18/12/2009 – Colloque sur la départementalisation

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{xtypo_dropcap}"L{/xtypo_dropcap}e temps est à l’engagement pour réussir la départementalisation qui est une chance pour Mayotte", a déclaré en clôture des travaux Olivier Gohin, professeur à l’université Panthéon-Assas Paris II et rapporteur de ce colloque. "L’identité législative ne signifie pas l’uniformité, il y a des marges considérables d’adaptation. Les adaptations et les dérogations doivent être celles formulées par la population et relayées par les élus avec l’Etat qui prend la décision sur la législation ou la réglementation", a-t-il ajouté.

"Il y a un malentendu ancien entre Mayotte et l'Etat français, qui a tout fait pour retarder la départementalisation de la Collectivité depuis 1976. Elle n'est pas "mouhakaka" car cette départementalisation progressive et adaptée, concertée avec les élus locaux, n'est pas celle brutale de 1946, elle-même progressive fortement et peu adaptée".

La loi organique du 3 août 2009 a finalement donné raison aux Mahorais, à contre-courant de la conception historique de la décolonisation portée par les organisations politiques internationales. Au niveau européen, même si Mayotte n'est pas énumérée dans la liste des Régions ultrapériphériques (Rup) du Traité de Lisbonne, ce dernier lui permet d'utiliser la clause-passerelle pour qu'elle le devienne sans passer par la ratification de tous les Etats membres, à condition toutefois d'avoir l'unanimité au Conseil de l'UE et que le droit applicable à Mayotte ait intégré tout l'acquis communautaire.

Tout comme le droit national, dont les adaptations et les dérogations sont prévues aux alinéas 2 et 3 de l'article 73 de la Constitution, le droit de l'UE pourra être adapté dans le cadre de la négociation du Posei (Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité) de Mayotte.

 

"La départementalisation, vous la vouliez, vous allez l’avoir, il faut donc que vous vous l’appropriez pour la réussir"

 

Faisant référence à la fin de la justice cadiale, de la polygamie et des inégalités successorales et matrimoniales entre les hommes et les femmes, M. Gohin a rendu hommage à l'ancien député Mansour Kamardine "pour avoir vidé le statut personnel de ce qu'il avait de contraire à l'ordre public et aux principes républicains".

Concernant la justice, la création d'un tribunal de police et de juges de proximité font partie des propositions que le gouvernement devra retenir. Le colloque a également abordé les questions de l'instauration de la TVA, de la fiscalité locale, des aides sociales, du logement social, de la protection de l'enfance, de la coopération régionale, mais l'immigration clandestine venant d'Anjouan est une question qui a malheureusement été très peu abordée.

A partir d'avril 2011, le principe d'identité législative avec les 6 domaines d'exception (fiscalité, urbanisme, protection et action sociale, droit du travail et syndical, entrée et séjour des étrangers, finances communales) en vigueur depuis le 1er janvier 2008 deviendra l'identité législative, sous réserve d'adaptations et/ou de dérogation dans le droit communal, départemental et régional dans le respect des lois et de la Constitution.

"La départementalisation, vous la vouliez, vous allez l’avoir, il faut donc que vous vous l’appropriez pour la réussir. Tout ne sera pas possible tout de suite et il faudra élaborer les adaptations qui seront nécessaires. La solidarité nationale ne fera pas défaut aux Mahorais car à la France, à aucun moment, ils n’ont fait défaut", a-t-il conclu sous les applaudissements.

 

La révision de l'état-civil, "une opération symbolique pour le succès de la départementalisation"

 

Représentant la ministre de l’Outremer, Christian Poncet, directeur de projet pour la départementalisation de Mayotte au ministère, a déclaré que "l’objectif est de tenir les délais et les engagements, et réévaluer un certain nombre de pistes quand ce sera nécessaire". La modernisation de l’état-civil communal et la réforme de la Crec pour fiabiliser l’état-civil, préalable indispensable pour que Mayotte prétende au statut de Rup et à la manne des fonds structurels européens en 2014, est "une opération symbolique, de celles qu’on doit faire pour le succès de la départementalisation".

"Si les Mahorais ne se saisissent pas de l'adaptation proposée pour obtenir plus simplement des papiers, nous aurons raté la première marche vers la départementalisation", a-t-il prévenu. Les Etats généraux de l'Outremer ont selon lui permis d'anticiper la départementalisation qui est "un processus sans dates couperet".

Ahamed Attoumani Douchina, le président du conseil général, a pour sa part affirmé que si les Mahorais sont toujours "vigilants", ils sont désormais "confiants et rassurés". "Beaucoup ici suivent les autres, sans savoir ce que comportait ce statut. Maintenant, la vérité est là. Il est nécessaire de savoir ce qu’on peut et ne peut pas attendre". Les travaux du colloque seront publiés en février-mars 2010 dans la collection universitaire de l’Idom, aux Presses universitaires d’Aix-Marseille.

 

Julien Perrot

 

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Parmi les débats et les interventions qui ont eu lieu pendant ce colloque, 4 thèmes ont particulièrement retenu notre attention : l'accession de Mayotte au statut de Rup, les nouvelles ressources du futur département, ses nouvelles relations avec les communes et la gestion de la ZPG dans les 4 Dom.

 

Le futur Dom éligible aux fonds structurels européens en 2014

Hélène Pongerard-Payet, maître de conférences en droit public à l'université de la Réunion, a présenté mercredi 9 décembre les enjeux et perspectives du nouveau statut de Mayotte vis-à-vis de l'Union européenne.

