16/07/2010 – A la rencontre de… Kadafi Attoumani

 

Il a l’humilité des hommes d’influence qui refusent de s’attribuer personnellement la réussite de leurs projets. Kadafi Attoumani, trente-quatre ans, directeur d'Opcalia Mayotte assure d’emblée que la présence et la bonne installation de l’antenne mahoraise d’Opcalia est avant tout le résultat du travail d’une équipe présente et soucieuse de favoriser la formation des salariés mahorais.

Quand Kadafi parle de son travail pour Opcalia, c’est à travers les différentes actions et missions menées depuis le lancement de l’agence, en 2006. Il n’en parle pas de manière anodine, détachée. Il faut dire que depuis sa création, la structure a reçu plus de 1.200 salariés demandeurs de formations. Avant de s’attarder sur les chiffres, le directeur tient à rappeler les missions premières d’Opcalia. Pour cela, il présente fièrement le panneau qui trône dans l’entrée.

"Opcalia, 3ème collecteur national au titre de la formation professionnelle continue. Maîtres mots d’Opcalia nationale : service et proximité. Reste maintenant à le vérifier sur place ! Première précision de Kadafi : "Nous ne sommes pas un centre de formation ! Nous, notre métier, c’est d’accompagner la montée en compétences". Rapides explication, Opcalia sert d’intermédiaire et de débloqueur de fonds afin de répondre au plus près aux attentes de formations des salariés et des entreprises.

"Chaque entreprise est dans l’obligation de proposer des formations à ses salariés, et inversement, chaque salarié peut prétendre à une formation dans sa carrière". Attelé avec ses collègues à cette lourde tâche de "prestataire de services", Kadafi et son équipe ne comptent pas leurs heures pour mener à bien les objectifs qu’ils se sont fixés. Objectifs professionnels, mais humains aussi. "Les entreprises cotisent chaque mois, chacune à son niveau, pour participer aux formations des salariés. Par la suite, nous étudions chaque demande de salariés et nous mettons tout en œuvre pour débloquer des fonds qui payeront les formations", explique Kadafi Attoumani.

Est-ce le parcours atypique du jeune directeur aux multiples expériences professionnelles qui lui insuffle cette volonté de dépasser un certain fatalisme ambiant lié au travail ? "C’est très important de maintenir ce système de formations obligatoires, parce que si on laisse faire la nature, les choses vont trop doucement. Nous avons actuellement sur Mayotte trente-sept centres de formations qui sont en capacité d’accueillir des salariés désireux de se former d’avantage." Et Kadafi Attoumani sait de quoi il parle. Lui-même le dit : "j’ai un parcours un peu chaotique".

Aujourd’hui formé pour tenir des fonctions de directeur, il a, avant cela, connu de nombreux déplacements géographiques et professionnels qui lui font avoir une vue plus globale sur la situation du territoire. Né à Mayotte, il effectue ses classes primaires jusqu’au CM2 sur l’île et son collège à Bordeaux avant de s’installer à la Réunion pour faire ses années lycée. La faculté, c’est en Métropole qu’il décidera de l’effectuer, à Paris. Diplôme universitaire en finances, licence, maîtrise d’économie et DESS de gestion en main, il se fait embaucher par une grosse entreprise de minerai pendant trois ans.

Par la suite, il revient sur Mayotte pour être nommé chef du personnel à la Colas. Principal clerc pour un huissier de justice sera la profession étonnante qu’il choisira par la suite. Il découvrira durant ces années les plaisirs et les difficultés de la procédure. "Pour moi c’était un véritable challenge, je voulais engranger de la compétences, du savoir-faire, de nouvelles expériences. Travailler avec des gens qui comptaient sur nous, qui ont eu des problèmes. Concrètement, c’était de l’aide à la personne. A travers cette profession, j’ai réellement touché la réalité, été au contact d’un quart-monde qui existe vraiment à Mayotte. J’ai vraiment redécouvert mon territoire à ce moment là."

En 2005, il est appelé à prendre les rênes de l’Agefom : l’Association de gestion du fonds mahorais, l'ancêtre d’Opcalia. A son arrivée, tout est à repenser, à mettre en place. Pour cela, ils sont trois à s’atteler à la tâche. "Il y avait beaucoup de travail, cet organisme ne servait que de boîte à lettres." Il fallait donc à force de temps et de volonté relancer le processus d’aide à la formation et reconsidérer le travail de l’équipe.

Quelques temps après, Kadafi Attoumani lance l’aventure Opcalia avec la ferme intention de peu à peu aider les salariés à s'épanouir professionnellement au sein de l’entreprise par le biais de la formation. Avec plus de 600 salariés concernés aux débuts de la structure, elle en compte aujourd’hui 1.200 qui ont bénéficié du soutien financier d’Opcalia. "Nous travaillons en collaboration avec les différentes structures d’aide à l’emploi, notamment le Pôle emploi de Mayotte et la Mission locale, afin de pouvoir répondre au plus près à la demande". L’importance de l’éducation, du diplôme, du savoir-faire, Kadafi Attoumani y croit sincèrement.

En mettant en place il y a quelques mois, par le biais d’Opcalia, des contrats de qualification à des ouvriers mahorais, il leur permet de pouvoir acquérir un diplôme, "un pas de plus vers la dignité", tient à rappeler le jeune dirigeant. "Quand une personne est qualifiée, qu’elle a les moyens de se poser la question de la mobilité : "est-ce que je pars pour quelques temps enrichir mon savoir-faire, découvrir d’autres manières de travailler pour ensuite l’offrir au territoire ?", c’est déjà une belle avancée".

Avoir passé des années loin de son île natale semble donner à Kadafi Attoumani ce regard sévère, réaliste et tendre à la fois, critique et résolument positif. "Aujourd’hui, à Mayotte, le gros souci est de gérer les urgences : jeunesse, environnement, fragilité du système de santé… Il va falloir être vigilants et ne pas être trop longs à décider."

Comme s’il se posait la question à lui-même, il enchaîne : "que veulent vraiment les Mahorais ? Quelles sont leurs attentes, qui peut s’en occuper et y répondre ?  Mayotte officiellement département français ? Oui, mais dans un système, peut-être idéal, d’apports mutuels. Pour moi, Mayotte est depuis longtemps profondément française. Mais la question que je me pose aussi, c’est de savoir dans quelles mesures notre île peut-elle aussi apporter des choses à la France ? La culture mahoraise peut faire partie de la culture française, sans néanmoins perdre de vue ses racines. Par sa position géopolitique, Mayotte me semble un véritable atout pour la France. Cette île est un diamant brut, ce qu’il faut c’est le tailler", conclut, avec espoir Kadafi Attoumani.

 

Mathilde Fischer

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