{xtypo_dropcap}"C{/xtypo_dropcap}ontrairement à ce qu'on voit d'habitude à Mayotte pour certains projets, il faut souligner la réactivité exceptionnelle de l'Etat et du conseil général sur ce dossier". Christophe du Payrat, secrétaire général aux affaires économiques et régionales à la préfecture, s'est félicité de la signature de cette convention pour un projet qui sera un grand atout pour Mayotte, le deuxième (futur) département de France, 10 jours après la Réunion, à se doter d'un tel outil de gestion intégrée des zones côtières.

C'est suite aux catastrophes de l'Erika et du Prestige que l'Union européenne a vraiment pris conscience de l'importance du littoral et a recommandé le 30 mai 2002 à ses Etats membres de procéder à un inventaire détaillé du littoral. Initié par le comité interministériel de la mer d'avril 2003 et confirmé par celui d'aménagement et de développement du territoire de septembre 2004, le projet Litto3D associe l'IGN au Shom en vue de produire le référentiel géographique du littoral (RGL) qui permettra aux acteurs publics de disposer d'une description de la côte homogène, précise et aisément accessible.

 

Mayotte précurseur d'un projet national unique au monde

 

Le RGL se présente comme un "mille-feuille" composé de nombreuses couches de données thématiques géo-référencées destinées à des projets d'aménagement. Grâce aux avancées technologiques et à l'avènement du numérique, le RGL sera utilisé pour plus d'une centaine d'applications : connaissance et protection du littoral (modification de la côte due à l'érosion, protection de la faune et de la flore), prévention des risques (inondations, pollution, sauvetage en mer, catastrophes naturelles), développement économique (ports, tourisme, industrie), exploitations des ressources énergétiques, études et recherches scientifiques, défense et sécurité nationale (opération de débarquement ou d'évacuation, surveillance côtière).

Il permettra aussi de simuler des montées des eaux ou encore d'établir de nouvelles routes maritimes. Selon Michel Le Gouic, directeur adjoint du Shom, "50 à 70 applications seront utilisables à Mayotte".

M. Le Gouic a également précisé que l'océan Indien est le précurseur de ce projet d'envergure nationale qui fera de la France le tout premier pays du monde en mesure de fournir une référence géographique officielle assurant une continuité entre la terre et la mer. "Litto3D est un exemple frappant de ce que constitue une politique publique de protection du littoral : grâce aux différents sauts technologiques, on arrive à un modèle continu avec une précision inégalée qui permet et facilite des recherches scientifiques qui n'étaient pas mesurables ni quantifiables avant", a ajouté François Brun, directeur adjoint de l'IGN, qui a par ailleurs constaté que cette problématique mobilisait davantage les acteurs publics dans les Dom qu'en Métropole.

 

Une précision de l'ordre du centimètre

 

Trois moyens complémentaires sont mis en œuvre pour effectuer les levés de Litto3D. Sur terre, un laser topographique aéroporté effectue un balayage à 2.000 mètres d'altitude, à marée basse. Ce levé permet d'avoir un point tous les mètres, soit 15 cm de précision. Un travail de filtrage est ensuite effectué pour n'avoir que le sol, sans la végétation et les bâtiments.

Sur mer, un laser bathymétrique aéroporté effectue un balayage à 500-700 mètres d'altitude qui peut aller jusqu'à 40-50 mètres de profondeur si l'eau est claire. Ce levé permet d'avoir une précision d'un point tous les 2 mètres, soit 30 cm de précision. Un sondeur multifaisceaux acoustique embarqué sur un navire, qui peut effectuer des mesures jusqu'à 6.000 mètres de profondeur avec une précision beaucoup plus grande, permet de compléter la partie maritime. Les données sont ensuite fusionnées pour obtenir une carte numérique terre-mer en continu.

A Mayotte, les levés aéroportés terrestres effectués cet hiver viennent d'être finalisés : 260 km² de côtes ont été couverts, avec une précision de deux points par m². Ne manque que la carte des fonds du lagon : le levé bathymétrique aéroporté aura lieu cet été pour aboutir à la fusion des données d'ici juin 2010.

Ce projet coûtera en tout 1,7 million d'euros, financé à hauteur égale par tous les partenaires (Shom, IGN, AMP, Etat et CG). "L'Agence des aires marines protégées finance ce projet car elle en a bien compris l'importance", a expliqué Geneviève Rousseau, directrice adjointe des AMP. "Cet outil servira au Parc naturel marin de Mayotte et permettra de manier des éléments fiables pour discuter, concerter et aménager" et ainsi mettre en œuvre une politique publique maritime et du littoral bien plus efficace.

 

Julien Perrot


Le Shom, un établissement public à la fois militaire et civil

Le Shom (Service hydrographique et océanographique de la Marine) est l'héritier du premier service hydrographique officiel au monde créé en 1720. Depuis 2007, le Shom est un établissement public à caractère administratif sous la tutelle du ministère de la Défense. Sa vocation est de garantir la qualité et la disponibilité de l'information décrivant l'environnement physique maritime, côtier et océanique, en coordonnant son recueil, son archivage et sa diffusion, pour satisfaire au moindre coût les besoins publics, militaires et civils.

Outre ses missions d'hydrographie générale au bénéfice de tous les usagers de la mer pour assurer la sécurité de la navigation, et la satisfaction des besoins d'expertise et de soutien opérationnel de la défense en connaissance de l'environnement aéromaritime, le Shom effectue également un soutien aux politiques publiques maritimes et du littoral dans de multiples domaines : action de l'Etat en mer, expert en matière de délimitations et frontières maritimes, gestion des observations de marées et participation aux réseaux d'alerte pour la prévention des risques et catastrophes, contribution à la modélisation numérique de l'océan mondial (Mercator Océan), mise à disposition des données géographiques maritimes de référence indispensables aux décideurs en charge de l'aménagement du littoral, etc.

Avec un budget annuel en 2008 de 54 millions d'euros, le Shom emploie environ 520 personnes et gère un portefeuille mondial de 1.100 cartes électroniques de navigation. Implanté à Brest (470 personnes), Toulouse, Saint Mandé, Toulon, Nouméa et Papeete, sa couverture géographique correspond aux espaces maritimes français, soit une ZEE de 11 millions de km², ainsi que les zones placées sous la responsabilité cartographique de la France au sein de l'organisation hydrographique internationale ou en application d'accords bilatéraux avec certains Etats côtiers.

La flotte hydro-océanographique du Shom est composée de 5 bâtiments : le Lapérouse, le Borda, le Laplace, le Beautemps-Beaupré et le Pourquoi pas ?, exploité conjointement avec l'Ifremer.