04/02/2009 – Portrait : La petite grande dame du hand mahorais

“Le handball est à Tsingoni ce que le football est au Brésil.” Les Tsingoniens expliquent par cette maxime leur domination sur ce sport à Mayotte. Comme beaucoup d’habitants du village, Abouchirou Saïd est tombée dans la marmite handball depuis son plus jeune âge.

Née le 10 mai 1981, jour de l’accession de François Mitterrand à la présidence de la République (“Je suis née socialiste”, dit en riant la socialiste, 8e adjointe chargée des sports à Tsingoni), Abouchirou effectue ses débuts sportifs sur un court de tennis. Un an plus tard, elle opte pour l’athlétisme. “J’avais 11 ans, je voulais aussi faire du hand puisque toutes mes cousines y étaient, mais ma mère ne voulait pas que je cumule athlé et hand. A la fin de l’année, j’ai eu les félicitations et j’ai pu faire les deux”? raconte la technicienne de la ligue chargée du développement des catégories jeunes.

A 12 ans donc, elle débute à l’ASCT avec comme entraîneur un certain Badirou Abdou, aujourd’hui coach des rivales de Sada. Côté scolaire, tout roule jusqu’au bac. Bonne élève, elle rate son bac ES en 2002. “Je ne comprenais pas pourquoi j’avais échoué et je ne me suis pas réinscrite au lycée parce que j’étais dégoûtée de l’école”? confie-t-elle. Toutefois, Abouchirou savait ce qu’elle voulait : travailler dans le sport et plus particulièrement dans le handball. “Je me suis pointée à la DJS et j’ai rencontré Assani Ali (alors technicien de hand et aujourd’hui 5e vice-président du CG) qui m’a orientée vers les cursus sportifs. Il m’a parlé du brevet d’état et là je me suis dit que c’était vraiment dur à obtenir.”

“Ma mère m’a dit de m’accrocher”

Néanmoins, l’ancien directeur de la DJS, Mohamed Moindjié l’a encouragée dans cette voie. N’ayant pas le bac, elle a dû passer un concours préalable pour obtenir une place au Creps de la Réunion. “J’ai terminé 9e sur 22 et il y avait 60 candidats”, nous narre-t-elle, pas peu fière. Ensuite, grâce à la Dasu qui lui paye son billet d’avion, elle part se former dans l’île Bourbon en septembre 2002. Les premières semaines ne sont pas faciles. “Je pleurais tous les soirs dans ma chambre du Creps et je voulais rentrer. Mais ma mère m’a dit que le billet avait été payé et qu’il fallait que je m’accroche.”

À son arrivée, elle effectue plusieurs essais dans des clubs réunionnais. Finalement, elle s’installe au HBF Saint-André, dans l’équipe entraînée par Jean-Yves Fernandez, qui était juste auparavant CTR de la Réunion et qui connaissait déjà la Mahoraise. “J’y ai entraîné les benjamines pendant un an et l’école de hand pendant 2 ans.” Abouchirou a obtenu le tronc commun du BE en 2003 tout en passant son bac. C’est son copain de l’époque, devenu son mari, Soultoine Ali (lanceur de javelot et technicien à ligue d’athlétisme) qui l’y avait inscrite à son insu. “Si j’ai eu mon bac et mon BE, c’est grâce à lui. Il m’a beaucoup soutenue. J’étais loin de la famille, mais d’un autre côté, on était entouré de surfeurs, volleyeurs, footballeurs, c’était très intéressant”, insiste-t-elle.

Pour la partie pratique du BE, elle mettra 2 années supplémentaires pour obtenir son diplôme. En décembre 2005, elle accouche de son premier enfant, Tanya, puis rentre quelques mois plus tard à Mayotte en laissant un bon paquet de copines à la Réunion.

Un accent créole qui a disparu

“Je m’adapte facilement et j’ai dû apprendre le créole pour mieux communiquer sur le terrain avec mes coéquipières. J’avais même pris l’accent, mais là je l’ai perdu”, dit-elle avec le sourire. Abouchirou a eu son deuxième enfant en juin 2008 et a fait récemment son retour sur les terrains au sein de l’ASCT. Mais selon elle, on lui en demande trop. “Je viens à peine de me remettre d’un accouchement et l’entraîneur m’a dit qu’il avait l’impression que je me défonce plus que les jeunes qui n’ont pas encore eu d’enfant”, peste-t-elle. Pour l’organisation de sa vie familiale, elle peut compter sur Soultoine, qui partage les tâches domestiques.

“C’est un sportif, il me comprend. Si j’étais tombé sur un djaoula, ça fait longtemps que j’aurais arrêté”, affirme la petite (elle mesure 1,60 m) capitaine de l’ASCT. Elle encourage les femmes à suivre sa voie. “Il y a des besoins en sport. Mais il faut aimer ça. Il n’y a pas que le secrétariat ou la compta ! D’ailleurs ma petite sœur dit qu’elle veut faire pareil que moi.” Avis aux amatrices !

 

Faïd Souhaïli

 


 

Abouchirou Saïd

  • Née le 10/05/1981
  • Clubs : ASC Tsingoni (1993 – 2002, puis 2006 à aujourd’hui) et HBF Saint-André (2002-2005)
  • Palmarès :

Handball : championne de Mayotte de 1997 à 2002 et 2007 (ASCT), vainqueur de la coupe de Mayotte de 1997 à 2002, puis 2005 et 2006 (ASCT), vainqueur de la CCCOI en 2003 (HBFSA), finaliste en 2004 (HBFSA)

Athlétisme : Championne académique UNSS de javelot en 2001 (St-Paul)

Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1112

Le journal des jeunes

À la Une