{xtypo_dropcap}E{/xtypo_dropcap}ntre ceux qui ne savent même pas ce que signifie romantisme et ceux qui se creusent la tête pour trouver LE cadeau qui fera plaisir à leur copine, se dresse un fossé générationnel. Education, pudeur ou simple timidité, une chose est sûre : la culture mahoraise n'est pas très propice à l’expression des sentiments. D'ailleurs difficile de trouver une traduction du terme romantique en Mahorais. Par contre, il existe bien un terme spécial pour se moquer des hommes galants et attentionnés. On dit qu’ils sont "bonjour madame".
Depuis longtemps, les femmes se sont fait une raison. "On ne peut pas tout avoir", explique Razia, "c’est déjà très bien d'avoir trouvé un mari qui s’occupe de moi et de mes enfants". A 58 ans elle a été mariée trois fois. Illettrée et sans emploi pour subvenir à ses besoins, elle a su adapter ses exigences à la situation, acceptant même le remariage de son premier mari.
Pourtant, de nombreuses mamas admettent être tombées sur des maris aimants. "Les hommes de ma génération sont romantiques mais ils ne le montrent pas. Ils sont pudiques. Ils ont juste honte de montrer leurs sentiments, surtout devant les enfants. Aujourd'hui, les jeunes n'ont plus ce problème", nous raconte Zahara.
Plus autonomes, aujourd'hui les jeunes femmes sont aussi plus exigeantes, mais il existe toujours des récalcitrants. A 24 ans, Mounia est une toute jeune mariée. "Mon mari est attentionné mais il a aussi les manières de l'ancienne génération. Avec lui c'est boulot, sport et potes. Le soir il me dit qu'il va voir ses amis, il sort et ferme la porte à clef et le lendemain on vient me dire qu'on l'a vu à la Geôle. Alors que moi, je dois demander la permission avant de sortir."
Malgré ces quelques irréductibles, les Mahoraises sont nombreuses à louer les efforts de leurs compagnons. Cadeaux, mots doux et déclarations énamourées, ils n'ont plus rien à envier aux héros des séries sud-américaines… Mais il leur est toujours aussi difficile de se débarrasser d’une culture polygame bien ancrée dans les mœurs.
Amoureux… mais infidèles
Lorsqu'on questionne les femmes sur leurs compagnons, on retrouve une constante dans les réponses. Attentionnés ou pas, ils restent bel et bien volages. "Les Mahorais sont très romantiques… avec leurs maîtresses, pas avec leurs femmes. Ils leur donnent des cadeaux et des mots d'amour, mais dès qu'ils les épousent ils en trouvent une autre pour les cadeaux", constate Yasmine.
Même constat chez les adolescents. "Mon copain est gentil et attentionné, il me donne tout ce que je veux : bijoux, parfums… Le seul problème c'est qu'après il va voir d'autres filles", se plaint Dalia. Pour elle c'est une fatalité, car même ceux qui ne le sont pas sont entraînés par les autres.
Les hommes aussi le reconnaissent. Mais pour eux c'est avant tout une question d'habitude. "C'est vrai qu'on est macho, du fait de notre culture et de la religion. Donc quand il s'agit de s'occuper de notre femme ou de notre copine on est souvent aux abonnés absents. On a plus l'habitude que ce soit elles qui s'occupent de nous."
Faut-il donc revoir toute l'éducation des hommes en ce qui concerne leurs rapports aux femmes ? Trop tard disent certaines jeunes filles. Il fallait s'y attendre, les femmes ont fini par rattraper les hommes. Désormais, ce sont eux qui se plaignent de leurs compagnes.
"Ma copine je lui donnais plein de cadeaux, mais elle abusait de moi. Elle se comportait comme si je ne faisais rien. On dit que les hommes sont tous pareils, mais c'est aussi le cas avec les filles. Filles ou garçons, on se dévoile mais on est souvent déçu." En tout cas, la Saint-Valentin c'est samedi. Ceux qui y croient ont encore quelques jours pour trouver une manière originale de se déclarer.
Halda Toihiridini
Réactions
Echa, 27 ans
"La Saint-Valentin est une fête réservée aux vrais amoureux, pas à ceux qui courent à gauche à droite."
Aynou, 35 ans
"On avait déjà les fêtes musulmanes, les circoncisions et d'autres encore. Maintenant on veut nous rajouter les fêtes occidentales comme Noël, la fête des mères ou les anniversaires. On s'en sortira pas, surtout que ça nous crée des problèmes avec nos femmes. Si je n'offre pas de cadeau le 14, je vais avoir droit aux bouderies."
Maimouna, 51 ans
"Je trouve que les jeunes sont de plus en plus attentionnés avec leurs copines. Je pense que c'est lié à la télé et aussi à ces fêtes qui poussent les gens à s'offrir des cadeaux. Ça les habitue à faire ce genre de choses."
Abdillah, 65 ans
"La Saint-Valentin ? C'est quoi ça ? Encore des trucs de mzungu ! Nos femmes, on leur offre des bijoux et une dot quand on les épouse et après on leur donne à manger. Vous voyez qu'on s'occupe d'elles."
Abdou, 40 ans
"Nous, les Mahorais, nous n'avons pas l'habitude de ce genre de choses. La Saint-Valentin c'est de la bêtise, ma femme je lui prouve tous les soirs que je l'aime."
Eli, 28 ans
"Que ce soit en France ou ici, la majorité des hommes qui offrent un cadeau ce jour-là le font par obligation. Sinon tous les mecs s'en foutent quand leur copine s'en foutent."
Ahmed, 18 ans
"C’est une coutume bien métropolitaine. Je ne connais pas vraiment. Mais je connais des jeunes qui se sont fait jeter parce qu’ils n’ont pas offert de cadeau ce jour-là."
Franck, 27 ans
"Si on n’est pas sûr de pouvoir le fêter chaque année vaut mieux éviter, parce que si on oublie une seule fois c’est comme si on l’avait jamais fait."
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