{xtypo_dropcap}E{/xtypo_dropcap}n revanche, il faudrait s'occuper en urgence de l'éducation – c'est dramatique – et des grandes infrastructures indispensables, promises à chaque visite ministérielle depuis des années, comme la piste longue et l'aérogare, le haut débit, l'assainissement. Il y a aussi deux chantiers prioritaires que sont le foncier et l'état civil, et enfin une inquiétude grandissante : l'immigration clandestine, qu'il faut régler rapidement. Ils sont essentiels pour asseoir des bases solides au développement, tant attendu, du futur département. Les forces vives pourraient alors essayer de s'occuper avec les élus du social et du développement économique, si ces bases sont saines.

L'éducation a été laissée à l'abandon pendant des décennies. Il y a aujourd'hui une rotation dans toutes les salles de classe de la zone de Mamoudzou et Koungou. Des enfants ont cours le matin, d'autres l'après-midi, c'est l'usine, bientôt les 3/8. Ce socle de la République est branlant, inquiétant. L'égalité des chances n'est pas assurée et l'avenir hypothéqué. La maîtrise du français est encore bien trop mauvaise et la vague de l'explosion démographique arrive dans les collèges surchargés (1.500 élèves dans des collèges prévus pour 900 !), et bientôt dans les lycées insuffisants. Faute de programmation, de foncier et de moyens mobilisés en amont, on est obligé de construire des préfabriqués "provisoires" en urgence à chaque rentrée, au détriment évidemment de l'impact positif sur le BTP qu'aurait eu la construction de "vrais" établissements.

Des milliers de jeunes sont déjà dans les rues, tous les jours, sans aucun niveau scolaire, sans qualification, à la recherche d'une formation, d'un emploi, d'argent pour vivre en l'absence de minima sociaux. Nous devons trouver des solutions pour ceux qui sont dans les rues, mais vous devez mettre les moyens nécessaires pour empêcher que des générations entières continuent à être sacrifiées. Il faut classer toute l'île en ZEP, assurer des cours de soutiens massifs ! Il y a là urgence.

Pour la piste longue et l'aérogare, chaque "visiteur" nous les promet. Il faut aujourd'hui payer 1.500 euros pour se rendre en Métropole. C'est énorme. C'est un poids lourd qui pèse sur toute l'économie locale, sur toute la société. Cela obère tout développement du tourisme, tout échange familial, scolaire, culturel, sportif, économique avec l'extérieur, toute exportation du poisson de l'aquaculture, malgré le potentiel gigantesque. Nous exportons même pas 200 tonnes et sommes déjà les premiers producteurs ultramarins, alors qu'une étude estime le potentiel à 10.000 tonnes par an…

Monsieur le Premier ministre, il a fallu 4 ans pour valider notre Padd… Et pendant ce temps-là, énormément de projets étaient gelés; nous attendions, patiemment. Vous êtes venu, nous vous en remercions et nous demandons à être entendus. Nous ne demandons pas l'aumône, ni des faveurs, mais à être entendus, que les dossiers concernant Mayotte, ce caillou dans l'océan Indien, ne soient pas oubliés sous des piles imposantes dans des ministères.

Il a fallu 50 ans de combats, d'inquiétudes dans l'avenir, d'attente, pour aboutir enfin à la consultation du 29 mars. C'est sous votre Gouvernement que cela s'est passé. La dynamique ainsi lancée ne doit plus s'arrêter. Nous demandons maintenant votre soutien pour pouvoir réussir notre départementalisation, pour réussir notre intégration dans l'Europe en devenant Rup au 1er janvier 2014. Pour cela, les chantiers de l'état civil et du foncier doivent être menés à leur terme d'ici là.

Nous sommes un avant-poste de la France, de l'Europe, de la francophonie dans cette belle région. Nous pouvons faire rayonner des valeurs, des idées, des techniques. La protection et la gestion durable de l'environnement insulaire, les énergies renouvelables, la formation technique et universitaire, la santé, les expérimentations menées en région tropicale peuvent être des atouts dont Mayotte pourra faire profiter ses voisins et au-delà.

Notre magnifique lagon recèle de trésors que nous aimerions valoriser. Les cultures swahilies, malgaches, bantous, arabes, européennes se sont croisées ici et la population de Mayotte, forte, riche de ces brassages, de ces langues, demande à pouvoir l'apporter dans la corbeille de la République. Pendant des années nous avons été des citoyens de seconde zone dans la République. Aujourd'hui nous aimerions pouvoir assurer le développement de ce territoire. Merci d'être venu nous entendre et de comprendre que nos besoins sont importants, à notre petite échelle. Ailleurs il faut réformer, gérer, ici il faut bâtir.

 

Laurent Canavate