{xtypo_dropcap}U{/xtypo_dropcap}ne action régulière menée depuis six mois qui semble aujourd'hui porter ses fruits, même s'il y a quasiment pas de lavoirs installés, un faible équipement en machines à laver et l'absence d'un réseau d'assainissement hors de Mamoudzou. Tout cela rend ces efforts un peu vains : toutes les eaux usées se déversent de toute façon dans le lagon. Récit d'une journée en compagnie de ces protecteurs de l'environnement.

Ce dimanche matin, au passage à gué à Miréréni-Combani de la rivière Chajou, les lavandières sont à leur ouvrage et accueillent les agents avec le sourire, même si elles savent qu'elles sont en infraction. L'utilisation de produits lessive agressifs et d'eau de javel sont strictement interdits, d'autant plus en amont des captages d'eau potable, comme c'est le cas sur ce site.

"La lessive se retrouve directement dans les robinets", constate Loïc Thouvigon, de la police de l'eau, qui distribue avec son équipe depuis trois ans des savons naturels, qui sont eux, tolérés, à défaut de lavoirs et d'un réseau d'assainissement disponibles à Mayotte.

Les polyphosphates présents dans les lessives conduisent en effet à l'eutrophisation des rivières qui deviennent saturées d'algues toxiques qui consomment tout l'oxygène disponible. Les inconvénients de cette pollution sont la diminution de qualité de la ressource et celle de la biodiversité. En plus des très nombreux déchets plastiques aux abords des sites de lavage, la barrière biologique formée par ces lessives empêche la faune de se mouvoir dans son milieu naturel et la flore de se développer normalement.

 

"La pollution des eaux est un délit"

 

Sous l'œil vigilant de Nourdine Abdou, de la police de l'eau, qui leur a donné des sacs poubelle, les villageoises ramassent les déchets dans et aux abords de la rivière, en guise de sanction. Comme à chaque fois lors de ces opérations qui ont lieu une à deux fois par mois, plusieurs personnes ont également été convoquées dans les locaux de la Brigade nature à Miréréni pour un rappel à la loi par Sidi, le délégué du procureur.

"Il y a 6 mois, 95% des lavandières utilisaient de la javel et du "Klin". Depuis que nous faisons un peu de répression, elles sont maintenant environ 50%", constate Loïc Thouvigon, qui recueille des données grâce à un système GPS pour évaluer la fréquentation des sites et établir une cartographie précise de l'impact des lavandières sur l'environnement.

Bernard Enrique, gendarme Free à la brigade de Sada, peut également leur faire payer une amende de 30 à 80€, ce qui représente une somme très importante pour les lavandières. "La pollution des eaux est un délit défini et réprimé par l'article 216-6 du Code de l'environnement", précise Sidi.

"Les contrevenants risquent jusqu'à 75.000€ d'amende et 6 mois d'emprisonnement pour déversement de substance nuisible dans les eaux superficielles". Après avoir saisi les sachets de "Klin" et les petites bouteilles d'eau de javel, les agents se rendent ensuite le long de la rivière Ourovéni où une quarantaine de femmes de tous âges lavent leur linge, en amont de la cascade de Mwala, jonchée d'ordures de toutes sortes.

 

Seulement 11 € d'amende contre les laveurs de voitures…

 

La Brigade nature mène ce genre d'actions en amont des captages, sur une quinzaine de sites autour de Combani et une dizaine à Dzoumogné, ainsi qu'une dizaine d'autres autour des villages clandestins de Vahibé et Kwalé. A l'abord de ces quartiers, il n'y a pas de ramassage d'ordures et encore moins d'assainissement. Les eaux usées des habitations se déversent directement dans les rivières, ce qui rend les efforts des agents un peu vains. "Les mairies aussi sont responsables, pour construire les lavoirs et évacuer les déchets", tient à rappeler le gendarme.

En fin de matinée, les agents s'arrêtent non loin de Sada pour verbaliser un jeune homme en train de laver sa voiture avec l'eau de la rivière. En application de l'arrêté préfectoral n°103 de 2007, il écope d'une amende de 11 €, qui peut être multipliée par 5 s'il s'agit d'une personne morale.

"Cette amende est quasiment le même prix que le lavomatic", déplore Bernard Enrique, alors que dans le même temps les amendes pour le dépôt ou l'abandon de déchets peuvent aller jusqu'à 1.500 €. Le lavage de voiture en rivière est pourtant une grave atteinte à l'environnement : "Le jour où il pleut, les résidus d'hydrocarbures, les graisses et le liquide de frein se déversent dans la rivière", explique Jean Mehl, le chef de la Brigade nature.

Le travail des agents chargés de la protection de l'environnement à Mayotte est énorme, compte tenu de la pauvreté et de la quasi-absence d'éducation à l'environnement. Heureusement, les effectifs se renforcent : 19 agents du conseil général, de la Brigade nature, de la Daf et de la réserve naturelle de l'îlot Bouzi viennent d'être formés pour la protection de la faune et de la flore, contre 4 actuellement. Ils devraient être opérationnels d'ici la fin de la l'année et permettront de renforcer le dispositif de prévention et de répression, pour que les générations futures puissent elles aussi profiter des richesses naturelles de l'île.

 

Julien Perrot