Mardi soir dans la villa de Kani-Kéli du conseiller général, tout ce que Mayotte compte de décideurs politiques et administratifs, ainsi que les 14 membres de la délégation comorienne et ceux de la délégation française composée de hautes personnalités de l'Etat proches du Président de la République Nicolas Sarkozy et des différents ministères se sont rencontrés en vue du 3e round du GTHN qui se réunit pour la première fois à Mayotte, après Paris (le 4 juin) et Moroni (les 10 et 11 juillet). Sous les nombreux drapeaux français et européens, les membres des deux délégations, les élus mahorais et les plus hauts représentants de l'administration française ont rompu le jeûne ensemble, avant d'écouter les discours d'Ahamed Attoumani Douchina le président du conseil général, et de Mohammed Soihili ambassadeur plénipotentiaire et chef de la délégation comorienne.
"Mayotte est une terre de paix où la population est attachée à sa liberté et à sa sécurité", a déclaré M. Douchina, qui a rappelé que la Collectivité est engagée dans une dynamique de coopération régionale avec tous ses voisins. "Ces négociations s'engagent dans un climat un peu particulier", a commencé M. Douchina, faisant allusion à la récente mise à l'ordre du jour de la question de Mayotte une nouvelle fois à l'assemblée générale des Nations-Unies qui s'est ouverte ce mercredi.
"Je voudrais rappeler à nos frères de l'Union des Comores que Mayotte a fait son choix en 1975 et qu'elle aimerait que l'Union des Comores respecte ce choix", ajoutant encore, pour être plus explicite : "Nous voudrions vous dire que nous tendons notre main, mais à une condition : que le choix de 1975 soit respecté. Les négociations doivent se faire sans l'arrière-pensée de récupérer Mayotte. Les Mahorais ne sont pas des marchandises, quelque chose que l'on peut négocier sans leur demander leur avis".
M. Douchina s'est dit prêt à discuter et voir dans quelles conditions l'Union des Comores et Mayotte pourront tirer profit de ces futurs échanges économiques et culturels, mais il a tenu à préciser à la délégation comorienne que "les élus de Mayotte ne trahiront jamais leur engagement pour la cause mahoraise, à savoir la marche vers la départementalisation. Si nous sentons une arrière-pensée chez nos amis comoriens, nous arrêterons les négociations et nous partirons", a-t-il menacé. S'excusant pour ce "langage assez rude et brutal, mais sincère", le président du CG a appelé les Comoriens à "dépasser ce petit conflit pour le bien de nos populations", espérant des "résultats concrets dans cette démarche entamée le 4 juin dernier à Paris".
M. Douchina a également fait allusion au fait qu'un élu comorien a récemment refusé de descendre de son avion à l'aéroport de Dzaoudzi pour se plier à un contrôle d'identité, considérant que Mayotte faisait partie de l'Etat comorien. "Jamais, nous, nous n'enfreindrons les lois qui sont les vôtres", a tenu à souligner le président du conseil général, rappelant "l'angoisse de la population mahoraise" au lendemain de l'inscription de Mayotte à l'ordre du jour des discussions à l'assemblée générale des Nations-Unies.
Le chef de la délégation comorienne Mohammed Soihili surnommé "Lamartine" (qui par ailleurs a été dans le même lycée que M. Douchina) a ensuite pris la parole pour déclarer que "nous sommes venus ici pour apporter le salut à nos frères et sœurs", rappelant que cette politique de rapprochement entre les deux pays a été initiée en 2007 par les présidents Sambi et Sarkozy.
"Comme l'Europe, nous devons tenir compte de l'Histoire : bien des nations ont été divisées ou en guerre puis se sont retrouvées", a-t-il rappelé, affirmant que la délégation venait avec "un message de paix pour redonner à l'Histoire une autre force, pour lever les barrières de l'Histoire par des hommes qui veulent la compréhension et l'entente".
Les négociations entre les deux groupes de tête des délégations et les sous-groupes "circulation des personnes et des biens" et "coopération régionale" se sont terminées ce jeudi soir.

Julien Perrot