{xtypo_dropacap}M{/xtypo_dropcap}ayotte Hebdo : Comment vous sentiez-vous au moment de quitter l'île ?

Hafidhou Attoumani : Je ressentais une douleur, ce qui m'avait légèrement plongé dans le doute avant de partir. Arrivé en Belgique pour le meeting de Nivelles, j'ai réalisé un temps assez correct, je savais que je pouvais mieux faire. La confiance est revenue et j'ai pu faire abstraction de cette blessure.

 

MH : Après la Belgique, la France…

HA : Oui. De là, j'ai enchaîné les courses. Mon coach a mis en place une programmation de telle sorte à ce que je puisse courir régulièrement et être prêt pour le jour J : les championnats de France jeunes qui représentaient mon objectif principal avec le meeting de sélection. J'étais en compétition pratiquement tous les deux jours, souvent aux côtés de sprinters renommés. Et ça a payé ! Je suis arrivé tranquille dans ma tête à Bondoufle pour les séries, très concentré. Dans ces moments, j'oublie tout et je m'évade avec ma musique. J'ai débuté la course doucement pour monter en puissance et finir premier de ma série avec le troisième temps général. Je me suis qualifié, mais j'ai vite zappé ce que je venais d'effectuer pour me concentrer entièrement sur la finale. Si passer les séries semblait logique, je savais que ce lendemain-là serait une toute autre histoire.

 

MH : Courir auprès de sprinters âgés de trois ans de plus que vous ne constituait-il pas une pression supplémentaire ?

HA : Pas du tout ! Certes trois ans de plus en Espoir, c'est trois ans d'avance en terme musculaire, de course, d'expérience… Mais je n'avais pas peur, je me disais "j'ai ma chance, même en tant que première année". En fait, quand je quitte Mayotte pour accomplir ce type de compétitions, je ne suis plus le même Hafidhou, ce n'est plus moi. Peu importe mes adversaires, je m'interdis toute forme de déception. Je ne me déplace pas de mon île, je ne fais pas 10.000 kms et près de 14 heures d'avion pour rien ! C'est dans cet esprit que j'engage mes challenges, cette finale-là notamment.

 

"Peu importe mes adversaires, je m'interdis toute forme de déception"

 

MH : Justement, racontez-nous cette palpitante épreuve.

HA : J'étais bien physiquement et mentalement. Nous nous sommes réveillés à huit heures et nous avons pris notre petit-déjeuner, juste ce qu'il faut. Pas de déjeuner, ça n'aurait pas été pratique de manger avant la course. Nous sommes arrivés sur le site en fin de matinée. Moi, toujours avec mon casque sur les oreilles à écouter ma musique. Le départ à 15h30, nous avons pris une bonne heure et demie pour nous échauffer : footing, étirements et quelques sprints avant de se rendre à la chambre d'appel. L'heure arrivait et la pression montait, surtout au moment de régler mes starts dans mon couloir 3, quand j'ai pris conscience que je me trouvais au départ de la finale. Là, le starter présente aux spectateurs les finalistes, je l'entends, mais je ne l'écoute pas, je suis déjà dans ma course.

 

MH : Puis le départ est donné…

HA : Oui, je me suis calé sur Touré, au couloir 4 (ndlr : ce dernier finira premier, mais n'étant pas de nationalité française, il cèdera son titre de champion de France à son poursuivant) les 250 premiers mètres. Il reste alors 150 mètres et là, je donne tout ce qu'il me reste. J'achève la course troisième, termine la compétition vice-champion de France donc et bats mon record individuel avec un temps de 47"77.

 

MH : Votre première réaction en ayant franchi la ligne d'arrivée ?

HA : J'ai d'abord regardé le tableau et constaté que j'avais amélioré ma meilleure perf. Je me suis alors tourné vers le public car je voulais voir la réaction de mon coach. Je venais de me faire plaisir, mais je voulais surtout lui faire plaisir. Et il était heureux. Je ne suis pas champion, mais je tiens compte de mes performances, de mon évolution depuis les premières courses. C'est le chrono qui importait, et ce que je venais de réaliser ne pouvait être que positif.

 

Propos recueillis par Ichirac Mahafidhou