Depuis mardi soir, le poste de commandement tactique du Dlem dans le quartier Cabaribère de Dzaoudzi est sur le pied de guerre : les officiers doivent gérer en temps réel des agressions, des tentatives de déstabilisation ou l’afflux de réfugiés vers l’aéroport. Des réfugiés qui ne sont pas des militaires mais les jeunes élèves de la 5ème J du collège de Pamandzi, une population que les militaires appellent un « plastron réel », qui leur permet de s’approcher davantage de la réalité pour ce genre d’exercice. Le Dlem, ce sont 250 personnes qui peuvent appuyer les services publics dans la gestion de toutes sortes de crises, allant des dégâts occasionnés par les cyclones à l’évacuation des réfugiés depuis l’aéroport, et qui peuvent intervenir immédiatement, alors que la Croix rouge de la Réunion ne peut arriver que dans les 48h.
« En plus de la protection de points sensibles, comme les antennes ou l’aéroport, nous transportons les blessés vers le CHM, nous gérons les prisonniers, les réfugiés, les conflits armés, les pannes logistiques ou les difficultés de ravitaillement », explique le lieutenant-colonel Christian Rascle, commandant en second du Dlem, « ces paramètres parasites permettent de complexifier davantage la situation ».
Les 25 élèves de 5e ont dû effectuer un petit parcours du combattant, en jouant un rôle individualisé, pour finir par atteindre le hangar du BMT : la « cellule vie » du dispositif. Dans la première tente d’accueil, les militaires leur ont fait remplir des fiches d’identité classées selon trois catégories : les Français, les personnes mariées à des Français et les personnels étrangers travaillant pour la France, et les étrangers. « Tout le monde est traité de la même façon », précise Christian Rascle, « l’objectif est d’avoir un listing des Français pour pouvoir renseigner leur famille ».
Les « réfugiés » ont pu ensuite boire et manger, avant d’être fouillés, puis photographiés : le fichier informatique saisi est ensuite envoyé à la Direction de la protection, de la sécurité et de la défense (DPSD) à Paris, pour vérifier qu’il n’y a pas d’espions infiltrés ou de terroristes parmi les réfugiés. Un poste de secours dans le hangar permet de s’occuper des pathologies bénignes et surtout du soutien psychologique. En cas d’évacuation, un Transall de l’armée française viendra chercher les réfugiés directement au hangar.
Le seul PC de l’île avec une carte entièrement numérisée
Quelques stagiaires du GSMA de Combani ont joué le rôle de prisonniers : « Quand les réfugiés arrivent armés ou sans papiers, nous les séparons pour procéder à un interrogatoire pour savoir qui ils sont et ce qu’ils ont fait », explique l’adjudant Saïd Ghriss, chef du poste sécurité, « ces renseignements nous permettent de savoir s’ils sont dangereux. Notre hiérarchie nous dira ensuite si on les remet à la justice. »
Les 5e J semblent avoir adoré participé à l’exercice militaire, d’autant qu’on leur avait donné des petits papiers pour leur décrire leur attitude, comme « je cherche mes parents », « je veux rentrer chez moi », « je suis sous le choc », « j’ai peur des militaires », « je ne parle pas français », etc.
Naomi et Nahida, par exemple, étaient sœurs : « On a fait exprès de ne pas vouloir être séparées. Pour la fouille, on a un peu résisté mais bon, c’était quand même des militaires », concèdent-elles en souriant. Bérengère, qui a vécu les émeutes du 27 mars, estime que « cet exercice permet aux gens d’avoir moins peur car ils savent qu’ils peuvent faire confiance à l’armée ». Arthur, lui, a trouvé que c’était très réaliste : « On aurait crû qu’on allait vraiment partir, comme en mars dernier ». Pour Anelyne, cet après-midi était l’occasion d’apprendre « la discipline » et ce qu’est un réfugié qui d’après elle est « quelqu’un qui s’enfuit parce qu’il a des problèmes ».
Au PC tactique du Rocher, le chef d’escadron Jean-Loup Bourmand a suivi toute l’opération en temps réel grâce à une cartographie numérisée par satellite, la seule de ce genre opérationnelle à Mayotte. Sous les ordres du chef de corps François Compin, le chef des opérations travaille sur toutes les manœuvres en récoltant les renseignements sur le terrain. « Nous sommes intervenus à la fin de la journée du 27 mars pour soutenir la gendarmerie », se souvient Jean-Loup Bourmand, « une fois un cyclone passé, nous pouvons aussi, avec nos 250 « petites mains », déblayer une route, apporter une assistance sanitaire ou des moyens de communication. Nous avons également des couvertures, des lits, des marmites ou des tentes pour soutenir les réfugiés ».
Le Dlem a participé il y a quelques mois à un exercice de crash aérien (Crashaerex) et à un autre de pollution maritime (Polmar). Cette semaine, c’était au tour du secours aux victimes de naufrages, dans le cadre de l’exercice Adjali. Des exercices indispensables afin que les militaires aident au mieux les services publics, pour le bien de la population.
Julien Perrot
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