03/04/2009 – Interview avec U Roy et Pablo Moses

 

{xtypo_dropcap}T{/xtypo_dropcap}ounda : Quel est votre sentiment sur Mayotte, comparée à la Jamaïque ?

U Roy : C'est presque la même chose. La seule différence, c'est qu'en Jamaïque, si tu veux voir des singes, tu dois aller dans les zoos. Ici, je peux regarder les arbres et les voir, c'est bien ! C'est naturel. C'est la première fois que je me sens si près de ces animaux. Je pourrai dire à mes amis et à mes enfants quand je rentrerai que j'ai vu des chauves-souris en vrai, et pas dans des documentaires.

 

Tounda : Est-ce que vous avez préparé quelque chose de spécial pour Mayotte ?

– U Roy : Oui, c'est toujours spécial. Nous faisons vivre l'esprit de Jah.

– Pablo Moses : Nous allons faire une mixture de morceaux classiques et de nouvelles chansons, parce que nous avons de nouveaux auditeurs et des anciens. Nous allons essayer de faire en sorte que tout le monde soit en paix.

– U Roy : J'adore faire des choses auxquelles les gens m'identifient. Je ne veux pas qu'ils se disent : "mais c'est qui ?".

 

Tounda : Pablo, vous avez enregistré des chansons avec Groundation dans son dernier album "Upon the Bridge". Avant cela, les Congos et I Jah Man avaient joué avec lui sur l'album "Airbone Gate". Vous pensez que c'est une bonne chose que ce groupe joue avec des "anciens" comme vous ?

– Pablo Moses : J'adore ce que fait Groundation, ça sonne bien. Ils respectent les "anciens" et savent ce que nous avons fait avant. Leurs chansons parlent de l'oppression, de la discrimination et de l'égalité des droits. Nous nous complétons l'un l'autre. Je le respecte et je l'encourage à continuer sur cette voie positive qui vient du cœur. J'ai fait des compositions dans son dernier album et nous jouons ensemble dans des festivals reggae et ska. C'était un honneur pour moi d'être sur scène avec Groundation, comme je suppose cela l'a été pour lui.

 

Tounda : Aujourd'hui, le mouvement "gangsta" jamaïcain est de plus en plus médiatisé, comme Damian Marley dans son clip "Welcome to Jam Rock". Pensez-vous que ce genre de clip détourne l'esprit original du reggae ?

– Pablo Moses : Je pense que c'est une bonne chanson et qu'il dit certaines choses qui devaient être dites. Peut-être qu'il a réussi à aller au-devant de ce que certains aiment. Je pense que ses chansons sont dans un chemin positif et qu'il va continuer. C'est une bonne chose pour le reggae. Le riddim et la ligne de basse viennent d'un classique, déjà repris par Sly & Robbie. Il a revitalisé ce riddim et l'a réintroduit vers les gens.

– U Roy : C'est un jeune garçon. Il faut l'aimer pour ce qu'il fait. Il parle de ce qu'il voit en train de se passer. C'est juste la réalité.

 

Tounda : Et que pensez-vous de la nouvelle vague du ragga dancehall comme Elephant Man ou Buju Banton ? Vous estimez qu'ils ont vendu leur âme au "business" de l'industrie musicale ?

– U Roy : Il faut respecter ce que font les jeunes. On ne pouvait pas espérer qu'entre mon temps et aujourd'hui, la musique serait la même. La musique change : les jeunes viennent avec des idées de jeunes.

– Pablo Moses : Il y a trois types de reggae maintenant : tu as le "roots reggae", le "lovers rock reggae" et le "dancehall". Il y a quand même certains messages qui devraient être plus "clean" : quand tu rabaisses les femmes et que tu parles d'elles de manière négative dans tes paroles, je pense que ça devrait être effacé. Il faut qu'ils trouvent une manière plus positive de parler des femmes et des "anciens" aussi. En même temps, c'est un autre type de musique qui reste toujours du reggae, une musique qui durera encore et toujours. Quand le dancehall a émergé dans les années 1980, ils utilisaient des riddims qui dataient des années 1960 et 1970. Les "beats" ont remplacé les lignes de basse, c'est tout.

 

Tounda : Comment voyez-vous l'évolution du mouvement rastafarien, vous qui faites partie de ses précurseurs ?

– U Roy : Avant; ma perception du regard des autres était que les rastas étaient les pires des personnes. Aujourd'hui, nous sommes dans un monde où les gens ont enfin accepté le mouvement des rastafariens.

– Pablo Moses : L'esprit de Jah croît sans cesse…

– U Roy : Nous ne sommes pas là pour vous dire de devenir rasta, si vous voulez être nos amis, pas du tout.

– Pablo Moses : Nous voulons juste vous montrer notre amour, car c'est tout ce qui fait l'égalité des droits et la justice rasta. Et ce n'est pas que pour les Noirs, la justice est pour tout le monde. Le rastafarisme n'est pas une religion, c'est une révolution, une force qui vient dire : nous n'aimons pas l'oppression, que vous soyez Noir, Blanc ou Chinois.

 

Tounda : Quelle est votre opinion sur le référendum de dimanche dernier ?

– U Roy : Le peuple a le droit de faire les choix qui lui semble les meilleurs. Si tu as des chaussures qui te font mal aux pieds, tu peux les enlever…

– Pablo Moses : Nous avons nos problèmes en Jamaïque et les gens ont les leurs ici. Ils ont le droit de faire leur choix, c'est ça, la démocratie.

 

Propos recueillis et traduits par Julien Perrot

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