{xtypo_dropcap}L{/xtypo_dropcap}e vide n'est pas néant. Bertrand de la Peine tente de le démontrer dans ce roman fait de parcours différents. Au centre de l'intrigue : un tableau. Il représente l'expérience, menée par Otto Von Guericke, des "Hémisphères de Magdebourg". En 1640, ce passionné de physique enchaine une sphère de cuivre, dans laquelle il a préalablement fait le vide, à deux attelages de huit chevaux. Ces deux attelages, tirant dans des directions opposées, ne purent séparer les deux hémisphères soudées par l'absence de pression atmosphérique. Autour de ce tableau, deux personnages. Deux hémisphères, le vide entre eux.

Bline, dont le père, chercheur spécialiste de la période "seldjoukide", vient d'être assassiné, retourne sur les terres de son enfance, en Turquie. Et Benedikt Centaure-Wattelet dit Monsieur Ben, qui dévore des saucisses aux lentilles après minuit dans son village de Belgique.

Bline marche sur les traces de l'assassinat de son père lorsque Monsieur Ben vole vers un dernier pillage, au sommet du mont Nemrod. Truculent octogénaire, il fume des "chester", boit tout ce qui lui tombe sous la main, ne refuse jamais une petite virée dans les bordels et est bien connu des services d'Interpol en tant que trafiquant d'art. Bline, explosive et déroutante, va faire une découverte qui écornera l'image de son père. Des correspondances entretenues avec un certain Centaure-Wattelet, révélatrices et menaçantes.

Une lecture comme une ballade dans l'hiver anatolien, rythmée par les pérégrinations des personnages. Le suspens est entretenu. Les réponses à trouver par soi-même. La boucle bouclée.

Ce roman, Bertrand de la Peine a mis un an à l'écrire, vingt ans à le faire mûrir. Il ne croyait pas pouvoir trouver sa place dans le milieu de la littérature. "Je pensais n'avoir aucune chance", avoue-t-il. Il a fini par envoyer le script à un écrivain publié par les éditions Minuit, Jean Echenoz. Celui-ci l'a fait lire à Irène Lindon, directrice de cette maison d'édition, qui a aussitôt pris la décision de le publier.

Aujourd'hui, Bertrand de la Peine s'attelle à un autre projet, dont l'action se déroule en Irlande. "J'aime la distance que j'arrive à avoir avec ces lieux où j'ai vécu et que j'ai quitté. Le lieu est le personnage", confie-t-il. A Mayotte depuis trois ans, il n'écarte pas la possibilité d'un roman en terre mahoraise.

 

Juliette Piolat