{xtypo_dropcap}C{/xtypo_dropcap}’est au sein des locaux des sapeurs-pompiers de Petite Terre, que les différents protagonistes des émeutes du 2 décembre ont été réunis jeudi dernier. D’un côté des policiers de la Paf, sévèrement touchés lors des évènements, ainsi que la direction du centre de rétention administrative. De l’autre, des mineurs accompagnés de leurs pères. Les quatre jeunes ont été placés sous contrôle judiciaire pour avoir jeté des pierres sur les forces de l’ordre.
Pendant une heure, les deux parties ont pu échanger, une rencontre haute en émotions, durant laquelle la policière gravement blessée lors des évènements a pu s’exprimer. "Ses premières paroles ont traduit l’incompréhension face à tant de violence et de haine", raconte Thierry Bourreau, directeur adjoint du CRA. "Cela fait un an qu’elle et son mari sont à Mayotte. Ils sont bien intégrés dans la société, d’ailleurs elle est monitrice de sport. Ce sont des gens qui aiment Mayotte et sa culture."

"Ils auraient pu blesser gravement quelqu’un"

M. Bourreau est le premier à être choqué par l’acharnement des manifestants lorsqu’ils ont vu tomber sa collègue. "Elle était en bas de la carrière de Petite Terre. Au dessus, une quarantaine de personnes étaient en train de leur lancer des grosses pierres. Elle est tombée une première fois, puis une deuxième fois lorsqu’elle a été touchée à la nuque. C’est là qu’ils en ont profité pour lui lancer des pierres sur les jambes. Au bout d’un moment, elle était paralysée, elle ne sentait plus ses jambes."
Une telle barbarie reste difficile à expliquer. Traumatisée, la policière a longtemps hésité avant de venir à la rencontre des trois adolescents, mais son intervention a eu l’impact souhaité.
"Quand la fonctionnaire de police est intervenue, moi-même j’étais mal à l’aise", explique ce père de famille, "j’étais peiné par ce qu’elle a vécu, par ce qu’elle vit aujourd’hui, parce ses larmes montrent qu’elle a encore des séquelles. Franchement, je dirais qu’il n’y a rien qui fait qu’à Mayotte on ait pu en arriver là. La vie chère, est elle aussi chère pour moi, pour vous, pour les policiers, pour tout le monde. Est-ce que c’est ça qui fait qu’on doit se jeter des pierres ?"
Tout aussi troublés, les jeunes ont pu adresser leurs excuses à leurs victimes. Etienne Demarle, le directeur départemental de la PJJ, voit en eux des jeunes comme tant d’autres qui n’ont fait que suivre le mouvement de foule. "Un certain nombre de ces jeunes a été happé par la manifestation. Aller manifester quand on a 17 ans, c’est rigolo. Ils n’ont pas réfléchi au moment où ils ont lancé des pierres sur les policiers. C’est seulement aujourd’hui qu’ils ont vu les conséquences que ça aurait pu avoir, parce qu’ils auraient pu, sans le vouloir, blesser gravement quelqu’un."

Une mesure de réparation et de prévention

Pour les organisateurs de la rencontre, l’échange avec ces jeunes était essentiel pour créer une prise de conscience sur la gravité des actes perpétrés. "Grace à cette rencontre, nous leur avons fait comprendre que ces personnes sur lesquelles ils jetaient des pierres étaient des êtres humains comme eux", explique Thierry Bourreau.
Cette rencontre inédite fait partie d’une série de mesures visant les mineurs ayant commis des délits, afin de susciter une prise de conscience sur leurs actes. Une rencontre qui a au moins le mérite d’apaiser les tensions entre les forces de l’ordre et la jeunesse en instaurant le dialogue.
Selon M. Demarle, le ministère de la Justice a été très content de cette démarche. "L’idée est de tout faire pour que les jeunes ne récidivent pas et qu’ils sachent qu’il y a des adultes en face", a-t-il précisé. Il est toutefois regrettable que la mesure ne s’applique qu’aux mineurs, tant les actions éducatives envers la population semblent nécessaires.

Halda Toihiridini