{xtypo_dropcap}I{/xtypo_dropcap}l convient de rappeler que Mayotte est passée de 40.000 habitants en 1975 à 200.000 aujourd’hui. Dans le même temps, sa population scolaire est passée de 5% d’une tranche d’âge en 1975 à plus de 90% actuellement. Chaque année, plus de 3.000 jeunes arrivent sur le marché de l’emploi avec plus de 50% ayant le baccalauréat et que moins de 1.000 personnes ont la possibilité de trouver un emploi dans le territoire.

Comme à Mayotte il n’y a pas les minima sociaux, plus de 50.000 concitoyens sont partis pour la Réunion (plus 30.000) et la Métropole (plus de 20.000) et comme la nature a horreur du vide, autant de personnes en situation d’immigration clandestine sont venues s’y installer dans le même temps et avec le lot d’inconnu qui en découle…

A cela, il convient aussi d’ajouter la volatilité des prix : le carton d’ailes du brésil 10 kilos vendu 25 euros, le mètre cube d’eau vendu à pratiquement 2 euros, le mètre carré bâti à 1.000 euros, la brique de lait à 2 euros, le prix du kilo de poisson dépassant les 5 euros, le kilo de viande fraiche à plus de 10 euros, la course de taxi à plus de 1 euro…

Devant ces réalités, qui ne peuvent pas être ignorées si l’on veut que la départementalisation déjà votée et prévue effective en 2011 se caractérise par une réussite pour tous, le Pacte pour la départementalisation de Mayotte a parlé d’un département à inventer. Les Mahorais se sont prononcés à plus de 95% en sa faveur. L’action ici doit être consensuelle, rapidement. Je formule mes vœux pour 2010.

 

1-) La mise en place, dès 2010, du fonds de développement économique et social de Mayotte pour doper l’emploi en soutenant, en priorité, l’organisation du transport en commun de Mayotte de type RATP (par exemple un tram-train reliant les grands axes et un réseau de bus et de taxis coordonnés…) pour permettre une fluidité de circulation des personnes et des biens; l’aide à l’installation et à la production dans l’agriculture, l’aquaculture et la pêche dans le but d'atteindre l’autosuffisance alimentaire; la mise en place d’un vrai réseau de restauration scolaire associé à un soutien actif à la restauration collective; la mise en place d’une véritable politique de construction et d’accès au logement social en favorisant l’intervention du 1% logement à Mayotte; le soutien accru à l’alphabétisation…

L’accent devra être mis sur les secteurs d’avenir et créateurs d’emplois, notamment dans l’agriculture, la pêche, le développement économique, l’écotourisme. Tous les outils de facilitation doivent être mobilisés.

 

2-) Les infrastructures de base et d’appui.

Dans le cadre du plan de relance, permettre la construction et la mise en place, par anticipation, des infrastructures de base et d’appui utiles au développement économique de Mayotte, notamment l’aéroport, le port, le pôle universitaire…

Ces mesures devront s’accompagner d’une révision nécessaire du prix du billet d’avion entre Mayotte et Paris et, en même temps, du branchement rapide de l’île au réseau haut débit, ce qui pourrait provoquer des effets démultiplicateurs de l’investissement initial… Cela commande une grande action positive à ce sujet dès 2010.

 

3-) Les outils d’accompagnement de l’évolution sociale et de l’emploi.

La création massive d’emplois et la mise en place des prestations sociales et familiales, annoncées d’ici 2011, commandent :

– la transformation de l’actuelle caisse locale de sécurité sociale de Mayotte en une caisse générale de sécurité sociale, intégrant au passage le Régime social des indépendants et la Mutualité sociale des agriculteurs.

– la transformation de l’actuel établissement des allocations familiales de Mayotte en une véritable caisse départementale des allocations familiales,

– la transformation de l’actuel Pôle emploi en un véritable Pôle emploi de plein exercice indépendant de la Réunion…

La concrétisation de ces transformations doit être vigoureusement et rapidement réalisée en 2010 pour accueillir la départementalisation annoncée effective en 2010.

 

4-) Plan Marshall en faveur de l’alphabétisation et la mobilité.

Sur les 200.000 habitants, quasiment 100.000 sont en situation de sans emploi rémunéré et répertorié et plus 40.000 personnes sont en situation de non connaissance de savoir de base. C’est pourquoi je préconise, avec la plus grande force, un véritable plan Marshall pour l’alphabétisation fonctionnelle. Les associations, les entreprises et les collectivités locales doivent être incitées à recruter les sans emploi par le biais des contrats d’intégration dans l’emploi ayant un volet de formation sur le savoir de base et un volet de formation pour un emploi : l’intégration. L’objectif étant de ramener rapidement le nombre de personnes en situation d’emploi au dessus de 50% de la population.

Un travail d’aide à l’insertion et l’intégration des Mahorais hors de Mayotte doit être soutenu par les différents acteurs publics, notamment au travers de conventions d’objectifs entre les collectivités locales et leurs homologues de la Réunion et de la Métropole (Collectivité départementale de Mayotte et le département de la Creuse), mais aussi entre les structures publiques de Mayotte et leurs homologues de la République (Caf Mayotte et Caf de Marseille, de Lyon… Maison départementale d’insertion de la Réunion et la Maison départementale d’insertion de Mayotte…). L’objectif étant que le Mahorais devra se sentir chez lui partout dans le territoire national.

