11/04/2008 – Les associations mahoraises reçues à l’Elysée

Il y a deux semaines, à l’occasion de la session de formation organisée pour les associations d’Outremer établies dans l’Hexagone, au ministère de la santé, la ministre Michèle Alliot-Marie s’était montrée très ferme sur le plan de la lutte contre l’immigration clandestine – qui devrait s’intensifier – de même que sur le plan politique puisqu’elle a tenu à préciser que "les calendriers qui avaient été prévus seront respectés".
Même son de cloche du côté de la présidence de la République qui a reçu cette semaine, et c’est une première, une délégation de la Famm (Fédération des associations mahoraises de métropole) et du Comité Mayotte Département. Pour Nicolas Sarkozy, par la voix de sa conseillère technique à l’Outremer Marie-Luce Penchard, tout est clair : "ce n’est pas la France qui va décider du statut de Mayotte mais les Mahorais eux-mêmes. Nous attendons à ce que le conseil général s’exprime". Et pour ceux qui en douteraient, l’Elysée tient à préciser que ceci s’inscrit dans le cadre du calendrier législatif préétabli. "Ceci n’est en aucune manière une réaction aux récents évènements qui ont secoué Mayotte, mais le signe du respect des engagements de l’Etat".
 

"Ce n’est pas le statut qui va régler le problème de l’immigration clandestine"

Marie-Luce Penchard ajoute même que "quel que sera le choix des Mahorais, Mayotte restera française. Les Mahorais ne doivent avoir aucune inquiétude, mais sachez, ajoute-t-elle, que ce n’est pas le statut qui va régler le problème de l’immigration clandestine". De quoi lever toute inquiétude pour ceux qui considèrent que le statut actuel de Mayotte est un statut "hybride", n’octroyant aucune garantie quant au maintien de l’île dans la République.
Mais sur ce terrain plus précisément de l’immigration, l’Elysée a tenu là aussi, dans la manière et le style du chef de l’Etat, à lever toute ambiguïté. Car face aux angoisses exprimées par les associations mahoraises sur le refus des autorités comoriennes d’accueillir leurs clandestins, histoire de laisser le chaos gagner Mayotte, comme l’a laissé entendre Sambi, le conseiller diplomatique du Président de la République est ferme : "pour nous, la priorité maintenant c’est le retour aux frontières de tous les sans papiers".

 
"Il faut que les Comoriens arrêtent de fantasmer que la source de leurs problèmes c’est la France"

Rémi Maréchaux a tenu à préciser certains points, notamment par rapport aux propos du président Sambi qui a laissé entendre la semaine dernière, de retour à Anjouan après un an d’interdiction, qu’il était en discussion avec le Président Sarkozy sur la question de Mayotte. Celui-ci a clairement indiqué que Nicolas Sarkozy a fait savoir à Ahmed Sambi – et ce depuis septembre 2007 – que "nous ne sommes pas et nous serons sans doute jamais d’accord sur la question de Mayotte".

Avec son franc-parler, Nicolas Sarkozy aurait dit à son homologue comorien : "il faut que les Comoriens arrêtent de fantasmer que la source de leurs problèmes c’est la France. On ne pourra pas régler le contentieux politique, alors développons une politique de coopération", dans laquelle chacun des deux pays serait gagnant. Le Président de la République aurait ainsi proposé au président comorien de "faire en commun ce qui est en commun", notamment sur le plan de l’éducation, du commerce, etc.

Ces premières discussions de septembre dernier se seraient bien passées, de quoi garantir de meilleures relations dans l’avenir. D’ailleurs, selon ses proches, le Président de la République estime que durant les deux premières années, Sambi a été "un partenaire fiable". "Aujourd’hui, il est à la limite", d’autant que les Comores ont mis un frein à cette politique de coopération qui s'appuyait sur le document-cadre qui a été mis en place sous Girardin alors ministre de la Coopération en 2006.
La rencontre de septembre entre les deux présidents devait aller dans le sens de la continuité, avec notamment la mise en place d’un Groupe de travail de haut niveau, mais les autorités comoriennes n’auraient pas suivi, d’autant que le contexte n’a pas été favorable puisque la crise anjouanaise – qui a débuté dès le mois de juin 2007 et qui a duré dans le temps – n’a pas permis aux deux pays d’avancer selon la feuille de route tracée.

