{xtypo_dropcap}"I{/xtypo_dropcap}l est impossible que le conseil général prenne seul en charge ce genre de grands projets." Tout est dit dans cette phrase d'Alain-Kamal Martial, directeur du service culturel, un service qui aujourd'hui "n'a plus d'argent". Comme souvent à Mayotte, une belle initiative tombe à l'eau parce qu'elle n'a pas été pensée dans la durée par les financeurs.
Pourtant, l'idée de cette Cham (classe à horaire aménagé musique, celle de Mayotte n'en a pas le label officiel car elle n'est pas liée à un conservatoire), était pensée depuis longtemps par Cécile Pélourdeau, directrice de Musique à Mayotte, et Pascal Charléry le principal de Doujani.
Leur travail rejoint une volonté d'Alain-Kamal Martial de développer des classes artistiques et aboutit à la rentrée 2008 à la création d'une 5e Cham. 24 élèves – quatre violonistes, deux violoncellistes, trois saxophonistes, trois batteurs, trois pianistes, trois guitaristes et six chanteuses – qui n'avaient jamais fait de musique auparavant, bénéficient d'une option de quatre heures par semaine.
Les heures sont regroupées en une matinée qui comprend de la chorale, du solfège, les cours d'instruments et un cours en orchestre : un "classique", et l'autre de musique traditionnelle mahoraise dirigé par Diho. Le vice-rectorat participe à la création de cette Cham en donnant des heures au collège; le transport, le salaire des professeurs et les instruments sont financés par le service culturel.
"Le budget transport n'est pas le plus indispensable, l'école n'est pas très loin et les élèves sont assez motivés pour y aller à pieds, ce qui est indispensable c'est le salaire des profs. Ils ont même proposé à l'école de faire une ou deux heures gratuitement", explique Pascal Charléry.
"On va créer des élèves aigris, démotivés"
Car pour l'année prochaine, le conseil général a annoncé ne pas avoir d'argent à donner à la Cham. Rien d'écrit ni d'officiel, mais les faits sont là. Un coup d'arrêt brutal pour le collège, qui prévoyait à la rentrée prochaine de poursuivre l'expérience pour les 24 élèves en 4e, et de créer une nouvelle 5e Cham, dont les élèves ont déjà été recrutés.
"Cette classe permet une ouverture culturelle importante, une découverte de la musique étrangère et locale, c'est une grande force dans notre projet d'établissement", plaide le principal qui précise que "ces classes sont une bonne façade pour le collège. Le but n'est évidemment pas d'attirer les élèves extérieurs, mais d'offrir une opportunité à ceux de Doujani."
Toute l'année, les élèves ont passé leur temps libre à répéter dans la salle qui leur est réservée au collège. Motivés au départ, ils le sont encore plus aujourd'hui. "Nous ne les avons pas sélectionnés sur leurs résultats scolaires, mais à la fin de l'année, la moyenne de la classe est de 14, cette option leur a été profitable dans tous les domaines."
Le dispositif profite également aux CM2 de Doujani 2, qui sont régulièrement en contact avec les élèves de la Cham, certains demandent déjà comment faire pour intégrer cette classe plus tard. "Si on casse cela, on casse une partie importante du projet d'établissement", répète M. Charléry. "On va créer des élèves aigris, démotivés." A la demande du vice-recteur, le principal a mis le problème par écrit, afin de lui donner une base pour rencontrer le président du conseil général et tenter de débloquer les 20.000€ dont l'établissement a besoin pour la survie de la première Cham et la création de la deuxième.
20.000 € pour l'année et pour deux classes…
Pour Alain-Kamal Martial, il n'y a qu'une solution : l'Etat. "Quand Cécile Pélourdeau m'a présenté le projet l'an dernier, j'ai réussi à débloquer l'argent nécessaire en le prenant sur d'autres projets. Rien n'a été prévu dans la durée, c'est donc normal qu'on en soit là aujourd'hui. L'Etat doit s'engager dans le projet, il doit participer, via sa direction des affaires culturelles. Dans les autres départements français c'est ce qui est fait pour ces classes."
A l'origine, le directeur du service culturel, lui-même écrivain et metteur en scène, envisageait la création de classes arts : théâtre, musique et danse, avec au bout une intégration des élèves dans un conservatoire. "La Cham était le premier pas. Nous y avons mis de l'argent, nous étions les seuls, maintenant il faut qu'elle soit soutenue par la préfecture. La Dac finance certaines actions culturelles, elle doit définir quelles sont les priorités et mettre en place des formations artistiques. Il n'y a eu aucune discussion préalable au financement de cette classe, et aujourd'hui on est bloqué."
Peu convaincu qu'une solution sera trouvée pour l'année prochaine car "il n'y a pas d'argent au conseil général", Alain-Kamal Martial a rencontré le vice-recteur pour discuter d'une éventuelle convention sur la formation artistique et voir ce qu'il est possible de faire dès l'année prochaine avec le peu de moyens disponibles. Le principal du collège de Doujani, qui finit cette année son contrat à Mayotte, reste sur l'île jusqu'à la fin du mois de juillet, dans l'espoir de trouver une solution pour que cette classe ne meurt pas un an après sa création.
Hélène Ferkatadji
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