A Mayotte, le mort est "ballotté" entre deux cultures
"Autopsie d'un macchabée" a été écrit deux mois avant les émeutes du 27 mars, signale son auteur. Cette dernière pièce tombe en pleine actualité. Cela démontre que l'artiste, à l'exemple de Nassur, "est toujours en avance, il voit souvent des choses arriver et ce sont les autres qui s'étonnent après. L'artiste lui, regarde, écoute et il prévoit les changements, les conflits etc."
Après l'"Interview d'un macchabée" en 2005, Nassur Attoumani nous propose son "autopsie" cette année. Pour expliquer cette déchronologie – avant qu'un macchabée soit enterré puis interrogé – il faut qu'il meure. Et la mort peut faire rire franchement.
A Mayotte force est de constater que le mort est "ballotté" entre la culture musulmane et la culture occidentale. La culture musulmane veut qu'on enterre les morts dans les plus brefs délais, contrairement à celle occidentale qui recommande de les emmener d'abord à la morgue pour l'autopsier si nécessaire avant de les enterrer. La nouvelle pièce de Nassur Attoumani met en avant le "conflit entre la chariya musulmane et la loi républicaine." Le traitement des morts à Mayotte est un sujet toujours en actualité.
"- Mahossa : Dans notre culture, toute personne morte en cas d'accident ne doit pas attendre le lendemain de sa disparition pour être enterrée.
– Dr Chikungunya : Scientifiquement, avant de délivrer un certificat de décès et un certificat d'inhumation, l'Etat doit s'assurer d'abord que la personne concernée a bel et bien quitté le monde des vivants… Or… dans le cas présent, il semblerait que ce patient soit tombé dans un coma végétatif…"
"Même les boîtes de conserve ont des codes barre"
L'histoire se déroule à la chambre mortuaire et les personnages principaux sont Mahossa, un religieux musulman, et Dr Chikungunya qui est le "seul" médecin légiste du pays. Le premier porte un costume traditionnel pakistanais et un turban à queue et le second est en blouse blanche, porte un stéthoscope autour du cou et une mallette de secouriste dans la main droite. Mahossa vient de découvrir un cadavre dans la mangrove et l'emmène à la morgue.
"- Mahossa : C'est le troisième cadavre que, grâce à Allah, je repêche ici, en moins d'une semaine. Dieu soit loué, les villageois sont déjà en train de creuser sa tombe, au cimetière des adultes.
– Dr Chikungunya : (Indigné au plus haut point) Creuser sa tombe ? Comment ça ! Creuser sa tombe ? Qui vous a délivré le permis d'inhumation ? (…)
– Mahossa : (Abasourdi) Dans quelle langue dois-je te parler ? Ce macchabée ! Je l'ai ramassé dans la mangrove. Il n'avait ni passeport, ni permis de conduire, ni aucun papier d'identification sur lui.
– Dr Chikungunya : Scientifiquement, même les boîtes de conserve ont des codes barre pour qu'on puisse reconnaître leur pays d'origine. Si on ne sait rien de lui, la recherche de son ADN s'avère impérative."
Nassur Attoumani ne fait aucun dérapage sur ce sujet sensible. Il reste bien sur le fil du rasoir.
Les répétitions de l'"Autopsie d'un macchabée" ont commencé il y a un mois. Cinq personnes se partagent les rôles de la pièce : Frédéric Mary (Dr Chikungunya), Kamel Adjemout (Ibis), Nassur Attoumani (Macchabée), tous trois professeur d'anglais, Nabé (Mahossa) et Sinina Attoumani (les 3 diablottins). Cette nouvelle création sera présentée dès la mi-mai par la troupe M'kakamba. C'est un spectacle tout public, "pour petits et grands et toutes les communautés". Et même si la pièce parle de la mort, "les gens doivent venir avec leur mouchoir pour pleurer de rire", invite Nassur.
"Autopsie d'un macchabée"
Les représentations pour le mois de mai 2008
Les 15, 16 et 17 mai (lieux à confirmer)
Le 23 mai à la MJC de M'gombani
Le 30 mai au collège de M'tsamboro
Le 31 mai à la MJC Kani-Kéli
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