02/10/2009 – Magazine : Patrimoine naturel

 

 

{xtypo_dropcap}D{/xtypo_dropcap}errière une discrète haie végétale où s'activent les 15 jardiniers du conseil général, le parc botanique de Coconi recèle des trésors naturels qui ne demandent qu'à être découverts, comme ce magnifique samanea, un arbre gigantesque qui trône au bout d'une allée de palmiers. Il faut dire que les horaires d'ouverture ne plaident pas en faveur de sa découverte en famille ou entre amis le week-end…

Et pourtant, l'endroit mérite le détour. En face de l'entrée, une pépinière d'essences de fleurs et de plantes ornementales permet d'effectuer des aménagements paysagers, d'embellir les cérémonies du conseil général, tels ces magnifiques bouquets de roses de porcelaine et d'oiseaux de paradis en train d'être préparés. L'endroit sert aussi à former les stagiaires du lycée agricole, qui jouxte le jardin. Créé par la Daf en septembre 1998, le jardin est un service du conseil général depuis la décentralisation de 2004.

"Au départ, le jardin était un espace détente sans projet à long terme, il n'a jamais eu une vocation scientifique. Aujourd'hui, nous voulons en faire un vrai parc botanique, avec l'appui du CBNM qui est sur le point de s'installer", précise Adrachi Velou, chef du service aménagement et cadre de vie à la direction de l'environnement et du développement durable (DEDD).

Le premier travail consistera à faire l'inventaire des différentes espèces, et compléter les panneaux donnant les noms scientifiques installés il y a 5 ans par Fabien Barthelat, du service environnement et forêt de la Daf. La cinquantaine d'essences que compterait le jardin n'a pas de noms vernaculaires et l'usage des plantes médicinales n'est pas encore indiqué.

 

Des plantes médicinales et des usages traditionnels

 

"Il y a des herbes très rares ici, qu'on ne retrouve que dans certaines cours sur l'île. Il faut inventorier ces plantes pour ne pas que leur usage médicinal se perde, comme les vacouas par exemple, qui poussent sur le littoral et dont les fruits, qui ressemblent à des choux-fleurs, permettent de soigner certaines infections", remarque Adrachi Velou. Même s'il n'y a pas encore de panneaux explicatifs ou de salles d'expositions, comme c'est le cas sur le site du CBNM à Saint-Leu, les agents peuvent tout de même fournir des explications très précises aux visiteurs.

Abdou Djihadi par exemple, chef d'équipe et guide, est une mine d'informations sur les différentes plantes et leurs usages. Dans la zone des arbres fruitiers, il explique que les fruits de l'arequier sont utilisés pour être chiqués, en les mélangeant avec des feuilles de tabac, une liane de rambou et de la chaux… Cet usage renforcerait les dents et éviterait les maux de ventre, mais est très surprenant. A côté, la noix de cola est un "excitant très utile pour effectuer des travaux physiques…".

Un peu plus loin, les graines de "bixa" ou "roucou" servent à faire des maquillages orange ou rouge pour les carnavals ou les matchs de foot. Les graines du "mouarta", qui font de la mousse, servent à faire du savon naturel. Les fleurs du frangipanier, jaunes, blanches ou roses, sont utilisées pour les colliers de fleurs.

L'écorce de la cannelle permet de parfumer les gâteaux et ses feuilles, associées à celles du giroflier et du combava, peuvent être infusées pour faire du thé. Les feuilles du "shivoundzé", une variété d'eucalyptus endémique des Comores, peuvent être mélangées avec du lait de coco pour traiter les maux de tête ou la rétention urinaire. Les feuilles du caféier blanc ou rose, un arbre qui est en train disparaître alors qu'il était présent partout sur l'île il y a 20 ans, quand il était commercialisé, peuvent également être utilisées pour le thé.

Pour la reproduction des espèces difficiles à faire pousser, comme le carambolier ou le litchi, les jardiniers utilisent la technique du marcotage aérien. C'est une sorte de bouture sur une branche bien choisie de l'arbre, qui consiste à retirer l'écorce et à l'entourer d'un petit sac rempli de terre pour que les racines s'y développent. Il suffit ensuite de couper la branche et de la planter…

 

Une vitrine de la biodiversité mahoraise

 

Outre les usages médicinaux, les essences étaient aussi beaucoup utilisées pour l'artisanat. En plus d'être gravées facilement, les calebasses peuvent servir de récipient pour les ablutions religieuses et de gourdes naturelles pour conserver l'eau potable ou le lait de zébu.

Les fruits du cycas servaient aussi de récipient pour l'encre dans les écoles coraniques. Le bois du kapokier était utilisé pour fabriquer des charriots, les écorces des fruits du tulipier du Gabon des petites pirogues pour les jeux des enfants, les branches du palmier raphia pour construire les murs des maisons "bourou", ses feuilles pour faire des nattes, des paniers et des cordes. Le sandragon est un excellent tuteur pour le poivrier ou la vanille. Le bois du combava, de l'avocatier et du goyavier, bien dense, est très bon pour faire du feu.

Ces quelques exemples illustrent la richesse du patrimoine naturel de Mayotte, malheureusement encore très peu mis en valeur. "Ce support pédagogique n'est pas suffisamment développé", déplore Léonard Durasnel, chargé d'études à la cellule d'éducation à l'environnement de la DEDD qui organise des visites à la demande des enseignants ou des associations.

"Son devenir devrait s'orienter avec plusieurs cheminements à travers le parc, pour montrer l'évolution du patrimoine naturel de Mayotte et comment l'Homme l'a transformé pour développer ses activités, depuis les défrichements de l'agriculture coloniale. Aujourd'hui, seuls 3 à 5% du territoire sont naturels : il faut que le jardin devienne une vitrine de la biodiversité mahoraise".

Adrachi Velou souhaite développer les atouts scientifiques, pédagogiques et touristiques d'un tel jardin, en associant pleinement la commune de Ouangani, élue l'année dernière la commune la plus accueillante de l'île, en partie grâce à ce parc. Même si cela reste encore à l'état de projet, l'installation de l'antenne du CBNM devrait permettre de le relancer, comme le rappelle Daniel Lucas, son directeur : "Grâce à notre expérience avec le jardin botanique de Colimaçon, nous souhaitons mettre notre connaissance au service du conseil général pour développer et aménager ce jardin, afin de sensibiliser la population et les touristes au patrimoine naturel de Mayotte."

 

Julien Perrot

 

Horaires d'ouverture du jardin : du lundi au jeudi de 6h30 à 15h, le vendredi de 6h30 à 11h30.

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