11/09/2009 – Passion Sport : Badirou Abdou, entraîneur du Haïma club de Sada

Mayotte Hebdo Sport : Badirou Abdou, vous souvenez-vous de la première fois où vous avez fait du sport ?

Badirou Abdou : J’ai commencé très jeune, vers 7 ou 8 ans, sur la chandza bolé (place publique). On utilisait des citrons ou des oranges verts, voire même des fruits à pain pour jouer au foot. Ensuite, nous sommes passés à la balle faite de torchis, de plastique, puis quand nous avons eu les moyens, on a eu un vrai ballon. Il y avait aussi les interquartiers du village qui sont devenus plus tard des tournois ramadan. Nous portions le nom de grandes équipes, pour nous c’était la Juventus. Je jouais libéro ou gardien de but.

 

MHS : Quand avez-vous pris votre première licence sportive ?

Badirou Abdou : Je l’ai prise à 11 ans à l’Ascoma, l’ancêtre du FCO de Tsingoni. À l’école avec l’Usep, j’ai aussi participé à de nombreuses compétitions d’athlétisme. Philippe Jobert et Abdallah Abdou de la DJS m’avaient repéré. C’est aussi là que j’ai découvert le handball et je jouais gardien. Ce n’est que plus tard que j’ai pris une licence de hand à l’Ascoma, section handball (qui deviendra par la suite l’ASCT) à 14 ans en 1987. J’assistais aux entraînements des grands sur le court de tennis. Je ramassais les ballons, je voyais les anciens comme Allaoui Ahamada ou Moizari, le premier maire de Tsingoni, s’entraîner. Les poteaux et la zone de hand étaient placés dans le prolongement du court, sur de la terre battue.

 

MHS : Quels sont vos meilleurs souvenirs sportifs ?

Badirou Abdou : Mon premier grand souvenir reste mon premier match officiel de handball. C’était un tournoi à M’tsangamouji, nous étions en finale et il a fallu recourir à la série des lancers à 7 m pour départager Tchanga et Tsingoni. J’ai tiré et inscrit le penalty décisif. Un grand devait le faire, mais il a eu peur et on m’a demandé de me lancer. Cela m’a beaucoup marqué, d’autant qu’on jouait sur un plateau tout neuf. Il y a aussi le premier diplôme de hand obtenu à 16 ans. Robert Deumesy (ancien technicien à la FFHB et président de la ligue d’Alsace de handball) et Ousseni Rachidi m’ont vu un jour m’occuper des jeunes, un matin à 10h30, et se sont dit qu’il ne fallait pas me lâcher.

Il fallait avoir 18 ans pour passer le diplôme d’animateur, mais ils m’ont obtenu une dérogation et j’ai pu faire la formation. Je ne peux pas oublier le premier titre de champion masculin acquis par l’ASCT en 1998. Lors de la dernière journée, nous avons joué contre le HC Kani-Kéli qui lui aussi luttait pour gagner son premier championnat. Toutes les voitures de Tsingoni avaient fait le déplacement. Nous sommes arrivés une heure avant le début de la rencontre et tous nos supporters étaient au premier rang puisque ceux de Kani sont arrivés bien après. Ensuite, il y a eu le retour avec les klaxons. Après ce titre auquel je tenais tant, j’ai arrêté ma carrière de joueur.

 

MHS : Quels sont les souvenirs les plus difficiles ?

Badirou Abdou : Les fois où l’on pensait gagner et quand, finalement, on perdait. Cela a été le cas lors de notre première défaite en finale de la coupe de Mayotte avec Haïma. Il y a aussi mon départ de l’ASCT où l’on m’a accusé d’être un voleur et un tricheur. Sinon, cela ne m’est pas encore arrivé, mais échouer lors d’un examen, ce ne doit pas être simple non plus.

 

MHS : Quelles sont les enceintes sportives qui vous ont le plus impressionné ?

Badirou Abdou : La première fut le gymnase Casabona de Saint-Pierre, en 1989. Je jouais avec la sélection de Mayotte minimes-cadets de handball et c’est la première fois que je mettais les pieds dans un gymnase. Il n’était pas génial, mais on était complètement perdu, on n’arrivait pas à courir. Lors du même déplacement, nous sommes passés au Creps (Centre régional d’éducation physique et sportive) de la Réunion à Saint-Denis et il y avait des baies vitrées, ça n’existait pas à Mayotte.

Sinon, j'ai été ébloui par les installations des Jeux olympiques d’Albertville en 1992. J’y suis allé avec 5 autres jeunes Mahorais et Blaise Henry et j’ai découvert les téléphériques, tire-fesses, les pistes de ski et autres patinoires. A la Plagne, nous avons même fait une compétition de ski avec d’autres Ultramarins. Je peux citer également les installations mauriciennes, le gymnase de Mahamasina à Tana, le Palais omnisports de Paris-Bercy et le Stade de France.

 

MHS : Quelles sont vos idoles sportives ?

Badirou Abdou : Nikola Karabatic. Ce handballeur est inarrêtable, il sait tout faire. Pareil pour Zidane. En tant qu’entraîneur de handball, il y a Daniel Constantini, mais surtout Sylvain Noé, l’adjoint du sélectionneur Claude Onesta. C’est un phénomène. Sa manière d’animer, de mobiliser, ça donne envie ! Enfin, je ne peux oublier Bavou. Je l’ai entraîné, il a grandi avec moi, je l’ai engueulé sur le terrain et à la maison, quand je passais à Paris, j’allais chez lui.

 

MHS : Si le génie de la lampe d’Aladin vous demandez d’exaucer un souhait pour le sport mahorais, que serait-ce ?

Badirou Abdou : Il faudrait apporter plus de moyens pour encadrer la jeunesse mahoraise, c’est-à-dire former les éducateurs et construire des équipements de qualité. J’entraîne à Sada et pour m’entraîner correctement, je vais à Kavani Mamoudzou. Ce n’est pas normal ! Je suis frappé de voir à quel point la crise touche le monde du sport. La situation au conseil général, les sportifs la subissent. Est-ce à eux de payer les frais ? Il y a des responsables pour ces maladresses. Je demande aux élus locaux de penser autrement, de ne pas pénaliser les sportifs et d’encourager le dynamisme existant dans ce domaine. Ici, nous sommes au service des autres, très peu de gens sont rémunérés pour cela et on ne doit pas dire : “On ne participe pas aux compétitions régionales”, comme cela s’est déroulé pour les basketteurs de Vautour.

 

Propos recueillis par Faïd Souhaïli

 

Légende photo :

Badirou Abdou a réalisé le doublé coupe-championnat avec Haïma en 2009. Il n’oublie pas que sans le soutien de son épouse, ses enfants, de sa mère et de son oncle M. Moussa (les deux derniers sont aujourd’hui décédés), rien de cela n’aurait été possible.

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