10/12/2009 – Tribune libre : Au-delà des évènements sociaux de l’île

 

 

{xtypo_dropcap}C{/xtypo_dropcap}ertains voient dans les "émeutes" de Petite Terre des "violences racistes". Cela est à notre sens une mauvaise appréciation des faits réels, et traduit ma foi la fracture sociale qui s’élargit entre certains nouveaux arrivants sur l’archipel et la population autochtone.

En ce qui nous concerne (responsable politique), il convient de tirer les leçons politiques qui s’imposent. Les élus locaux (par qui la crise s’est manifestée) et nationaux (qui sont les véritables responsables de cette situation) doivent savoir que la patience des Mahorais a des limites. En effet, voilà quarante ans que l’on demande aux autochtones de patienter avant d’accéder au "bonheur social" à travers le statut "magique" de département d’Outremer.

Pourtant durant toutes ces années, les élus nationaux (le Parlement en particulier) et le gouvernement ne travaillent pas sérieusement à l’intégration de notre archipel dans le monde occidental (dont les réflexes socioéconomiques sont diamétralement opposés à ceux de la société mahoraise). La formation des citoyens français et européens originaires de Mayotte reste un luxe réservé à une petite minorité (les Mahorais votent lors des élections nationales et européennes). Au 29 mars 2009, jour de la consultation populaire en vue de choisir définitivement le statut de département, que certains veulent "mouhakaka" (c’est-à-dire intégral ou assimilationniste à souhait), 90% des électeurs n’ont pas lu ou compris (faute de maîtrise du français) le fameux "Pacte pour la départementalisation" du président Sarkozy que ses "supporteurs UMP" brandissent néanmoins comme si c’était la parole de Dieu (c’est-à-dire non négociable).

Nous autres, nous l’avons dénoncé, car il portait les germes de conflits sociaux futurs de par la pauvreté de son contenu en matière de progrès social après des années de destruction des solidarités mahoraises sous prétexte de rattrapage législatif, condition préalable à l’obtention du statut départemental résumé par l’expression "droit commun". Or, les Français ont été pendant des années maintenus dans un droit coutumier pour les affaires civiles, éloigné du "métropolitain" réservé aux seuls Mahorais de confession chrétienne. Mais au pays du "Ji moja" (une seule voix, celle des parents qui ont dit "Non, Karivendzé" à l’"Indépendance à la c… des Comoriens"), le débat contradictoire afin d’améliorer sur le plan social le "pacte sarkozyen" n’était pas possible. Devant le dilemme proposé, le "pacte" ou rien, le Parti social mahorais, dont les membres ne sont pas hostiles au statut départemental qui reste en définitive un simple cadre juridique, s’est prononcé en faveur du "oui massif". Toutefois, il n’est pas mauvais de préciser qu’au lendemain du 29 mars, les cadres de notre parti se sont mobilisés avec d’autres camarades pour créer une fédération progressiste afin de proposer une alternative au camp de la droite dominé par l’UMP (par la rédaction d’un projet de société crédible plaçant l’homme au cœur de l’activité économique).

Il est curieux de constater que la majorité actuelle du conseil général à l’unisson derrière la politique du Président Sarkozy, présenté comme le "messie" pour Mayotte, soit en désamour avec celui-ci avant même l’entrée en vigueur du statut de département "tant rêvé". Dans L’Homme et la Couleuvre, Jean de la Fontaine interroge en ces termes : "(…) S’il fallait condamner tous les ingrats qui sont au monde, à qui pourrait-on pardonner ?". Que nos élus méditent cela.

Le comité (très restreint) du suivi pour la départementalisation (il se limite aux partis qui siègent actuellement au conseil général) doit savoir que les revendications des habitants de l’île Pamandzi contre la "vie chère" reflètent un sentiment général à Mayotte, et que la seule venue du Président Sarkozy sur l’archipel au lagon ne saurait apaiser définitivement la misère sociale vécue depuis des années par les Mahorais qui, excédés, n’hésitent plus à s’exiler en masse en Métropole ou dans le département de la Réunion.

En fait, comment peut-on parvenir à une justice sociale à Mayotte alors que le pouvoir décisionnel (politique, économique et financier) se situe à Droite ?

