{xtypo_dropcap}A{/xtypo_dropcap}lors que la liste des passagers de l’Airbus 310 commence à circuler, il n’y a toujours pas de nouveau rescapé. La jeune Marseillaise Bahia Bakari, 12 ans, demeure à ce jour l’unique survivante de la catastrophe aérienne. Elle est partie dès mercredi en compagnie du secrétaire d’Etat français à la Coopération, Alain Joyandet. Leur avion a atterri à l'aéroport du Bourget peu après 08h00 ce jeudi matin.
Sur le terrain, les recherches continuent. Mercredi matin, un Transall de l’armée de l’air française a décollé de Mayotte à destination de Moroni avec à son bord un second contingent de légionnaires, dont un officier supérieur qui aura à charge d’assurer les liaisons avec les forces armées comoriennes, en coordination avec l’ambassade de France. Un avion, un hélicoptère ainsi que quinze plongeurs de l'armée américaine sont arrivés le même jour. L'Etat malgache a quant à lui envoyé un navire-patrouilleur pour aider aux recherches d'éventuels survivants de l'accident à proximité des côtes comoriennes.
Il était aux environs de deux heures du matin, lorsque le vol IY626 a disparu au large de Mitsamiouli, au nord de la Grande-Comore. A son bord se trouvaient les premiers vacanciers en provenance de la Métropole : 142 passagers et 11 membres d'équipage. L'A310 se serait écrasé à 10 kilomètres des côtes de N'gazidja, 5 minutes seulement après que le commandant de bord ait annoncé l'amorce de sa phase d'atterrissage à la tour de contrôle.
Le vol IY 749 était parti lundi matin de Paris avec un Airbus 330, répondant aux normes européennes, pour effectuer une première escale à Marseille. Un changement d'appareil a ensuite été opéré à Sana, au Yémen, quelques heures plus tard… L'A310 sur les passagers ont été embarqués, vieux d'une vingtaine d'années mais surtout ne s'étant pas conformé aux normes européennes comme le permet la règlementation entre les Comores et le Yémen, s'est ensuite rendu à Djibouti, avant de poursuivre sa route vers Moroni.
Indemnisation de 20.000 euros pour les familles
Aujourd'hui, on sait que la plupart des passagers étaient en transit à Sanaa : 52 venaient de Paris, 59 de Marseille, 11 du Caire, 12 de Dubaï (Emirats arabes unis), 3 de Djeddah (Arabie saoudite), 1 d'Amman et 1 de Damas.
Fayçal Emran, chef du bureau de la Yémenia Airways à Paris, a déclaré mercredi qu'un premier dédommagement de 20.000 euros allait être versé aux familles de chaque victime du vol IY626. Il a également annoncé que la compagnie yéménite facilitera le transport des familles des victimes aux Comores. "Le siège social a décidé de donner un billet pour chaque famille afin de participer aux funérailles ou aux cérémonies", a-t-il promis.
A Mayotte aussi les compagnies aériennes se mobilisent pour permettre aux familles de rejoindre rapidement la Grande-Comore. Dès mercredi Comores aviation a dépêché deux vols supplémentaires pour les familles qui le souhaitaient. La compagnie Air Austral met en place un vol spécial ce vendredi 3 juillet.
Les familles présentes à Mayotte peuvent aussi porter plainte
La justice française a ouvert mercredi une information judiciaire contre X pour "homicide involontaire". Dans un communiqué, le procureur de la république Marc Brisset-Foucault informe les familles des victimes résidant à Mayotte qu'elles peuvent elles aussi porter plainte auprès de la gendarmerie ou au commissariat de police.
Les procès-verbaux seront ensuite transmis au parquet de Bobigny. Les personnes concernées peuvent aussi contacter l'association pour la condition féminine et l’aide aux victimes (ACFAV). Le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) de l'aviation civile française, qui enquête déjà sur le crash du vol Air France survenu au début du mois de juin en provenance du Brésil, a annoncé pour sa part l'envoi d'une équipe d'enquêteurs accompagnée de spécialistes d'Airbus.
Halda Toihiridini
Yémenia sème la révolte chez les Comorien
Haro sur la compagnie yéménite ! Alors que les témoignages pleuvent sur toutes les chaines, depuis la catastrophe, une centaine de membres de la communauté comorienne à Marseille ont contraint deux agences de voyages qui vendaient des billets de la compagnie incriminée à fermer. A Mayotte comme partout dans le monde, la diaspora comorienne se mobilise pour dénoncer les conditions de vol sur Yémenia Airways.
Il faut boycotter Yémenia ! Voici le nouveau cri de guerre dans la communauté comorienne. Quelques jours après la catastrophe, les esprits s’échauffent et particulièrement sur les réseaux sociaux, lieux de prédilection des jeunes comoriens, éparpillés principalement en banlieue parisienne et à Marseille.
