19/02/2009 – Production locale : La perle de Mayotte a un avenir

 

 

 

{xtypo_dropcap}O{/xtypo_dropcap}n connait partout dans le monde la perle de Tahiti, on ne connait pas la demi perle, ou mabé, de Mayotte. Pas encore. Depuis 5 ans un homme y travaille et de petites expérimentations en petites expérimentations, Thierry Laceppe s'apprête aujourd'hui à implanter 2.000 coquillages issus de l'élevage pour une première grosse récolte début 2010. Beaucoup plus modeste, la récolte qui vient d'être faite, de 60 coquillages avec 40 demi-perles, est déjà un bel encouragement qui pourra être admiré par tous au Salon de l'agriculture grâce à la délégation de la Capam qui emporte avec elle les cinq plus beaux spécimens.

"L'an dernier déjà j'avais exposé des objets d'artisanat en nacre, ça avait bien marché, les gens s'étaient intéressés au projet", remarque le perliculteur qui a commencé ostréiculteur en Charente, a tout appris de la perle en Polynésie avant d'atterrir à Mayotte et de se battre depuis cinq ans pour y lancer la culture du mabé, dont le coquillage est présent naturellement dans le lagon.

Après une petite expérimentation avec le GSMA, puis une autre avec le conseil général qui lui fournit une aide pour son matériel, Thierry s'installe avec Aquamay à Hajangua et bénéficie du budget voué au projet de diversification de l'aquaculture de la Capam, abandonné depuis. Aujourd'hui il fonctionne en autofinancement. Les coquillages lui sont fournis depuis le début par Mayotte Aquaculture qui en retrouve fréquemment dans ses filets, et avec l'appui de la Capam il a acquis l'an dernier une concession maritime à Hajangua.

Mauvaise politique et ralentissements

Thierry s'occupe lui-même de la transformation de son produit en objets d'artisanat et de leur vente. Tortues, hippocampes, fleurs d'ylang en nacre, avec ou sans demi-perles, il expose parfois ses produits à Sakouli mais n'a pas le temps d'écumer les marchés. "Je ne suis pas un artiste, même si je connais quelques techniques que j'ai apprises au contact des artisans polynésiens. Je n'ai pas encore trouvé quelqu'un à mettre sur la transformation artisanale, pas uniquement pour des raisons financières, aussi pour des raisons techniques, je ne connais personne de qualifié pour cela ici."

Même problème pour la vente, qui n'est pas son domaine et qu'il aimerait pouvoir un jour confier à quelqu'un de compétent, qui irai tenir des stands sur les différents marchés artisanaux.

En attendant d'avoir une activité suffisamment rentable pour embaucher, Thierry travaille dur sur la culture elle-même. Il a commencé à implanter ses 2.000 spécimens, ceux-là issus de l'élevage grâce au concours du propriétaire du snack "Sous le vent" à Sakouli qui lui prête ses locaux pour travailler. Si le rendement atteint les 75% réalisés sur la récolte qu'il vient de faire, la culture du mabé prendra une autre ampleur. L'entreprise deviendra suffisamment rentable pour que Thierry embauche une personne pour le décharger.

Un regret toutefois au sujet de cette future récolte : les choses auraient pu aller beaucoup plus vite. "Début 2008 il y a eu une grosse activité, mes 2.000 coquillages étaient prêts à être implantés et il y a eu des ralentissements. Je n'ai rien perdu mais j'aurai pu récolter en juillet au lieu d'attendre début 2010", déplore Thierry dont l'activité a souffert du changement de direction, et donc de politique, à Aquamay, ainsi que d'une étude de l'Ifremer qui a aspiré tout le budget pour pas grand-chose.

{xtypo_quote}A Tahiti ils ont commencé en 1913, également par la demi-perle{/xtypo_quote}

"Ils devaient nous réunir des informations sur la culture du mabé, ils nous ont refilé une bibliographie énorme avec tout et n'importe quoi, dont une grande partie était en thaïlandais. Beaucoup d'études sur le sujet ayant été réalisées par la Thaïlande, seulement nous n'avions pas la traduction ! En plus, 90% de leur documentation donnait des informations sur l'écloserie alors que nous voulions faire du collectage naturel. Au final ce travail a couté 12.000€ pour pas grand-chose…"

Pour l'avenir, Thierry aimerait que ses produits puissent avoir plus de visibilité, que les gens d'ici connaissent la perle de Mayotte avant qu'elle ne soit connue à l'extérieur. Même si la perliculture n'en est qu'à ses débuts dans l'île, il est persuadé du potentiel du projet. "A Tahiti ils ont commencé en 1913, également par la demi-perle, ensuite ils sont passés à la perle et aujourd'hui c'est mondialement connu. Il y a encore des années de travail et de réinvestissement pour arriver à une véritable activité."

Une réflexion sur le sujet avec la Capam leur a permis d'estimer qu'il est possible d'arriver, à court ou moyen terme, à dix emplois permanents. En attendant ces jours meilleurs Thierry poursuit seul, avec quelques appuis administratifs et affinitaires à sa disposition.

 

Hélène Ferkatadji

 


 

La demi-perle n'est pas un sous-produit

Pourquoi des demi et non des perles ? Parce qu'il faut savoir commencer modestement. Et parce que le mabé, bien que demi, fait partie de la famille des perles. "En Polynésie, dans le petit royaume du Tonga, une société japonaise investit énormément pour la culture du mabé, nous dit Thierry. Les îles Fidji le cultivent également et bénéficient de gros investissements extérieurs pour ça. Cette demi-perle est valorisée dans de nombreux endroits du monde. A Mayotte elle existe naturellement et la nacre a une couleur spécifique, Mayotte est petite mais elle a sa perle, c'est une chance."

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