Je formule un vœu de création, dès 2010, d’un Groupement d’intérêt public associant les présidents des collectivités locales, les représentants des syndicats (patronat et salarié) et du monde associatif pour s’occuper de ce dossier.

 

5-) L’intégration dans la fonction publique.

Jusqu’en 2000, les agents locaux recrutés par le préfet, représentant du gouvernement et exécutif du conseil général de Mayotte pour la fonction publique de Mayotte, pouvaient servir tantôt dans la fonction publique hospitalière, tantôt dans la fonction publique de l’Etat ou rester dans la fonction publique territoriale.

Ce même Préfet a eu aussi jusqu’en 2004, voire en 2008, le contrôle a priori, voire même "d’opportunité" sur les recrutements dans les communes et les établissements associés.

Les accords politiques de 2000, suivis de la loi de 2001 relative à Mayotte, des décrets et suivants ont retenu le principe de l’intégration, avant le 31 décembre 2010, dans les 3 fonctions publiques pour l’ensemble des agents en fonction au 21 juillet 2003. Pratiquement rien de sérieux n’a été fait. Aussi, 31 décembre 2008, moins de 20% des effectifs ont été intégrés.

Créé en 2007, notre union départementale a contribué grandement à l’ouverture des débats sur ces intégrations dans les fonctions publiques et surtout à l’aboutissement d’accord cadre acceptant :

– l’intégration des agents en fonction au 31 décembre 2008,

– retenant aussi la reconnaissance des acquis et de l’expérience comme outil à utiliser pour les intégrations, notamment de catégorie A et B…

Les décrets apparus début octobre 2009 et suivant sont très clairs et ne semblent pas tenir compte de ces discussions difficiles qui ont eu lieu à Mayotte juste avant la consultation des Mahorais sur leur statut institutionnel.

 

Pour 2010, je sollicite :

– une réunion de bilan des évolutions des intégrations issues de l’accord cadre du 8 avril 2009, que nous pouvons appeler "comité interministériel de suivi des intégrations dans la fonction publique à Mayotte pour une relecture des décrets et un échéancier, de l’ensemble des acteurs locaux et nationaux, sur les perspectives d’avenir",

– l’ouverture du débat sur les sujets localement encore non aboutis que sont la reconnaissance de l’ancienneté générale de service, l’évolution des pensions retraite et l’indexation des salaires.

– concernant spécialement la fonction publique hospitalière à Mayotte, il est urgent de faire bénéficier la caisse générale des œuvres sociales pour leurs compléments santé, leurs vacances, leur restauration, leurs déplacements professionnels…

Le comité de suivi local de l’intégration des agents de la fonction publique de Mayotte dans les fonctions publiques devra se transformer en comité consultatif de la fonction publique, présidé le préfet de Mayotte, avec la représentation qui suit : un représentant par syndicat de salarié confédéré représenté à Mayotte, le président du conseil général de Mayotte, le président de l’Association des maires de Mayotte, le président du CA (et le directeur) du Centre hospitalier de Mayotte…

 

6-) Les autres sujets importants et urgents

Un certain nombre de dossiers sont actuellement à un stade très avancé de la négociation, je souhaite que 2010 permette leur réalisation :

– le chèque déjeuner,

– la création d’un fonds départemental de formation et de représentation syndicale,

– l’agence régionale d’amélioration des conditions de travail…

– la transformation de l’établissement des allocations familiales de Mayotte en caisse des allocations familiales de Mayotte,

– la transformation de la caisse de sécurité sociale de Mayotte en caisse générale de sécurité sociale pour intégrer le régime social des indépendants (RSI) et la Mutualité agricole (MSA),

– que le Pôle emploi de Mayotte se libère de la tutelle du Pôle emploi de la Réunion

– l’alignement dans les conditions et dans le montant de l’allocation de rentrée scolaire….

 

Certains sujets sont d’une importance sociale et économique évidente. Je souhaite que, très fortement et rapidement, les débats locaux (à la Commission consultative du travail) puissent être ouverts sur :

– l’intervention du 1% logement. Actuellement se débattent des nouvelles orientations sur ce dispositif. Mayotte devra rapidement prendre le train, notamment en créant son CIL et en intégrant l’interCil-Dom. J’ai vu pendant mon court déplacement à Paris, début décembre 2009, la direction du 1% logement qui m’a donné un accord de principe, le ministère de l’Outremer soutient cette démarche.

– la mise en place du dispositif de formation tout au long de la vie, pour tenir compte de la jeunesse de la population locale, du développement économique de l’île et son insularité.

– la prise en charge des frais de déplacements professionnels.

Ce travail ne peut se faire, s’accompagner, être couronné de succès, que si l’Union départementale CFE-CGC Mayotte retrouve les moyens que lui donne actuellement la loi et que si vous lui donnez les vôtres en adhérant massivement à la CFE-CGC, dans le secteur public comme le secteur privé.

 

Le président de l’Union départementale CFE CGC Mayotte,

Soulaimana Noussoura