records de pluviométrie avaient déjà été atteints, avant même lundi. Du 1er octobre au 13 décembre, le cumul des précipitations était déjà un record pour de nombreuses stations : 501 mm à Bandrélé contre 345 mm en 1986 (au moment de la création de la station), 749 mm à Dembéni contre 346 mm en 2004, et 511 mm à Pamandzi, contre 459 mm en 1978. Le kashkazi cette année s’annonce particulièrement pluvieux, ce qui ne va pas arranger la qualité de la chaussée, encore plus dans les rues des agglomérations où ce sont les communes qui ont la charge d’effectuer le déblaiement.
Ces tonnes de boues et de déchets divers qui se sont rués dans les rues, ont terminé leur course dans le lagon.
Julien Perrot
L’équipe municipale de Mamoudzou s’avoue quasiment impuissante
Mardi matin, une délégation composée d’adjoints au maire de Mamoudzou, de conseillers municipaux et d’une partie de l’équipe administrative de la commune s’est déplacée dans les rues de la commune pour évaluer les dégâts causés par les fortes pluies de lundi et recueillir les plaintes des administrés sinistrés. La commune de Mamoudzou est celle qui a été le plus touchée par ces pluies diluviennes, qui ce soit à Kawéni, M’gombani, Cavani, M’sapéré, Passamaïnty, Tsoundzou ou Vahibé.
La délégation a d’abord fait une halte aux chambres d’hôtes de Dougal Bond dans le quartier Bandrani de Kawéni, qui a accueilli lundi matin plus de 70 personnes, enfants et mères allaitantes, qui résidaient dans le quartier. En réponse aux remerciements du conseil municipal, Sophie, la compagne de M. Bond, a déclaré : « on ne l’a pas fait pour la reconnaissance, on l’a fait pour les gens ». Les terrains autour de la maison étaient tous inondés et le couple a offert gîte et couvert aux sinistrés. « Sur la colline de Kawéni, la déforestation a créé des nouvelles ravines et des nouvelles rivières ont déferlé sur la route et dans les cases », a constaté Sophie.
La délégation s’est ensuite rendue dans le quartier de Lazérévouni où les dégâts sur la voirie, pourtant récente, sont très importants. « C’est comme après une nuit de bombardements ! », s’est exclamé Moutuidine Yahaya, l’adjoint au maire chargé de l’aménagement, « nous avons voulu montrer à la population qu’on va les accompagner, même si la commune a très peu de moyens. » Le déblaiement des rues et des édifices publics, comme l’école de Kawéni recouverte de boue, ainsi que les trottoirs et les caniveaux le long des routes, doit normalement être assuré par les communes, mais M. Yahaya a reconnu que « pour cette année, le budget est épuisé ».
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