Principales victimes des compagnies "low cost et low security" desservant les Comores, les familles pauvres de la diaspora comorienne témoignent de leur désarroi. Avec un billet vendu à partir de 700 euros, la compagnie yéménite est celle qui propose les meilleurs tarifs pour Moroni. Une somme encore conséquente pour ces familles souvent bien nombreuses. Ainsi, beaucoup économisent longtemps pour pouvoir rendre visite à leurs proches. "Nos parents font des projets sur deux à trois ans pour se rendre aux Comores", nous explique Ali.
Sans autre alternative que des voyages avec des compagnies peu fiables (à moins d'économiser plus longtemps pour voyager sur des compagnies plus sûres), beaucoup s'embarquent sur des vols incertains pendant lesquels ils doivent aussi faire face aux "mauvais traitements" de la part du personnel.Après plusieurs années à voyager la peur au ventre, aujourd'hui les langues se délient. Le personnel de la compagnie, parfois bien conscient des dangers, est le premier à parler.
"Ils ne font même pas de fouilles corporelles, quand les portes électriques sonnent, car ils rechignent à nous toucher !"
Après avoir travaillé trois ans en tant qu’hôtesse de l'air pour Yémenia, Sonia, 23 ans, témoigne de l'état des avions de la compagnie. "Une fois on est allé à Moroni et le train d’atterrissage ne voulait pas sortir, alors qu’on approchait de l’aéroport. Le commandant a essayé manuellement… heureusement, on a pu atterrir. Mais l’avion a déjà eu des problèmes avant la catastrophe. De toute façon, tous les avions de la compagnie sont dangereux…" Un témoignage d'autant plus inquiétant lorsqu'on sait que des avions de la compagnie circulent encore.
Dalila Ahamed vit actuellement à Londres, elle a voyagé à deux reprises sur les vols de la compagnie. Cette année et il y a trois ans. Elle nous explique comment les motivations financières ont longtemps poussé ses parents à privilégier cette compagnie. Avec 40 kilos de bagages autorisés en soute, Yémenia avait en effet des arguments imparables, d'autant plus que, selon la jeune femme, pendant un moment c'était la seule compagnie au départ de Paris à se rendre à Moroni". Aujourd'hui encore elle se remémore des traitements indignes infligés à ses compatriotes durant les trajets.
"Ma première fois avec Yémenia Airways a été un choc culturel… Pas d'infrastructures dignes de ce nom, aucune hôtesse ou agent de voyages qui parlait anglais. Un comportement brutal et peu aimable. Ils ne font même pas de fouilles corporelles, quand les portes électriques sonnent, car ils rechignent à nous toucher ! Les passeports sont pris du bout des doigts… Une fois, une femme avec un nouveau né est tombée malade dans l'avion : fièvre, diarrhée. Quand on a demandé de l'aide, les hôtesses ont refusé. Elles n'ont même pas voulu prendre le bébé, le temps qu'on puisse emmener la dame jusqu'aux toilettes. Elle n'a pas pu tenir… Nous avons dû l'aider nous même, lui prêter des vêtements et nettoyer l'avion avec des kleenex."
"Tout ça parce que nous sommes un pays du tiers monde. Nous n'avons pas le pouvoir de la France"
D'autres laissent éclater leur colère, comme Farda. " Ils se font trop d'argent sur notre dos ! Et tout ça parce que nos familles sont aux Comores. Ils savent qu'on s'y rendra, même si les prix des billets sont excessifs ! On nous met dans des avions qui datent de 1900… Résultat, on meurt dedans et ils mettent ça sur le dos des intempéries !"
"Nous nous plaignons du manque de considération et du mépris de la part de cette compagnie depuis plusieurs années", ajoute un internaute, "tout ça parce que nous sommes un pays du tiers monde. Nous n'avons pas le pouvoir de la France." Pour lui, ce crash leur sert juste à se faire entendre. Mais les autorités comoriennes ne sont pas en reste.
Nombreux sont ceux qui critiquent les "magouilles" des politiciens comoriens qui, selon certains, auraient laissé partir les bonnes compagnies pour ne garder que les moins fiables. Des réactions encore plus virulentes après les accusations du vice-président Idi Nadhoim contre la France, qui, selon lui, n'aurait pas informé l'état comorien des problèmes liés à l'avion.
"L'état comorien connaissait parfaitement le problème. C'est une parade traditionnelle et habituelle dans le but de détourner la population des vrais problèmes sociaux et économiques que connait le pays", s'énerve Soilah avant d'ajouter : "je suis Comorien et aujourd'hui je suis scandalisé des accusations du vice-président des Comores. Cet avions était interdit en France et cette information aurait été fournie aux autorité comoriennes s'ils avaient cherché à protéger leurs compatriotes, au lieu de racketter Yémenia et s'en mettre plein les poches".
Lucides, les Comoriens n'hésitent pas à dénoncer l'attitude de leur gouvernement. Pour eux, ce sont les plus pauvres qui subissent une fois de plus les dommages. Mais aujourd'hui c'est Imane qui décrit le mieux la perte que représente cette catastrophe : "Dans l'avion de Yémenia, il y avait 153 personnes. Mais c'est toute la population comorienne qui est touchée, car chacun de ces passagers avait en charge la scolarité, la santé et la vie d'une centaine d'autres personnes au pays".
Halda Toihiridini
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