{xtypo_dropcap}S{/xtypo_dropcap}ixième rencontre de l'atelier consacré à la formation, cette réunion cette fois publique, dirigée par le préfet, avait lieu mardi soir au collège de Dembéni, en présence des responsables de l'établissement, du directeur de cabinet du vice-recteur en mission à Paris, de plusieurs personnalités politiques comme le maire de Dembéni, Mme Roukia Lahadji et Mansour Kamardine, et enfin et surtout d'enseignants, instituteurs, parents d'élèves…
Président de l'atelier, Fadhul Ahmed précise que les débats ont été scindés en trois parties : formation initiale de la maternelle à la terminale, université et formation professionnelle. Décision est prise de débuter les débats sur le thème de la formation initiale. "Peut-on dire que le niveau de l'Education nationale à Mayotte est bon ?" En réponse à cette question surprenante choisie par le préfet pour ouvrir les débats, un participant se lève, discours en main, pour énumérer ce qui, à son sens, freine le bon niveau de l'éducation dans l'île.
Il estime que tout miser sur l'apprentissage et la maîtrise du français est une erreur : "tous les ans, le projet académique du vice-rectorat met l'accent sur le français, mais cela ne change rien. A l'arrivée en 6e les enfants ne savent toujours pas faire une phrase. Ils trainent des lacunes accumulées depuis l'école, car les moyens mis en œuvre au primaire ne sont pas suffisant."
L'homme poursuit sur l'orientation qui n'est pas assez bonne, "il n'y a pas assez de choix à Mayotte, les mauvais élèves de 3e se retrouvent en lycée général et échouent après le bac. Nous fabriquons des jeunes amers et déçus", annonce-t-il en conclusion, précisant que les jeunes d'aujourd'hui doivent former les élites de demain, mais qu'ils sont loin de remplir les conditions requises.
"A l'arrivée en 6e les enfants ne savent toujours pas faire une phrase"
L'ancien député Mansour Kamardine apporte quelques éléments de réponse. Il rappelle que la France ne s'est décidée à développer l'école que très tard dans l'île, et qu'ainsi les parents ne savent pas s'exprimer en français et que les instituteurs, recrutés en urgence à un niveau collège, ne sont pas qualifiés pour enseigner aujourd'hui.
"Ils ont progressé au fil des années, mais ils ne sont toujours pas au niveau, et cela parce qu'il n'y a pas assez de formations." Le débat se poursuit sur la surcharge des classes en primaire, considérée comme source d'échec. "L'obligation de scolariser tous les enfants pénalise les enfants de Mayotte. Il y a des problèmes fonciers et financiers, on ne peut pas dire que l'apprentissage du français est important et parallèlement ne pas mettre les moyens pour construire des écoles maternelles."
Un enseignant originaire des Antilles prend la parole pour estimer que le français ne peut être la seule cause de l'échec scolaire massif, sans quoi il n'y aurait aucun échec en Métropole. "L'école ne s'adapte pas aux enfants de Mayotte, ils doivent intégrer un programme scolaire métropolitain qui ne leur correspond pas. De plus, tous les enseignants sont blancs, les élèves n'ont donc pas de référence de réussite scolaire, contrairement aux élèves antillais qui ont beaucoup de profs de chez eux. Ils viennent à l'école sans y croire, ils ne voient pas ce que l'école peut leur apporter." Avant de céder la parole, il précise que le rythme scolaire actuel ne favorise pas la réussite, les lycéens qui se lèvent à quatre heures du matin pour aller en cours à l'autre bout de l'île sont pénalisés.
Un instituteur revient sur les problèmes de surcharge de classe au primaire, accusant l'immigration clandestine et exigeant du préfet une solution. Celui-ci reconnait que le sujet est "essentiel", mais propose de le réserver pour plus tard.
Un plan d'urgence pour les constructions scolaires
Le principal adjoint du collège de Dembéni précise toutefois qu'il n'existe à ce jour aucune étude objective démontrant que diminuer les effectifs augmente la réussite scolaire, "cela peut aider mais ce n'est pas essentiel". Un autre participant propose la mise en place d'un véritable dispositif d'accompagnement pour la formation de professeurs mahorais, comme cela se fait pour les professions médicales en Nouvelle-Calédonie.
Abdou Dahalani, directeur général des services du Smiam, rappelle qu'avec les premières écoles maternelles ouvertes en 1993, le comportement des enfants qui sont passés par la préscolarisation a rapidement changé : des réflexes différents, une meilleure pratique du français… "A l'époque nous avions fixé l'objectif d'une salle pour un maître et une division. L'Etat doit nous donner les moyens pour le réaliser. Il faut séparer les problèmes matériels des problèmes pédagogiques, le matériel peut être réglé sur simple décision de l'Etat, par une annexe au Contrat de projet."
"Les états généraux sont faits pour cela", confirme le préfet qui invite les participants à définir clairement les moyens nécessaires pour améliorer le niveau de français. "Il faut faire un plan d'urgence des constructions scolaires du primaire et le transmettre via les Etats généraux." Daniel Zaïdani, président de l'association Oudailia haki za maore, se base sur les données existantes : les résultats des évaluations de CM2 sont terriblement plus mauvais que la plus mauvaise académie de Métropole, et le premier tour du bac à Mayotte connaît 30% de réussite, contre 75% en Métropole.
"Cela veut dire que de la 6e à la terminale, les élèves ne rattrapent pas le retard. Malgré toute les mesures prises par l'Education nationale, les résultats restent très mauvais, donc les Etats généraux doivent définir de nouvelles orientations car celles suivies actuellement ne sont pas bonnes." M. Zaïdani estime pour sa part que la solution est en maternelle, s'appuyant sur une étude qui démontre que les enfants structurent leurs acquis entre 3 et 6 ans.
Au final, pour la partie formation initiale, tous s'accordent pour dire que la priorité des priorités est la capacité d'accueil en maternelle, puis en primaire et que vient en seconde place la formation des enseignants du primaire.
Hélène Ferkatadji
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