{xtypo_dropcap}A{/xtypo_dropcap} l’intérieur du village comme sur sa façade, c’est un village qui n’offre rien d’engageant. Point d’équipement structurant, point de place publique digne de ce nom, pas d’entretien des espaces communs. En guise d’espace de rencontre, Tsoundzou I doit se contenter d’un misérable kiosque insalubre, véritable niche à rats, moustiques et autres détritus, et qui n’est plus qu’un vague souvenir de ce qui se voulait un lieu convivial qui invite aux rencontres et aux échanges.
Village sinistré, abandonné de tous, Tsoundzou I voit ses habitants transformés aujourd’hui en citoyens de seconde zone, et ses élus et ses militants associatifs devenir les acteurs les moins écoutés dans cette jungle de la politique partisane et clientéliste, où la raison du plus fort est toujours la meilleure. Une politique qui fait peu cas de l’action concertée et de la réflexion globale qui doivent guider les choix pour un aménagement équilibré du territoire communal dans l’intérêt de tous les habitants de la commune de Mamoudzou.
Mais jusqu’à quand cette situation va-t-elle durer ? Jusqu’à quand les habitants du village de Tsoundzou I supporteront-ils cette condition assignée par ceux-là même qui sont sensés les accompagner dans leur développement ?
Pour ma part, et en ma qualité de militant associatif et de conseiller municipal, à la commune Mamoudzou, j’ai décidé de prendre à témoin les Mahorais pour plaider la cause de mon village, en espérant que la voix des habitants de Tsoundzou I puissent être entendue à travers la mienne.
En effet, si je prends ma plume aujourd’hui, c’est pour alerter les autorités de Mayotte sur les risques que nous encourons à laisser perdurer cette situation. Car le village de Tsoundzou I refuse de continuer à porter les stigmates de cette politique d’abandon, qui ne peut que conduire à des désordres sociaux.
Pourtant, bien qu’oubliée des grands projets structurants, Tsoundzou I reste un coin doté d’une jeunesse foisonnante en plein devenir, qui ne demande qu’à s’exprimer, qu’à s’épanouir et à s’inscrire dans le formidable mouvement des évolutions de la commune de Mamoudzou et de Mayotte entière.
Comment cette jeunesse peut-elle continuer à se construire dans cet environnement si peu propice à l’élaboration d’une image positive de soi ? Comment peut-on construire ici son rapport aux autres quand l’image de soi à travers son cadre de vie quotidien est si écornée ?
Quel est donc ce modèle si peu respectueux de la dignité humaine, qui prétend faire émerger les citoyens responsables de demain ? Car il n’est pas simplement question à Tsoundzou I de pauvreté, de manque, non. Ce qui est en cause ici est encore plus alarmant. Il est en effet question d’un profond sentiment d’abandon, il est question de rupture : Tsoundzou I comme Kawéni sont désertées par l’action publique et par "l’attention publique", reléguées au rang de zone de non droits : non droit à l’image, non droit au respect, non droit à la dignité, non droit aux instruments d’une éducation réussie, non droit aux loisirs et à l’épanouissement personnel, non droit à la mobilité, non droit à la culture, non droit au développement économique et social…
Et alors que les projets structurants pour la vie quotidienne des habitants ont déserté depuis longtemps notre village, voilà qu’aujourd’hui, on décide d’y installer la Step (station de traitement et d'épuration, ndlr) de Mamoudzou sud. Cette décision revêt pour les habitants de Tsoundzou I un sens tout particulier. Elle est la manifestation flagrante du mépris des autorités pour la population du village au regard de ce qui précède. Car pour poser cet ouvrage, l’unanimité se fait autour de Tsoundzou I : il n’est même pas besoin de discuter, c’est sur Tsoundzou I naturellement qu’il convient de déverser la "merde" de toute la population de Mamoudzou Sud.
Ce projet en lui-même ne poserait pas de problème si Tsoundzou I avait été traitée et considérée autrement, si d’autres aménagements y étaient réalisés, à l’image des autres villages. Seulement voilà, la réalité est toute autre. Seule Tsoundzou I peut devenir le dépotoir de la commune et recevoir cet équipement dont aucun des villages limitrophes n’aura voulu, qui plus est, aucune voix amie ne s’est jamais élevée pour émettre la moindre objection face à cette décision. C’est pourquoi, au nom du respect et de la considération dus à ses habitants, je soutiendrai la population de Tsoundzou I qui compte s’ériger contre ce projet.
Arkkadine Abdoul Wassion,
Conseiller municipal de Tsoundzou I
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