Pour la Droite, la question sociale semble idéologiquement incongrue. Selon elle, l’égalité passe par l’aide des riches autant que les pauvres. Par ce mécanisme, le gouvernement de Droite actuel favorise l’injustice sociale. Mais encore faut-il que certains Mahorais comprennent d’abord cette approche économique, et ne s’empressent pas d’entretenir des débats polémiques stériles qui traduisent leurs faiblesses dans le domaine.

Pour parvenir ou plutôt tendre vers l’égalité républicaine (fondement de notre démocratie), il faut conforter la justice sociale. Pour cela, il est urgent d’introduire la notion d’équité dans les rapports économiques ou commerciaux à Mayotte ; c'est-à-dire, en prenant l’exemple du transport maritime entre Dzaoudzi et Mamoudzou, chacun (l’Etat, la Collectivité départementale, les entreprises et les particuliers) doit payer en fonction de ses moyens et recevoir en fonction de ses besoins. Car la crise sociale que nous subissons aujourd’hui de plein fouet est la conséquence logique des manquements ou de l’absence de sens moral de "petits génies de la finance" qui, en voulant mettre à profit (rentabilité maximum, autorégulation du marché, valeurs fondamentales de la Droite libérale, notamment de l’UMP) le système libéral, ont entraîné le monde dans une crise financière aux effets destructeurs en matière de cohésion sociale.

Dans le cadre général, l’équité (politique et économique) consiste à soutenir sérieusement le plus démunis en matière de formation, d’emploi et de revenu. Ce soutien ne doit s’arrêter qu’au moment où la situation (l’aide) devient contre-productive.

Aujourd’hui, l’on observe un tout autre spectacle. Le Mahorais (la Collectivité territoriale) ne reçoit que les "miettes" ("matsémbé") de la table du riche (la Collectivité nationale) afin d’atténuer sa faim. C’est l’impression donnée par la visite éclaire de la ministre de l’Outremer le week-end du 5 au 6 décembre dernier. Les injustices sociales graves, que vivent au quotidien les Mahorais (à titre d’exemples, les élèves mahorais reçoivent de maigres collations dans les établissements publics, pendant qu’en Métropole ils ont des repas équilibrés, l’absence de minima sociaux accentue la fracture sociale, l’échec scolaire et son corollaire le chômage massif des jeunes, etc.), sont occultées au profit d’une lutte souvent maladroite (dans les quartiers où la fréquence et l’intensité des contrôles d’identité laissent penser à certains Mahorais qu’ils ne sont plus sur leur terre) contre l’immigration irrégulière que l’on peut traiter en amont vu les accords bilatéraux existants entre les Etats en présence.

Les dirigeants de l’UMP, fédération de Mayotte, ne devraient pas occulter les ratés de leurs amis à Paris et à Mamoudzou et se réjouir de la misère sociale qui frappe l’ensemble des Mahorais actuellement (plusieurs artisans ne sont pas payés faute de DGF suffisant). Ils devraient en revanche secouer leurs "compagnons" au niveau national (le ministre des transports et du budget par exemple), afin que l’espoir et la confiance reviennent dans l’archipel s’ils veulent réellement mettre fin à la spirale des défaites politiques initiées depuis 2007.

Pour cela, le "Collectif des citoyens perdus" et à travers eux la majorité des Mahorais devront encore patienter quelques années parce que le cœur est à Gauche, et non pas à Droite. La solidarité et la générosité viennent du cœur. Et comme les élus de l’UMP ne connaissent pas le langage du cœur, mais plutôt celui des bombes lacrymogènes et des flash-balls, droits dans les bottes, ils feront toujours appel aux spécialistes (les gendarmes mobiles) qui seront naturellement félicités pour mission accomplie !… Le dialogue social reste malheureusement toujours secondaire.

Jusqu’à ce jour, par exemple, la population mahoraise ne sait pas le format de l’assemblée unique de 2011, les compétences dévolues à celle-ci (département et région) ne sont pas dévoilées et débattues publiquement.

Que de cachotteries de la part du président du conseil général et du gouvernement sur les financements et les modalités réelles de fonctionnement du 101ème département français. Mais dans notre archipel, l’espérance semble être une seconde nature. Il convient pourtant de méditer dès à présent cette citation de ce grand monsieur de notre littérature française dont le Président de la République entend transférer les cendres au Panthéon : "Tout le malheur des hommes vient de l’espérance" (Albert Camus). Camus était de Gauche, et soutenait les opprimés!

 

Saïd Ahamadi,

président du Parti social mahorais

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