La France tient tout de même à préciser qu’elle a emboîté le pas en permettant par exemple la mise en place d’un vice-consulat à Anjouan où devaient être étudiées les demandes de visa, en contrepartie la France a bataillé pour obtenir l’adhésion de Mayotte à la Commission de l’océan indien (COI), alors qu’un "boycott sportif" paralysait toujours le monde sportif mahorais. "Nous avons obtenu un compromis, souligne Rémi Maréchaux, "ce qui n’est pas, je vous l’accorde, une situation satisfaisante. Car qui dit compromis dit que chacun renonce à ses valeurs et ses principes."

 

"Pour faire une coopération, il faut être deux"

Le rêve français aux Comores, version Sarkozy, devait être celui du modèle franco-allemand, c'est-à-dire "réussir avec les pommes de terre et les oignons ce que nos deux pays ont réalisé avec le charbon et l’acier". Mais aujourd’hui le rêve semble virer au cauchemar puisque les Mahorais, tant à Mayotte qu’en Métropole, tiennent à préciser que "pour faire une coopération, il faut être deux et surtout il faut se respecter mutuellement".
Sur le terrain diplomatique il incombe de rester optimiste et de croire qu’un dialogue, voire même une vie en commun – sans que chacun ne renonce à ce en quoi il croit – est possible tant que l’on privilégie les pourparlers. Mais la réalité des faits est qu’aujourd’hui nombreux sont les Mahorais à demander à ce que le gouvernement envoie un signal fort, qu’il condamne avec la plus grande fermeté les évènements du jeudi 27 mars qui "ont eu des conséquences humaines et matérielles assez lourdes", comme ont tenu à l’exposer à l’Elysée les responsables associatifs mahorais.

Sur ce plan, Marie-Luce Penchard a voulu insister que "lors de ce genre de situation de conflit et d’insurrection, la priorité pour l’Etat est de rétablir l’ordre public. La France a la responsabilité d’assurer la sécurité de tous ses citoyens, quel que soit le territoire dans lequel ils vivent et encore plus à Mayotte, malgré un contexte particulier dû notamment à la difficulté de contrôle des eaux territoriales, et la question de l’immigration est l’une des failles", selon la conseillère technique Outremer du chef de l’Etat.
Et pour elle, "ce qui s’applique à Mayotte s’applique aussi en Métropole", lorsqu’elle évoque ce qui s’est passé à Marseille il y a deux semaines où des Mahorais ont été pris à partie par des Comoriens alors qu’ils se rendaient dans une radio pour s’exprimer sur les récents évènements. Pour la présidente de la Famm, "ces évènements démontrent qu’à Mayotte ou en France, nos libertés fondamentales sont opprimées, nos libertés de penser, de circuler, de s’exprimer… avec des intimidations, des menaces, etc.".
L’Elysée a tenu à rassurer nos compatriotes que le préfet maritime de Marseille a été saisi afin d’assurer la sécurité de tous les citoyens, tout en appelant à l’apaisement entre les communautés et à la reprise des dialogues entre les différents partenaires, car il est sans aucune mesure incontestable que seuls le dialogue et le respect mutuel garantiront une paix durable dans l’archipel.

Les associations mahoraises se félicitent en tout cas de la "réussite" de cette mission. Elles souhaitent désormais être associées, dans l’unité, aux côtés des élus et parlementaires locaux, à ce long combat qui n’est tout autre que celui de la défense des intérêts vitaux de Mayotte et des Mahorais.

R.T Charaffoudine Mohamed

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