{xtypo_dropcap}O{/xtypo_dropcap}n ne peut en douter, le mode d'expression de Gaspard est bien la danse. Quand il s'agit de parler, et surtout de lui, il devient réservé, effacé, timide, plus rien à voir avec le jeune homme qui dansait devant une salle comble un mois plus tôt, regard au loin, interprétant le rôle principal du Petit Prince sans faux pas et avec passion. Lorsqu'il arrive à Mayotte à la rentrée du CM1 à Combani, Gaspard a déjà fait de la gym et de la capoiera. Quatre ans plus tard, il quitte l'île pour Nantes, où il doit intégrer le Conservatoire.
Durant son séjour, plusieurs éléments l'ont conduit la où il est, mais le plus déterminant fut Karine Legrand, professeur d'EPS et de danse au collège de Tsingoni, qui arrive l'année de son entrée en 6e. "Arrivé à Mayotte j'ai continué à faire de la capoiera avec l'association de Tsingoni, c'est ma mère qui me disait souvent que je devrais faire de la danse", se souvient le jeune homme qui ne sait pas vraiment pourquoi cette idée a germé dans l'esprit de sa mère, mais reconnait qu'il a toujours aimé la danse.
Au collège la première année, il fait de la danse dans le cadre de l'UNSS, où il impose rapidement son potentiel. "Gaspard présentait déjà un potentiel physique très intéressant de souplesse et de tonicité", se souvient Karine Legrand son professeur. Son groupe est d'ailleurs champion académique de danse cette année là, en 2008, ainsi qu'en 2009, alors qu'il continue à danser 3 heures par semaine avec l'UNSS, en plus des 4 heures hebdomadaires de la section danse qu'il intègre en 5e.
"Je voulais en faire le plus possible", explique-t-il. "Gaspard s'est épanoui totalement sur les derniers mois et les spectacles de fin d'année ont révélé en lui un danseur complet", raconte Karine Legrand qui a tout déclenché sur cette fin d'année, en mentionnant le Conservatoire.
Devenir danseur professionnel
Pour l'instant, Gaspard prend les choses comme elles viennent et attend de voir. Encouragé par Mme Legrand et avec l'aide d'un enseignant vidéaste amateur, il réalise un DVD de chorégraphies qu'il travaille avec sa prof de danse et l'envoie au Conservatoire de Nantes, ses parents partant l'an prochain pour la Roche-sur-Yon. Tout est allé très vite, l'idée du Conservatoire a pointé en fin d'année, les parents ont donné leur accord, le Conservatoire l'a accepté, et le voilà inscrit en 4e dans un internat à Nantes pour la rentrée prochaine, où il fera deux après-midis par semaine de danse au Conservatoire.
Le but ? "Devenir danseur professionnel évidemment". Réaliste, le jeune homme sait bien qu'il y a du chemin et attend de voir "comment ça marche" au Conservatoire, plus inquiet pour la vie à l'internat que pour le niveau de danse. Son domaine est plutôt la danse contemporaine et le hip-hop, un peu le classique.
Ses références sont peu nombreuses, si ce n'est le film "Billy Elliott", cette histoire d'un garçon d'un village défavorisé d'Angleterre qui troque les cours de boxe contre ceux de danse et devient danseur à la fin du film, un parcours que Gaspard aimerai suivre. Côté famille, Gaspard n'aura pas à faire face aux mêmes réticences que les parents de Billy Elliott, les siens le soutiennent sans problème. "Tant que ça lui plait, il en fait", résume son père qui constate que son fils "est increvable, il danse le plus possible et aura sûrement le même rythme à Nantes, c'est plutôt le rythme scolaire qui va changer."
Dans la famille on n'est pas spécialement amateur de la discipline, bien que sa mère ait toujours encouragé Gaspard à se lancer. "Quand on est parent on sent les choses. Il a toujours été à l'aise physiquement, je pensais que ça lui irait bien. L'arrivée de Karine Legrand a joué, nous savions qu'elle était spécialisée en danse, c'était l'occasion."
Un encouragement pour les autres
L'enseignante, qui a fait vivre cette section avec une énergie incroyable, a été déterminante. "Quand Gaspard entre dans la salle de danse, il s'échauffe, il danse, il cherche en lui, dans l'espace, il apprend les chorégraphies des autres… La danse vit en lui tout le temps", résume-t-elle. Incapable d'expliquer ce qui lui plait dans la danse, Gaspard reconnait que c'est là qu'il est le plus à l'aise. Réciter un poème devant une salle pleine s'apparente à de la torture, mais danser… "Avant les spectacles, quand je vois le public, je stresse un peu évidemment, mais une fois sur scène j'oublie. Maintenant j'arrive à regarder devant moi sans être dérangé par le public."
"Le rôle du Petit Prince s'est imposé rapidement", raconte Mme Legrand. "Les autres élèves de la classe ont été solidaires et ne l'ont jamais jalousé, car c'était évident pour eux aussi que Gaspard tienne le rôle principal. Gaspard a donné envie aux autres d'aller aussi plus loin." "Je pense qu'ils sont contents pour moi", résume modestement le jeune homme, un peu nostalgique à l'idée de quitter Mayotte où il s'est très bien adapté de l'avis de ses parents.
"Il a énormément de copains mahorais, il était toujours avec eux à des voulés, à dormir dans les bangas, etc. Et puis l'environnement a surement joué pour la danse. Ici les jeunes sont tout le temps en train de faire des saltos et des acrobaties sur les plages."
Ses parents sont d'ailleurs rassurés que le retour en Métropole soit accompagné d'un tel projet pour Gaspard, il n'aura pas le temps de regretter Mayotte et sa vie dans l'île. "J'y reviendrai bien un jour, au moins en vacances, pour revoir l'île et les gens que je connais", projette le jeune danseur. En attendant c'est un grand défi qui l'attend, en espérant qu'il ne soit que le premier des enfants de Mayotte à réaliser ce rêve.
Hélène Ferkatadji
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