{xtypo_dropcap}D{/xtypo_dropcap}ans l'ancienne MJC de Mamoudzou, à deux pas du service culturel, le grand miroir de la petite salle de répétition résonne des rythmes imposés par la voix d'Hafiz. A travers son enseignement, trois jeunes danseurs mahorais apprennent la rigueur des gestes, la fluidité des mouvements, l'expression corporelle. Les élèves sont attentifs, à l'écoute des suggestions de leur mentor, dont ils regardent les mouvements d'un air admiratif. Une expérience inédite pour eux, dans laquelle ils apprennent à ralentir leurs pas, appréhender la trajectoire des corps, canaliser leur énergie.
Arrivé lundi 6 avril, Hafiz a encadré la semaine dernière un atelier avec Mouhamadi, Zéoudine et Nassam, le "noyau dur" des Tropical B-Boy Crew. Il n'a pas été facile de convaincre ces trois danseurs de break-dance de s'essayer pour la première fois à la danse contemporaine, mais le résultat présenté mardi soir prouve qu'il valait la peine de les faire travailler sur ce projet novateur. Pendant cinq jours, ils ont préparé un spectacle de 7 minutes, à raison de trois heures par jour. La musique sur laquelle ils dansent est une création originale, mêlant les chants traditionnels mahorais aux sonorités du hip-hop américain.
"La danse contemporaine a la faculté d'être une danse tolérante capable d'accueillir toutes les autres", explique Hafiz, qui a donné aux jeunes des outils pour les aider à construire leur identité artistique. "Contrairement à ceux qui ont suivi une formation classique et qui ont une approche très pensante, avec une image très intellectuelle de ce qu'ils construisent, ces jeunes sont beaucoup plus en phase avec leur réalité. Ils ont une approche plus virile, avec plus de présence. Ils ne font pas leur princesse, à l'image de leur personne. Un danseur oriental ne se roulerait pas par terre. J'essaie avec eux de reconstruire leur façon d'être à partir des racines pour reformer l'arbre et en donner les fruits."
Les élèves reconnaissent tous les trois que cette expérience a été très enrichissante pour eux, car elle a leur a permis de mieux appréhender leur corps dans l'espace. Pour Mouhamadi, cette formation lui a permis de découvrir de nouvelles façons de danser : "C'est beaucoup plus dur pour nous, car on est habitué à des mouvements rapides et brusques. Ce travail nous a demandé beaucoup plus de souplesse. On a appris à mieux bouger, à maîtriser notre corps". A la fin de leur spectacle, ils exécutent des figures de "thomas free", de "style", de "krump", de "danse debout", après un long passage de danse contemporaine. Grâce à Hafiz, ils ont pu découvrir de nouveaux mouvements, plus épurés, plus lents, plus expressifs.
Pendant son séjour, Hafiz a vu défiler dans la salle de répétition des groupes de danseuses traditionnelles et d'autres jeunes très motivés. "Il y a un vrai potentiel pour un centre chorégraphique ici. Cela leur permettrait de parler de leur identité, de leur culture, tout en restant contemporain, en donnant des outils de construction de son être dans son temps".
Julien Perrot
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