L'UE reconnaît deux statuts spécifiques pour les territoires ultramarins des Etats membres : les 21 PTOM (Pays et territoires d'Outremer) appartenant au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, au Danemark et à la France, et les 9 Rup (Régions ultrapériphériques) qui sont les 4 Dom français, Saint-Martin, Saint-Barthélémy, les Açores, Madère et les Canaries. La France est le seul Etat membre à posséder à la fois des Rup et des PTOM.

Seules les Rup font partie intégrante de l'UE, les PTOM étant sous le régime d'association de pays tiers. Ce régime permet d'avoir des avantages spécifiques pour la coopération économique et commerciale et celle du développement, et un régime commercial très avantageux qui permet de taxer les produits entrants sur le territoire. Ce régime commercial devient réciproque avec les Rup : il n'y a plus de barrière douanière dans l'autre sens et donc "d'importantes ressources doivent être compensées par de nouvelles recettes fiscales ou par l'octroi de mer", explique la chercheuse. Ce régime dérogatoire en vigueur dans les Dom depuis 2004 doit être renégocié tous les 10 ans, comme c'est le cas aussi aux Canaries qui ont un impôt équivalent qui expire en 2012.

 

286 M€ pour le Fed contre 7,8 milliards d'euros pour les Rup…

En tant que PTOM, Mayotte bénéficie actuellement du Fed (Fonds européen de développement), comme les pays ACP (Afrique – Caraïbes – Pacifique). Le 10e Fed pour la période 2009-2013 s'élève à 286 M€, dont 22 M€ pour Mayotte. A titre de comparaison, le budget des fonds structurels pour les Rup s'élève à 7,8 milliards d'euros pour la période 2007-2013. La politique communautaire de soutien des Rup passe par le développement des infrastructures, des ressources humaines, de l'emploi et de l'économie. Depuis 2006, le Posei (Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité) permet également de soutenir l'agriculture locale.

Les fonds structurels représentent 36% du budget de l'UE, soit le deuxième poste budgétaire après la Pac. Les Dom sont les seuls territoires français concernés par l'Objectif de convergence, avec un PIB inférieur à 75% de la moyenne communautaire. "La situation des Rup est préservée malgré l'entrée dans l'UE de l'Europe de l'Est, même si les Dom en 2014 seront devancés par les trois quarts des Etats membres", a constaté Mme Pongerard-Payet, rappelant que la Martinique a été éligible aux fonds structurels de justesse en 2007.

 

Seuls 40 à 50% des crédits européens sont consommés dans les Dom

Pour que Mayotte devienne une Rup, elle doit reprendre l'ensemble de l'acquis communautaire, soit 14.500 actes normatifs représentant 96.000 pages de documents. "La France sera condamnée si les collectivités locales ne suivent pas les normes communautaires", a prévenu la chercheuse, rappelant que notre pays a déjà payé 10,9 M€ de sanctions.

Malheureusement, à cause de la complexité des procédures et du manque de personnel qualifié, seuls 40 à 50% des crédits européens sont consommés dans les Dom. Les délais entre l'attribution des fonds par la Commission et leur perception par les Dom est de 2 ans, alors qu'ils sont de 6 mois en moyenne pour les autres Etats.

Grâce au Traité de Lisbonne, la ratification du nouveau statut de Rup pour Mayotte par tous les Etats membres n'est plus nécessaire. La "clause passerelle" pour passer du statut de PTOM à celui de Rup requiert seulement l'approbation par le Conseil à l'unanimité. Gérés par la région depuis 2004, les fonds structurels pourraient ainsi arriver à Mayotte pour la période 2014-2020.

Faute d'avoir rempli les préalables nécessaires à cette accession au statut de Rup d'ici 2013, il faudrait vraisemblablement attendre la période suivante qui démarrera en 2021, ce qui constituerait un énorme manque à gagner pour bâtir les infrastructures tant attendues.

Les nouvelles ressources du futur département

Bertrand Boisseau, avocat fiscaliste à la Réunion est intervenu mercredi 9 décembre sur les ressources et la fiscalité du futur département-région. Actuellement, les ressources du conseil général sont l'impôt sur le revenu, celui sur les sociétés et les droits de douane.

37% des 42.500 foyers fiscaux sont imposables et l'impôt sur le revenu a rapporté 30 M€ à la CDM en 2008, avec un taux de recouvrement de 95% grâce à la retenue à la source. La taxe douanière sur la consommation représente quant à elle 65 à 70% des recettes de la CDM.

Les ressources futures proviendront du fonds exceptionnel d'investissement prévu par la loi du 27 mai 2009, le fonds de développement économique et social prévu dans le Pacte pour la départementalisation en 2012, du Feder (Fonds européen de développement régional) et du FSE (Fonds social européen) si Mayotte devient une Rup, et de la fiscalité locale au 1er janvier 2014.

En Métropole, les "4 vieilles" (taxe d'habitation, professionnelle et foncière sur le bâti et le non-bâti) représentent 50% des recettes des collectivités locales, contre 23% dans les Dom. L'octroi de mer, en vigueur dans les Dom, représente quant à lui 40% des recettes fiscales des communes et 34% de celles de la Région. "Mais l'octroi de mer peut ne pas être reconduit par le Conseil de l'UE en 2014 et ne peut donc pas être modélisé pour les futurs budgets des communes", précise M. Boisseau, d'autant que la dotation de l'Etat, et notamment la dotation globale de fonctionnement ne sera pas une ressource en augmentation.

 

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