{xtypo_dropcap}J{/xtypo_dropcap}e demande d’abord que les intervenants qui se présentent dans les médias aient un grand respect pour les vieux "bacocos" de Mayotte, pour avoir repris une activité délaissée par les sociétés coloniales, la dernière, la Bambao, ayant cessé ses activités d’exportation au début des années 1980.
Si cette dernière comme tant d’autres ont quitté Mayotte, c’est parce qu’ils ont constaté les difficultés qui allaient en s'amplifiant, liées à la stagnation, voire la baisse des cours internationaux, face à la hausse du coût de la main d’œuvre à Mayotte.
Il faut que tout le monde comprenne que l’ylang n’est pas rentable à Mayotte, et nous aurons beau avoir la plus belle essence du monde, si les acheteurs ne sont pas disposés à négocier les huiles d’ylang au prix coûtant, peu de jeunes s’intéresseront à cette filière. Ou faudrait-il rémunérer les ouvriers agricoles à moins de 50 € par mois pour avoir un produit concurrentiel ? Sachons qu’avant de voir l’huile dans les bouteilles et jerricans, il faut cueillir les fleurs, chercher du bois, chauffer les cuves durant 24 heures, et je ne parle pas de l’entretien des champs.
Par ailleurs nos intervenants, ceux qui défendent l’essence d’ylang de Mayotte, omettent volontairement de préciser que l’importation d’huile d’ylang a été interrompue en 2009, suite aux effets de la crise mondiale, par les parfumeurs eux-mêmes qui préfèrent l’ylang synthétique, non pas pour sa qualité s’il vous plait, mais parce que cela leur coûte presque rien. Monsieur Brulé est venu l’annoncer lui-même, lors de son dernier séjour dans l’île au mois de juin de cette année.
Parallèlement à cette décadence, amplifiée par la crise, et contrairement à ceux qui annoncent haut et fort qu’aucune aide n’est apportée à ce secteur, le conseil général injecte tous les ans 200.000 euros (400.000 euros depuis 2007) pour soutenir la filière. C’est une aide qui va droit vers les producteurs, qui est renforcée par une autre aide de la cellule Stabex pour la promotion de la qualité et de la commercialisation. Enfin, à tous ceux qui projettent de renouveler leur alambic, un dispositif d’aide est en place depuis plus de dix ans.
En conclusion, quelques efforts que nous entreprendrons ne seront pas assez efficaces pour notre ylang, si les acheteurs mondiaux verrouillent le marché et n’apprécient pas notre ylang à sa juste valeur. Ne soyons pas choqués si j’avance l’hypothèse que l’ylang de Mayotte deviendra une plante de musée, destinée aux touristes dans l’horizon 2020.
Mounirou Ahmed Saïd
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